La jeune femme du label Dreamville et diva protégée par le sacro-saint J. Cole, Ari Lennox, sortait Shea Butter Baby le 7 mai, son premier album solo, à traduire par « Bébé au beurre de karité ». Folle histoire de textures, de peau à peau et d’ode à la sensualité.
Ari Lennox, la First Lady de Dreamville
Repérée par J. Cole sur le featuring « Sweat It Out » d’Omen en 2015, Ari Lennox a rejoint assez rapidement les rangs à succès de Dreamville Records pour y devenir officiellement la première femme du label. À ses débuts, la chanteuse est présentée comme un talent brut, chez qui la technique – sans être sous-estimée – est secondaire.
Son univers musical est sous influence, elle oscille ainsi entre neo-soul, Jazz et R&B, passant ainsi de Marvin Gaye à Raphaël Saadiq, Billie Holiday, Andre 3000, Teedra Moses ou encore Diana Ross à laquelle elle rend hommage sur la pochette de son album.
L’aventure au sein de Dreamville s’ouvre avec une période touring importante, puisqu’entre 2016 et 2018, elle enchaîne avec frénésie les tournées en suivant son mentor J. Cole sur 4 Your Eyez Only. L’occasion pour elle de tester auprès d’un public ses morceaux et de prendre la température.
Exigeante avec elle-même, Ari Lennox est désireuse d’une carrière fulgurante et brillante, et s’impatiente d’un conte de fées qui tarde à se déclarer. Dans la foulée, le label continue de séduire et embarque des talents, à l’image de EarthGang, qui deviendra la préoccupation de J. Cole, faisant ainsi de l’ombre à Ari Lennox.
Au total, il aura fallu 5 ans à Ari Lennox pour sortir cet album en gestation depuis 2015. Au cours de ce laps de temps, Cole reste omniprésent et influence constamment la structure du projet.
Parfois même, son interventionnisme devient déconcertant, au point qu’Ari Lennox a le sentiment d’être totalement déconsidérée. À force d’acharnement et de puissantes batailles, elle parvient à faire figurer certains titres sur Shea Butter Baby, à l’instar des titres « New Apartment » ou encore « Facetime », malgré un J. Cole frileux.
Sous influence(s)
« Her voice is like butter »… Sensuelle, douce, Ari Lennox est la carte soul de Dreamville. En amont de la sortie de son album Shea Butter Baby, elle avait dévoilé le titre intimiste « Whipped Cream ». Dans cette balade mélodieuse, son grain de voix et son flow se rapprochent d’un univers comparable à celui d’Alicia Keys.
Elle partage une sensualité vibrante et une grâce polyphonique dont l’acmé se trouve sur le titre « Up Late ». Accompagnée par quelques notes de saxophone soufflées par le génie artisique de Masego, Ari Lennox injecte autant de magie que de nostalgie.
Dans l’ensemble, chaque titre de l’album rappelle systématiquement une influence, une inflexion de voix que l’on prêterait volontiers à de grands artistes Soul ou R&B. Sur le titre « Shea Butter Baby » en featuring avec J. Cole, la tentation est forte. Impossible de ne pas penser à une ouverture comparable à celle d’Erykah Badu sur le titre de The Roots « You Got Me ».
Mais s’il y a bien une critique à faire à « Shea Butter Baby » – même s’il est musicalement très bon – c’est sans doute son absence de profondeur dans les textes. Lorsqu’il ne s’agit pas de fragilité psychologique, il est question des rapports amoureux ou des applications de rencontres foireuses. On serait en droit d’en espérer un peu plus de la part d’une artiste aux allures de diva et qui jusqu’ici a eu beaucoup de temps (peut-être trop ?) pour peaufiner son projet. Son écriture, parfois pauvre ou difficilement incarnée, est le principal reproche à faire à Ari, qui pourrait sans aucun doute donner une consistance tout autre à ses textes.
Hommage à la femme noire
Comme tout artiste qui se respecte, Ari Lennox a ses propres références et s’est construite autour de figures artistiques dans sa jeunesse. Aussi, il est difficile de ne pas interpréter la cover de Shea Butter Baby comme une réplique sinon une reproduction contemporaine de la cover du deuxième album de Diana Ross, sorti en 1970, et intitulé Everything Is Everything.
Sur celle-ci, « Dirty Diana » prenait une pose proche de celle des sirènes, vêtue de sous-vêtements, et avec pour seul appareil quelques guirlandes de strass et paillettes au cou, décrivant ainsi un univers sensuel. Côté Lennox, le décor est le même, un fond rose, une pose légèrement de profil, laissant découvrir sous un filet de perles un simple body. Pour la coiffure, impossible de ne pas y voir des similitudes avec la wavy pony tail de Rihanna, figure artistique qui a toute sa place parmi au panthéon inspirationnel d’Ari Lennox.
Au-delà de la simple réalisation, Shea Butter Baby est un projet qu’Ari Lennox aime présenter aussi et surtout comme un hommage aux femmes noires. Loin de la langue de bois, elle aime répéter avec conviction que la communauté féminine noire doit revendiquer avec force son pouvoir, sa légitimité et sa beauté et se faire sa place au sein de la société.
Cet hommage à sa communauté trouve son commencement dans l’étape de réalisation de l’album. Parmi 45 titres réalisés, Ari Lennox a sélectionné les titres les plus emblématiques et incontournables selon elle, mais aussi ceux pour lesquels les jeunes femmes de sa communauté ont manifesté un réel engouement lors de ses shows.
Sur le fond, Shea Butter Baby est un très bon cru. Même si les textes auraient pu être travaillés davantage au regard du temps passer à la réalisation de l’album, la voix, les influences et les sonorités sont suffisamment envoûtantes pour faire l’impasse sur les lyrics. Une chose est certaine, maintenant qu’on a goûté l’influence « Lennox », il sera très difficile pour nous d’attendre 3 ou 5 ans pour un nouveau projet…