Pourquoi « Bitch Please II » d’Eminem reste coincé dans mon crâne
Voilà, j’ai un problème. Alors que toutes les chansons du moment ne restent au maximum que quelques jours dans ma tête, il y en a une, plus intemporelle, que je n’arrive pas à oublier : « Bitch Please II », d’Eminem. Issu de l’album The Marshall Mathers LP (2001), le sequel de « Bitch Please » (présent sur No Limit Top Dogg de Snoop Dogg en 1999) demeure inexorablement coincé au fond de mon crâne depuis de longues années, telle une maladie chronique. J’ai donc tenté de comprendre les raisons de ce phénomène qui provoque chez moi une montée d’adrénaline à chaque lancement de ce « yeah, what up Detroit » (l’intro de Dr Dre, ndlr).
L’alignement des étoiles
Je pense que la première raison de cette obsession est l’incroyable casting 5 étoiles (c’est le cas de le dire) de ce track, sur lequel figurent Eminem bien sûr, mais aussi Dr Dre, Snoop Dogg, Xzibit et Nate Dogg. Un véritable All-Star Game capable d’émoustiller n’importe quel rap nerd des années 2000, avant même la première écoute.
Mais ce qui est encore plus fort, c’est que ces cinq superstars sont alors quasiment toutes au firmament de leur carrière, donnant ainsi une impression de symbiose au morceau, d’autant plus que les caractéristiques variées de chacun des MCs semblent se compléter parfaitement : l’aura et la voix grave de Dre pour commencer, la nonchalance exquise de Snoop (qui signe ici sa seule collaboration avec le blondinet de Detroit), la science inégalable du refrain de Nate Dogg, l’agressivité palpable de X, préparant le terrain pour le bouquet final, ce couplet crescendo aux multiples rimes complexes d’un Em affûté comme jamais. Sans être objectivement extraordinaire, « Bitch Please II » entre dans la légende rien que par son line-up.
Une production simple mais efficace
Multitâche historique, Dr Dre est aussi à la production du morceau, en compagnie de son fidèle compagnon d’Aftermath, Mel-Man. Le duo, qui a déjà largement sévi un peu plus tôt sur l’album 2001, compose ici un instrumental assez simple, mais diaboliquement efficace. Des kicks et des snares lourds comme des massues, des basses soufflées (oui, comme un soufflé au fromage) et une mélodie de synthé sacrément entêtante, saupoudrée de choeurs envoutants sur les refrains. C’est presque tout, mais cela fonctionne, en tout cas sur moi. De plus, il se trouve que cette prod’ est assez facile à reproduire en beatbox, ce qui ne m’aide pas du tout à me l’enlever de la tête, bien au contraire puisqu’on peut souvent me croiser en train de la « chanter » tout seul dans les rues de Paris (mais à part ça, je suis normal hein).
Madeleine de Proust
En analysant cet attachement à ce « Bitch Please II », je me suis aussi rendu compte que ce morceau symbolisait ou résumait inconsciemment pour moi une certaine époque du rap, et notamment celle où j’ai commencé à m’intéresser à fond à cette formidable culture. En 2001, j’avais 11 ans, et Eminem ne gueulait pas comme une chèvre sur tous ses morceaux, Dr Dre était derrière quasiment toutes les meilleures prods du moment, Nate Dogg était encore en vie, Xzibit était un rappeur respecté tandis que Snoop remontait bien la pente musicalement. Les stars du rap game étaient clairement identifiables, peu nombreuses, et ce morceau rassemblait pas loin de ce qui se faisait de mieux. Le genre de truc qui vous convainc définitivement de vous plonger dans une passion, en l’occurrence le hip-hop. Ne voyez pas ici de « c’était mieux avant », loin de là, mais seulement une preuve que la musique peut aider à rattacher un moment, une époque au sein de l’immensité de notre mémoire.
PS : si quelqu’un connait une technique imparable pour s’enlever une chanson de la tête, qu’il n’hésite pas à se manifester en commentaire. Merci.