Quelques notes cuivrées, une signature à base de petits cris interjectifs, la même voix aiguë, cassée et chantante depuis l’époque Acid Rap. Impossible de se tromper, le son est caractéristique : Chance The Rapper est de retour à notre grand plaisir.
Une fois n’est pas coutume, Donnie Trumpet et son instrument fétiche ne sont pas bien loin. Nouveauté de ce milieu d’année, Kanye West non plus ! Apres avoir été publiquement adoubé par la légende de Chicago avec, en guise d’épée, une place de choix sur le premier morceau de The Life Of Pablo, Chancelor Bennett rend la pareille à son idole. Pas une intro, une « entrée » majestueuse, sur laquelle le jeune chicagoan aux anges fait un point à date sur sa carrière, tandis que le timbre autotuné de son ainé rappelle à qui l’aurait oublié le rôle central que joue la musique chez les deux artistes. Une vocation évidente et indéniable, que Chance The Rapper s’évertue à confirmer à chaque nouveau projet avec un naturel épatant, et ce depuis ses débuts.
« If I die I’ll probably cry at my own service. »
La prestigieuse liste des featurings compris sur ce troisième opus solo réserve de très belles surprises. À commencer par Lil Wayne et 2 Chainz, dont les voix, qui surgissent sans attendre dès la deuxième piste, font l’effet d’une poignée de bonbons Kiss Cool. S’ensuit une intervention tout en douceur du chanteur Jeremih sur le titre « Summer Friends », puis de D.R.A.M., dont le morceau « Cha Cha » a notamment inspiré le tube « Hotline Bling », et qui vient ici pousser la chansonnette dans « Special ». Puis, ce sont les cordes vocales éraillées de Young Thug qui s’invitent sur « Mixtape », un titre à la mesure de la folie nonchalante de Thugger. Ajoutez à cela Justin Bieber (oui, bon…), Jay Electronica, T-Pain, dont la présence somme toute assez logique est une vraie madeleine de Proust, et Future, qui promène allègrement son flow en spirale dans « Smoke Break ». Un festival de talents qui fait toute la diversité de ce disque, et prouve autant le bon goût de Chance The Rapper que la longueur de son carnet d’adresse.
Côté production, la palette de ce Coloring Book offre un camaïeu de couleurs digne des plus belles études de Kandinsky. Le style oscille brillamment entre trap et gospel, donnant ainsi corps au fameux concept-album mis en avant par Kanye West pour décrire sa dernière oeuvre, mais que l’on ne perçoit finalement qu’en demi-teinte sur The Life Of Pablo. Parmi les crédits, on note d’abord la présence de Kaytranada, dont le style à mi-chemin entre disco, house et Hip-Hop illumine le morceau « All Night », ainsi que du norvégien Lido, affilié à Pelican Fly et Mad Decent, ou encore de Rascal, signé sous le label allemand Jakarta. Egal à lui-même, Chano laisse également la part belle à son groupe The Social Experiment, crédité sur les très bons « Angels » et « Blessings ». Une variété de styles qui permet au rappeur de se renouveler, en partie grâce à des touches plus électroniques qu’à l’accoutumée, sans pour autant perdre la patte de son collectif, reconnaissable entre toutes.
« Call me Mister Mufasa, I had to master stampedes. »
La mixtape tant attendue se finit en beauté avec une reprise minimaliste de « Blessings », une chanson sur laquelle le « protégé » numéro un de Kanye West révèle une fois de plus tout son lyrisme. Comblé, l’artiste se remémore avec nostalgie ses jeunes années, et loue son créateur pour le travail accompli et le chemin parcouru jusqu’ici. Un arrangement très évangélique, à l’image de sa récente performance au Tonight Show, accompagné du So-X, d’un coeur et de l’artiste Byon Cage. Contrairement au roi lion Mufasa, auquel Chano se compare dans ce titre, notre rappeur a appris à maîtriser ses atouts pour se frayer miraculeusement un chemin parmi les buffles. Guidé par les étoiles de ses ancêtres entertainers, Simba est sur le point de récupérer le trône, et tous les animaux de la savane sont là pour assister au sacre. Postés entre les éléphants, les girafes et les flamants roses, éblouis par les couleurs vibrantes de ce safari Hip-Hop, on ne peut que se prosterner devant le jeune prodige.