8Ruki : le nouveau rap conscient
Avec un concept unique nommé Powered by Ruki, 8Ruki s’affranchit toujours plus des standards et offre un projet ultra diversifié et pionnier en France.
Avec Steam en 2019, 8Ruki faisait signe à l’industrie qu’il n’était pas là pour jouer. Le “rookie” est arrivé avec une identité marquée par la plug music et le DMV flow qui a beaucoup fait parler de lui dans l’hexagone. C’est cette capacité à surprendre et à ne jamais se poser de limite que le rappeur défend à travers sa musique. La mixtape Green Lobby sorti en 2020 était un projet synonyme de symbole de la next gen avec un large panel de plug et des collaborations avec ses acteurs comme Ruki, Serane ou les producteurs bricksy et 3g. Il a fortement contribué à la notoriété du rappeur qui ne s’est néanmoins pas enfermé dans cette case.
Entre des passages avec le groupe drill CZ8, un projet commun avec le talentueux JMK$ et un titre old school “Ruki is Like”, l’artiste s’est toujours remis en question, quitte à perdre des fans. Mais son nouveau concept, nommé Powered by Ruki, porte sur une volonté de se diversifier grâce à des rééditions fréquentes. Entretien.
As-tu le sentiment d’être un meneur de la “nouvelle génération » quelques années après son exposition ?
Je n’ai jamais vraiment aimé l’idée de me placer. Mais c’est vrai qu’après mes dernières sorties je sais que j’occupe une place importante dans cette génération. Depuis 2017 j’essaye d’innover au maximum et je pense que je fais partie des pionniers des nouveautés en France.
Est-ce que tu constates que le rap avance beaucoup plus vite désormais en France ?
Je constate qu’il y a énormément de styles différents surtout depuis quelques années. Je pense que c’est super pour les artistes car ça nous permet de nous inspirer et de toujours innover mais je pense que ça peut perdre les auditeurs rapidement.
La plug music ne tourne-t-elle pas un peu au ralenti aujourd’hui ?
J’ai l’impression que tout évolue trop vite. La plug était un peu la porte d’entrée vers tous les autres styles comme l’hyper pop par exemple. Après il y aura toujours des artistes pour faire ce style et le peaufiner au maximum.
C’est vrai que depuis cette année il y a moins d’engouement autour de ce mouvement au profit des nouveaux.
Quand on a commencé dans le rap, il fallait qu’on ait un style à défendre. La plug était un peu notre porte étendard. Aujourd’hui on est des artistes et il faut bien qu’on évolue. Le problème en France c’est que les gens catégorisent trop facilement des artistes dans une case. Tu peux faire de la plug pendant deux ou trois ans et après avancer vers un tout autre style de musique. Moi j’ai toujours essayé de proposer différents styles de musique en allant du boom bap à la plug.
De quoi t’inspire tu en ce moment ?
Cette année j’ai beaucoup été marqué par la scène de Detroit comme BabyFace Ray, Veeze ou Icewear Vezzo. J’ai aussi beaucoup kiffé le délire de Yeat et Lancey Foux. Il y a aussi le sample drill qui m’a touché cette année.
Le voyage fait-il toujours partie de tes hobbies favoris, notamment pour trouver de l’inspiration ?
J’ai été aux states il y a pas longtemps et la on s’apprête à aller à Montréal. Le voyage fait vraiment partie de mon identité car il a beaucoup contribué à ma création artistique et cela me permet aussi d’avoir un public international.
Est ce que tu tends à te connecter avec des américains en ce moment ?
Au tout début de ma carrière j’ai collaboré avec deux rappeurs américains mais c’était sur Soundcloud. En ce moment je suis connectée avec des producteurs et des collaborations vont arriver j’en dirais bientôt plus sur les réseaux…
Green lobby a maintenant 2 ans, quel recul as tu sur ce projet qui t’as beaucoup exposé ?
Ce projet est la consécration de mon voyage au Canada. Quand tu l’écoutes, tu sens que j’ai clairement passé un cap en termes de Flow. Ça a été un projet important pour ma carrière mais je t’avoue que je n’écoute plus du tout les sons actuellement. Je pense néanmoins que c’est important pour mes auditeurs d’écouter ce projet pour voir mon évolution actuellement
Avec Powered by Ruki tu as établi un concept. Enrichir le projet plusieurs fois par an pour créer une playlist évolutive.
Exactement. J’avais vraiment envie de créer un nouveau format. Quand tu écoutes l’original tu peux constater que j’ai un peu la même voix sur tout le projet et qu’il y a vraiment une cohérence. Je me suis demandé comment je pouvais continuer à vendre ce projet sachant que la musique évolue très vite. Je me suis rendu compte qu’aujourd’hui la notion d’album ou projet n’a plus vraiment de sens car tout le monde a sa propre définition. J’ai donc voulu créer la mienne.
Pour tout te dire j’ai moins accroché à l’original que à la première édition ce qui montre la force du projet, il peut à chaque fois renouveler un nouveau public
Je n’aime pas me brider, j’aime sortir des sons quand je veux et c’est ça la force aussi de ce projet. Toujours créer la surprise.
Comment catégorise tu ton écriture ?
Comme le voyage est mon ADN, j’utilise parfois de l’argot québécois. J’ai aussi vécu dans le 78 et dans le 91 donc j’emploie des mots de ces départements. J’utilise aussi parfois des mots américains. Je ne me casse pas vraiment la tête lorsque j’écris, je parle de ce que je vis tous les jours. Je m’adapte aussi à quel type de morceau je souhaite faire. Parfois je fais des toplines pour faire un morceau plus « mainstream ». Parfois j’écris en amont pour faire un morceau plus conscient.
Comment trouves tu tous ces samples pour tes morceaux ?
Parfois c’est par directement les beatmakers qui me proposent des samples mais je vais aussi parfois utiliser des samples qui m’ont marqué pendant mon enfance pour donner une dimension autre au morceau. Je suis à la base de l’école old school type Jay-Z ou Nas donc c’est vraiment quelque chose qui me parle.
Avec quels producteurs travaille tu en ce moment ?
J’ai toujours mon cercle au sein de 33 records (3g, Bricksy, C4000). C’est avec eux que je travaille le plus mais j’essaye aussi de m’ouvrir à tout type de production.
Pourquoi avoir choisi le titre « Ma France » avec Jwles ?
Le feat avec Jwles est venu naturellement car on a beaucoup de gens en commun. Le titre du morceau est sorti de la phrase de Jwles et il prend tout son sens car pour moi la France représente toutes les couleurs et il y a un noir et un blanc sur ce morceau. C’est une forme de nouveau rap conscient en somme. On n’est pas des lyricistes à l’ancienne mais on essaie toujours de raconter la réalité comme le rap français l’a toujours bien fait.
Dans le titre « La Soluce + » tu parles de quelqu’un qui t’a aidé et que tu remercies infiniment. Qui est-ce ?
Je parle de Dieu car en ce moment j’ai un rapport avec la religion qui s’intensifie. Même s’il reste cette notion d’ego trip dans ma musique j’essaie de partager beaucoup de valeurs positives comme la foi et l’entreprenariat.
Tu sors dans quelques jours une nouvelle extension nommée Powered by Ruki HD. Quel est le concept ?
HD signifie Horse Diving. Dans les années 1920 aux États-Unis c’était un sport très populaire. Le concept est simple : sauter d’un tremplin dans un bassin avec un cheval. Le sport a été arrêté pour l’éthique et Donald Trump a même voulu le relancer en 1992 en sautant avec un âne. Il s’est mangé toutes les associations dans la gueule (rires).
J’avais envie d’utiliser cette symbolique du Horse diving car ce projet est constitué de rage beats (genre musical porté par Yëat aux U.S) qui est un style très hard, très marginal, tout comme le sport. Sur la cover j’ai utilisé une image d’un cheval mais je l’ai inversé. Au lieu de tomber vers le bas, le cheval s’ élève ce qui montre ma détermination. J’ai réalisé le projet en seulement 1 mois. Je suis content car j’ai réussi à fusionner le délire rage avec les samples que j’affectionne beaucoup. C’est une extension de 4 titres et je pense que les gens vont y adhérer à fond.