20syl, au-delà du Hip-Hop (partie 2)

20syl, au-delà du Hip-Hop (partie 2)

Après une première partie plus « promo », liée entre autre à la sortie de son premier EP « Motifs », 20syl se confie cette fois-ci sur sa vision du Hip-Hop d’aujourd’hui et de demain, l’évolution de son propre style, la culture Soundcloud ou encore son attachement à sa ville de Nantes.

The BackPackerz : Depuis le retour de C2C, ton son est nettement plus chargé en electro. Que réponds-tu à ceux qui trouvent que tu es moins Hip-Hop qu’avant ?

20syl : Je répondrais que lorsqu’on est arrivé avec notre Hip-Hop acoustique et Hocus Pocus, on nous a dit la même chose, ce qui signifie qu’il faut toujours un petit temps pour que les gens digèrent une évolution, quelle qu’elle soit, et en particulier quand tu évolues dans le domaine du Hip-Hop. On porte des stéréotypes finalement assez lourds, desquels on a parfois du mal à se détacher, donc quand on met le pied sur d’autres terrains (electro, jazz, soul…), ça en surprend forcément quelques-uns qui sont attachés au genre pur et dur. La réaction de certains ne me surprend pas mais je pense que le temps fera son effet.

Considères-tu toujours que ce que tu fais aujourd’hui relève du Hip-Hop ?

Je ne cherche pas particulièrement à faire du Hip-Hop, je ne me suis jamais revendiqué fer de lance de ce style. Le morceau d’Hocus Pocus, “Hip-Hop?” comporte d’ailleurs un point d’interrogation donc il s’agissait déjà de questions que l’on se posait à l’époque, en se demandant à quel moment on est assez légitime pour se revendiquer “Hip-Hop”. Il y a certains éléments ou ingrédients dans le Hip-Hop qui me parlent musicalement, notamment le côté rythmique en avant, le côté très découpé, presque trance dans les boucles. Par conséquent, lorsque je compose, ce sont ces aspects que j’essaie de développer, et c’est pour ça qu’on peut rapprocher ce que je fais du Hip-Hop, mais pas que…Par exemple, si on enlève la partie rap d’Hocus Pocus, on aurait très bien pu nous classer dans du jazz, du funk ou de la soul !

Tu as toujours été assez précurseur en terme de sonorités. Pour toi, vers quoi se dirige le son Hip-Hop ?

Pour moi, le développement se fait toujours par le mélange. On constate aujourd’hui que les producteurs/beatmakers Hip-Hop se tournent de plus en plus vers l’electro, voire la techno et la house. Je trouve ça plutôt cool de voir qu’il y a des vrais ponts qui se créent, puisqu’il y a également de vrais producteurs electro qui viennent bosser pour des rappeurs, donc le mélange se fait dans les deux sens. Tous ces croisements me plaisent et je pense que c’est là que se situe l’avenir du Hip-Hop. Après, le futur se tourne aussi vers ses racines, et c’est pour cela qu’on assiste par ailleurs à un retour au boombap, aux gros samples, aux grosses boucles bien crades. On voit même des artistes de la nouvelle génération reprendre des instrus qu’on a, nous, pu kiffer dans les années 90, et trouvent leur public avec ce son-là.

Tu as dernièrement sorti pas mal de remixes sur Soundcloud, que penses-tu de toute cette nouvelle scène web plutôt adepte des “one shot” que des vrais projets d’albums ?

C’est vrai que les schémas ont explosé ces dernières années. Quand je me revois à l’époque des premières cassettes et premiers CDs d’Hocus Pocus, je pense que si on avait eu des supports tels que Soundcloud ou Bandcamp, on aurait probablement pas fait ce que l’on a fait. Il y a tout un nouveau paradigme, avec notamment la notion de gratuité qui est beaucoup plus exploitée. Aujourd’hui, on voit carrément des albums entiers sortir gratos, c’est assez fou. De mon côté, j’apprécie le côté spontané qu’offre ce genre de plates-formes. Par exemple, la plupart des remixes que j’ai lâchés sur Soundcloud ont été créés trois heures avant d’être uploadés. Ce sont un peu des coups de tête : il suffit que je tombe sur une acapella ou autres, je me mets à faire un son autour et “paf” je peux le jeter sur Internet, sans pitié ! Le premier que j’ai fait un peu dans cet esprit, c’est celui de Rihanna. A l’origine c’était vraiment une blague : avec ma copine, je tombe sur un clip à la télé et je me dis “dans la grille de piano de ce morceau, je suis sûr qu’il y a un truc à faire”…et donc je me mets direct à taper dessus, puis je l’upload dans la foulée, et le truc a vite commencé à tourner. C’est là que tu réalises aussi à quel point l’immédiateté et la spontanéité ont un impact dans la manière dont les gens reçoivent un morceau. Finalement, un son que tu as beaucoup cogité, sur lequel tu es revenu des heures et des heures, tu finis par l’aseptiser, le nettoyer, lui enlever tout son côté brut…Alors que là j’arrive à sortir des choses qui sont peut-être loin d’être parfaites au niveau du mix, des arrangements, etc…mais qui sont plus brutes de décoffrage, comme quand je fais écouter une instru qui sort directement de ma MPC. C’est tout ceci que j’aime dans le principe de Soundcloud, et il y a plein de remixes que j’ai balancés et que les gens de mon label ont découverts en même temps que tout le monde, sur Twitter ou Facebook, parce qu’ils n’étaient pas du tout au courant ! C’est assez marrant, ça devient un peu un jeu et cela permet de retrouver ce kiff de faire de la musique sans se prendre trop la tête.

En écoutant le morceau “Dig This”, on peut imaginer les heures que tu as dû passer à écumer les disquaires. Est-ce quelque chose que tu fais encore ?

Dès que je vais me balader, faire des vide-greniers ou autres, j’ai toujours ce réflexe de regarder ce que je peux trouver, mais c’est vrai que je n’ai plus forcément cette démarche, comme à une période, d’aller systématiquement chez Emmaüs tous les week-ends voir les nouveaux arrivages, d’aller chez tous les brocanteurs et les disquaires du coin pour fouiller les bacs. Aujourd’hui, avec Internet, on a d’autres réflexes de recherche, et puis j’ai déjà accumulé une solide collection de vinyles dans laquelle je continue à puiser. Comme ma manière de produire évolue constamment, je ne vais pas écouter de la même façon des disques que j’ai déjà utilisés dans le passé, je suis capable d’en faire quelque chose de complètement différent. J’ai aussi moins le temps de digger, tout simplement. Dernière raison: ça prend de la place !

Aurais-tu tout de même une petite anecdote de digger à nous faire partager ?

Oui ! Je suis assez content d’avoir trouvé un jour le disque de visite des pyramides qu’IAM avait utilisé pour l’album Ombre et Lumière. C’est un double-vinyle assez joli dans lequel on retrouve donc toutes les voix et toutes les phases d’Ombre et Lumière, mais à la base c’est un truc à la con, de tourisme, pour visiter les pyramides quoi ! Mais je sais que ce disque n’est pas évident à chopper. Je l’avais trouvé dans un vide-grenier, et c’était vraiment LA bonne trouvaille car en l’achetant je n’avais pas fait vraiment gaffe, et c’est seulement en l’écoutant que j’ai reconnu toutes les voix de l’album d’IAM.

Ton home studio est toujours à Nantes. Est-ce un choix et quels avantages cela t’apporte ?

Les raisons principales de ce choix sont le confort, l’espace et le temps. Le confort et l’espace parce que pour le prix d’un 20m² à Paris j’arrive à avoir ici une petite maison avec de quoi faire un studio. Le temps parce qu’ici, même quand j’ai des rendez-vous, je peux malgré tout faire un maximum de choses dans la journée vu que les trajets sont plus courts, tandis qu’à Paris cela peut vite cramer ta journée. Le calme, aussi, permet de taffer tranquillement, sans avoir constamment des gens sur le dos. Le cadre de vie à Nantes, l’atmosphère culturelle…sont plutôt cools.

Tu étais par exemple associé cette année au Hip OPsession, est-ce une volonté de t’investir dans les événements de ta ville ?

Non, je ne cherche pas forcément à m’impliquer mais quand je peux aider grâce à ce que je sais faire de mieux, c’est-à-dire la musique, j’essaie de le faire. Pour reprendre l’exemple du Hip OPsession, on m’avait demandé au départ d’être dans la prog’ mais il se trouve que je n’avais rien à présenter et que la tournée de C2C était terminée, donc je leur ai proposé de leur donner des sons pour promouvoir un peu le festival. C’était un projet plutôt cool puisque cela s’est révélé bénéfique pour tout le monde, que ce soit les MCs qui ont travaillé dessus, moi-même en terme d’exposition, le festival pour la com’ qui en a découlé, ou bien le réalisateur du clip, qui a eu pas mal de vues sur YouTube. Tout le monde y a donc trouvé son compte, et en plus, cela s’est fait dans un bon esprit, spontanément et bénévolement.

On vous laisse avec le tout nouveau clip de 20syl, « Kodama », issu de l’EP « Motifs », dispo partout depuis hier :

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