12 Clips qui ont marqué le Rap Français

12 Clips qui ont marqué le Rap Français

A l’occasion de la conférence Full Clip sur l’histoire des clips de rap français qui aura lieu à La Place le 14 mars prochain, Backpackerz revient sur 12 clips qui ont marqué l’histoire du rap français.

Les clips vidéos sont une pierre angulaire de la culture Hip Hop et ont été l’un des facteurs clé de la propagation du rap US à l’international via des chaînes comme MTV, BET et Trace TV puis grâce à internet. Le Rap Français dispose lui aussi d’un riche patrimoine visuel avec des clips iconiques qui ont, chacun à leur façon, marqué leur époque et installé une certaine spécificité française.

C’est cette histoire qui sera discutée à la conférence Full Clip « L’Évolution des clips du Rap Français » à La Place le 14 mars prochain dans le cadre de la L2P dont Backpackerz est partenaire. Accompagné d’un panel de réalisateurs chevronnés,  les désormais incontournables Boug Arknow et Flexta du podcast Paroles Véritables se chargeront d’animer une conversation qui s’annonce passionnante. Au programme: histoire des clips de rap dans l’Hexagone, évolution des moyens techniques, des modes de consommation et anecdotes croustillantes.

On profite donc de cette occasion pour revenir sur 12 clips de Rap Français qui nous ont particulièrement marqués. Une sélection bien évidemment non exhaustive que l’on a décidé d’organiser autours de 4 grandes périodes et qui offre un panorama intéressant de l’évolution et de la diversité esthétique des clips du rap hexagonal ces 30 dernières années.

Les Pionniers du Rap (1990 à 2000)

On commence avec trois clips des années 1990 et les incontournables pionniers du rap français que sont MC Solaar, IAM et… Démocrates D! Oui on n’a pas inclu NTM et on peut nous le reprocher! Toutefois le clip de « Le Crime » méritait d’être mis en avant au moins autant que les clips de « Ma Benz » ou de « La fièvre », certes cultes mais moins intéressants visuellement.

MC Solaar – « Nouveau Western » (1993)

On commence avec cette réalisation soignée et signée Stéphane Sednaoui qui sera d’ailleurs récompensée pour le Meilleur clip vidéo aux Victoires de la Musique en 1995. Extrait de Prose Combat, le deuxième album de MC Solaar le morceau « Nouveau Western » est original car il sample « Bonnie and Clyde » de Serge Gainsbourg, magnifiquement transformé par les magiciens de la production que sont Jimmy Jay et Boom Bass. Le clip, tout aussi original, se présente comme un long travelling qui fait passer MC Solaar de Paris aux Etats-Unis et mêle images de westerns classiques et scènes urbaines parisiennes. La prose de MC Solaar, ses jeux de mots subtiles, le génie musical de ses producteurs et l’esthétisme notamment de ce clip ont joué un rôle clé dans l’acceptation du rap comme forme d’art légitime en France.

Democrates D – « Le Crime » (1995)

On a choisi de retenir ce clip de Démocrates D car il représente une esthétique visuelle aux antipodes des clips commerciaux du rap français des années 1990. Brut et sombre, le clip de « Le Crime » reflète l’atmosphère oppressante d’un morceau qui s’inscrit dans le « horrorcore », sous genre du rap inspiré du groupe américain Geto Boys. À la manière des pionniers du gangsta rap de Houston, les rappeurs de Montfermeil nous offre des récit sombres et sans filtre sur la criminalité, la paranoïa et la survie dans la rue. Le clip minimaliste et percutant de « Le Crime » renforce le poids des paroles de Mickey Moossman avec un long plan continu qui suit le rappeur au travers de ses tribulations dans une ville à la fois inquiétante et extrêmement vivante. On y aperçoit même Claude MC à 2:39. Classique.

IAM– « Demain c’est loin » (1997)

Morceau mythique du rap français, « Demain c’est loin » s’accompagne également d’un visuel marquant qui ne sortira qu’en 2017 soit 20 ans après la sortie du morceau! Réalisé par Kamel Saleh, ce clip épuré à la texture VHS laisse finalement beaucoup de place aux paroles, mettant de ce fait en avant la puissance narrative d’Akhenaton et Shurik’n qui fait la force de ce titre de 9 minutes. À travers des images du quotidien marseillais (on ne sait plus ce qui relève des images d’archives ou d’images tournées pour l’occasion) IAM nous livre une fresque réaliste de la misère sociale qui règne à Marseille tout en rendant hommage à la cité phocéenne et à ses habitants.

 

 

Clips de Rue (2000 à 2010)

La décennie suivante est dominée par une nouvelle esthétique qui marquera durablement le rap français et ses clips: le rap de rue. Porté par la Mafia K’1 Fry qui, au passage signe sans doute LE clip le plus classique de l’histoire du rap français, ce nouveau courant inspirera visuellement toute une génération de rappeurs tels que Tandem et plus tard Sefyu, Salif, Alibi Montana ou encore Sofiane. Réalisés avec plus ou moins de moyen et d’ingéniosité, ces clips permettent au rap français de se démarquer du rap américain mainstream. Au même moment un autre rap coexiste: dit conscient ou politique il est représenté à merveille par une rappeuse comme Casey et ses visuels au service du message.

Mafia K’1 Fry – « Pour Ceux » (2003)

Ce clip, véritable carte postale explosive des quartiers d’Orly et de Vitry, n’aurait pas existé sans le rôle d’intermédiaire qu’à joué DJ Medhi. C’est ce que nous dévoilait Thibaut de Longeville, le réalisateur du documentaire DJ Mehdi – Made in France dans une longue interview réalisée il y a quelques mois: « Kourtrajmé n’auraient jamais pu faire le clip de “Pour ceux” si DJ Mehdi ne les avait pas validés auprès de la Mafia K’1Fry. Mokobé est très clair là-dessus dans ses témoignages. C’était des vidéastes bordel qui faisaient des court-métrages marrants mais à l’époque ce n’était pas des réalisateurs de clips chevronnés, dont le style aurait été prisé dans le rap français. Pas du tout. À l’origine la Mafia K’1Fry  qui de son côté était déjà un collectif avec une discographie puissante, voulait un gros clip d’américains – ce qui était le standard de l’époque. » Au final, Kourtrajmé et son réalisateur Romain Gavras signent un clip iconique à l’énergie brute, authentique et fédérateur qui capture l’essence même du rap de rue et d’un des collectifs les plus importants de l’histoire du rap français.

 

Tandem – « 93 Hardcore » (2005)

Dans la lignée de « Pour ceux », Tandem va également frapper fort en sortant le clip de leur hymne à la Seine Saint Denis « 93 Hardcore ». Réalisé comme une sorte de mini reportage, le clip alterne des séquences de Mac Tyer et Mac Gregor dans leur quartier et des images d’archives, illustrant la violence et la dureté de leur quotidien. Ces images réelles et le montage simpliste rendent le résultat encore plus cru. Mac Tyer deviendra un habitué des clips réussis avec « Patrimoine du ghetto », le très réussi « 93 tu peux pas test » réalisé par Chris Macari ou encore « la Trilogie », première mini série clips du rap français qui pavera le chemin à PNL.

 

Casey – « Chez moi » (2006)

À la même époque cohabite un autre registre de rap porté par des groupes comme La Rumeur, Assassin, Less du Neuf ou encore Casey dont il s’agit ici. Plus politique et parfois qualifié « rap conscient », ce rap s’accompagne d’une esthétique plus sobre. C’est ce qu’illustre le magnifique clip « Chez moi » de Casey tourné en Martinique et réalisé une nouvelle fois par Chris Macari. Casey y rend hommage à ses terres d’origines et dénonce le rapport colonialiste de la métropole avec ses territoires d’Outre Mer. Personnel et touchant, le clip nous laisse entrevoir une autre facette de Casey notamment avec les scènes d’échange avec sa grand-mère. Un clip qui mérite d’être mis en lumière, tout comme la rappeuse, sans doute l’une des meilleures de l’histoire du rap français.

 

 

La Montée en Qualité (2010 à 2020)

La décennie 2010-2020 marque une montée en qualité et une certaine professionnalisation des clips de rap français avec des concepts, des esthétiques et des moyens plus importants. Cette évolution est liée notamment à la place que prend le rap dans la musique mainstream sur la deuxième partie de la décennie. Pour illustrer cette période on a décidé de retenir trois clips marque ces évolutions: Kaaris, Orelsan et PNL.

Kaaris – « Zoo » (2013)

C’est sans doute l’un des clips les plus marquants de la décennie 2010 avec ceux de PNL. Filmé en noir et blanc avec une esthétique glaciale et réalisé par Chris Macari ce clip illustre toute la puissance du morceau et l’état d’esprit de Kaaris lorsqu’il débarque avec le désormais classique Or Noir. Le rappeur de Sevran y impose son style trap brutal et alors encore relativement nouveau dans l’Hexagone. Une ambiance sombre jalonnée d’images fortes: le rappeur à la vitre du mercedes avec une kalash, le mouvement de rotor repris pas plusieurs stars du foot, les potes qui font des tractions en arrière plan… Autant d’éléments visuels devenus cultes et qui font de ce clip un incontournable du rap français. Une claque qui annonce un tournant dans l’imagerie du rap français et reste plus de 20 ans après toujours aussi classique.

 

Orelsan – « Basique » (2017)

Minimaliste et efficace, ce clip en plan-séquence montre Orelsan marchant sur un pont et énonçant des vérités « simples » voire « basiques ». Il s’agit d’un plan-séquence tourné à l’aide d’un drone et réalisé par Greg & Lio qu’on a pu voir à la production d’autres gros clips du rap français pour Kaaris, SCH ou encore Booba. Le concept est épuré mais la réalisation complexe: plus de 350 personnes qui participent à ce ballet réglé au millimètre sur le pont en chantier de Podilsko-Voskresensky à Kiev en Ukraine . Son impact visuel immédiat en fait un clip emblématique du rap français moderne et affolera les compteurs dès sa sortie avec plus de 3 millions de vues en quelques heures sur YouTube.

 

PNL – « Au DD » (2019)

Difficile de ne pas inclure PNL dans cette liste tant les deux frères du 91 ont marqué la décennie 2010-2020 musicalement et visuellement. On aurait pu citéer « Le Monde ou rien », première vraie claque visuelle du groupe tournée dans les quartiers défavorisés de Scampia, à Naples. Mais avec « Au DD », PNL signe l’un des clips les plus ambitieux de l’histoire du rap français. Tournée au sommet de la Tour Eiffel, la vidéo réalisée par Victor Garnier Astorino transforme ce symbole parisien en terrain de jeu pour N.O.S et Ademo et illustre parfaitement leur ascension fulgurante. Le plan qui ouvre le clip est symbolique: les deux frères au sommet du rap français regarde le monde d’en haut, tout en restant enfermés dans leur univers.

 

La Nouvelle Vague (2020 à 2025)

Enfin pour finir nous choisissons de mettre en avant trois clips originaux et innovants sortis ces dernières années qui ont retenu notre attention. Parmi eux deux jeunes artistes bourrés de talent, Theodora et Yvnnis qu’on a hâte de suivre dans leurs évolutions et un vétéran qu’on n’a pas encore cité et qu’on ne pouvait pas ne pas inclure dans ce top: Booba!

 

Theodora & Jeez Suave – « Le paradis se trouve dans le 93 » (2023)

Ce morceau arrive tel un ovni dans le paysage rap français avec sa production teintée de garage UK et la voix aigu captivante de Theodora. Et pour illustrer cette mini révolution sonore, le réalisateur Leam Inard nous offre un visuel bluffant mi vintage, mi futuriste. Loin des clichés habituels liés au 93, Theodora nous fait découvrir la Seine-Saint-Denis sous un angle poétique et contrasté. On y passe de pâturages verts au marché de St Denis à travers, guidés par une mise en scène soignée et le charisme de rappeuse aux cheveux rose et au drip incroyable. L’esthétique cinématographique et la douceur de la production musicale créent une atmosphère unique, où le 93 devient un territoire certes rude mais enchanteur.

 

Yvnnis – « Gare du Nord » (2023)

Voilà un autre clip qui illustre à merveille le dynamisme visuel des jeunes artistes de la scène française. Le clip de « Gare du Nord » est réalisé par Ferina et reflète l’énergie du quartier éponyme, allant même jusqu’à intégrer une réplique miniature de la gare et un modèle réduit de Yvnnis, jouant ainsi avec la perception du spectateur. Pour illustrer ce morceau à la production complexe signée Lil Chick, qui commence lentement avant de s’accélérer pour s’adapter au flow de Yvnnis, quoi de mieux qu’un visuel percutant mêlant habilement superpositions texturées et effets visuels ingénieux? Le résultat est superbe, à la fois contemporain et dynamique.

Booba – 6G (2024)

Dernier venu de la liste, « 6G » est peut-être l’un des meilleurs clips de la carrière de Booba pourtant extrêmement étoffée. Il est réalisé par Fred de Pontcharra et nous offre un voyage visuel dans les rues vibrantes de Tokyo. Esthétique impeccable et effets bluffants dignes d’une production cinématographique de haut vol, ce clip illustre bien le chemin parcouru visuellement dans le rap français.

Mentions honorables: SCH Stigmates, Mac Tyer « 93 tu peux pas test », Saïan Supa Crew « La preuve par 3 » et « X Raisons », MC Jean Gab1 « J’t’emmerde », Booba « Baby », Shurik’n « Samouraï » , Lunatic « Le crime paie », Nekfeu & Alpha Wann « Dans ta réssoi », Sofiane « Toka », NTM « La Fièvre », Kery James « Banlieusards »