Surdoué au micro ou simple produit commercial opportuniste, nous allons vous faire voyager à travers quatre décennies pour vous présenter 10 albums Rap US enregistrés par des rappeurs de moins de 18 ans. Il y en aura pour tous les goûts avec des projets de qualité vraiment inégale. On passera de classics à des albums beaucoup moins marquants sortis de manière trop précoce.
Cette liste chronologique comprend uniquement des projets commercialisés ayant atteint une certaine notoriété dans l’industrie. Assez pour faire de ces jeunes artistes de véritables stars à leur époque avec tous les avantages et les inconvénients que cela engendrera pour eux… En fin d’article, nous ferons un point sur les carrières de ces différents artistes avec quelques années de recul pour voir l’impact qu’ils ont laissé.
Sortie : 18 novembre 1985, à 17 ans
Certainement le projet le plus important de cette liste pour la culture Hip Hop, ce premier album de LL Cool J sera aussi le premier du label mythique Def Jam. Produit intégralement par Rick Rubin, cet opus permettra à LL d’incarner la nouvelle génération de rappeurs de cette 2ème partie des années 80. Ce LP sera aussi l’occasion d’imposer un nouveau style sonore, laissant définitivement de côté l’héritage funk et disco pour quelque chose de plus brut qui ira de temps en temps piocher dans le rock. LL succèdera à Kurtis Blow comme la véritable nouvelle star du rap, embarquant avec lui la mode des ghettoblasters immortalisée par cette pochette et ce single « I Can’t Live Without My Radio ». Emblématique, ce premier album de LL Cool J est toujours un monument pour le Hip Hop à l’image de cet autre single « Rock The Bells » qui installera un nouveau standard à l’époque.
Sortie : 6 septembre 1988, à 17 ans
Prédestinée à prendre le micro, rapidement la jeune MC Lyte s’orientera vers le rap. Son premier morceau « I Cram to Understand U (Sam) » y décriera une réalité des rues de New York faite d’addiction au crack et de violence. Elle fera partie des premières rappeuses à s’imposer véritablement dans le milieu et à obtenir le respect, n’hésitant pas à s’en prendre à une autre rappeuse de l’époque, Antoinette, sur le morceau « 10% Dis ». La moitié des titres de cet album seront produits par le duo Audio Two (Milk Dee & Guizmo), le reste sera signé par Alliance, Prince Paul et The King of Chill. Ce dernier offrira à Lyte ce qui restera mes deux productions préférées de ce projet avec le single « Paper Thin » et « I Am Woman ». Des morceaux imposants complétés par l’impeccable « Lyte Thee MC » qui détruira toute tentative de concurrence. MC Lyte ouvrira la voie de la meilleure des façons pour toutes les rappeuses suivantes !
Sortie : 31 mars 1992, à 13 ans pour les deux
L’anecdote est surréaliste et pourtant véridique. C’est dans un supermarché d’Atlanta qu’un jeune producteur de 19 ans du nom de Jermaine Dupri fera la rencontre de deux adolescents qui formeront quelques mois plus tard le duo Kriss Kross. L’attitude des deux gamins marquera immédiatement JD qui les définira plus tard comme « swag, avant même que ce mot devienne tendance ». A la recherche d’artistes à produire, l’intuition serra bonne pour Dupri et lancera par la même occasion sa carrière de producteur. En seulement un an, il leur fera enregistrer un album complet et leur fournira avec « Jump » l’un des plus grands hits des années 90, tous styles confondus. L’album s’écoulera à plus de 4 millions d’exemplaires aux USA et sera marqué par le génie visionnaire de JD, véritable chef d’orchestre d’un projet réalisé sur mesure pour ses deux protégés.
Sortie : 19 avril 1994, à 14 ans
Lorsque la vague Wu-Tang déferlera sur le rap game, elle laissera derrière elle un gamin avec un potentiel énorme. Cousin de Ghostface, ce jeune rappeur présenté sous le pseudo de Shyheim bluffera tout son monde au micro avec une robustesse qui inspirera son surnom de The Rugged Child. Son premier single « On And On », à seulement 13 ans, sera une véritable claque qui démontrera toute la justesse de son flow précoce. L’album qui suivra, produit intégralement par le talentueux RNS (avec une prod de RZA), sera du même acabit avec ce qu’il faut pour bouger la tête. Que ce soit cet autre single « One’s 4 Da Money », ce duo « You The Man » avec Down Low Recka (du groupe GP Wu) ou cet irrésistible « Party’s Goin’ On » pour conclure ce projet. Wu-Tang is for the children !
Sortie : 28 octobre 1997, à 15 ans pour Lil Wayne, 16 pour Turk et 17 pour B.G.
Quand j’ai commencé à élaborer cette liste, j’ai tout de suite pensé aux premiers albums solos de B.G. ou Lil Wayne. Mais comme je n’ai pas réussi à me décider sur lequel sélectionner pour cette période de la fin des années 90, je me suis finalement rabattu sur le premier projet du groupe Hot Boys. Sur les 4 membres du crew de la Nouvelle-Orléans, seul Juvenile avait finalement plus de 18 ans à sa sortie (22). Un premier LP sur lequel on pourra se familiariser avec les productions ciselées de Mannie Fresh qui correspondront parfaitement à l’univers des 4 protagonistes. Un succès local pour le jeune label Cash Money où l’on y découvrira un Wayne déjà charismatique pour son âge et surtout très habile au micro. Le morceau « We On Fire » sera une très bonne définition du style de ce projet porté par les différentes personnalités du groupe avec cette approche insouciante, divertissante et entraînante qui fera leur triomphe.
Sortie : 26 septembre 2000, à 13 ans
L’anecdote est aussi surprenante que confidentielle, mais c’est bien Lil Bow Wow qui à l’âge de 6 ans apparaissait déjà sur l’interlude du morceau « Gz And Hustlas » de Snoop Dogg (Doggystyle, 1993). Une petite performance très discrète qui liera à jamais le gamin à son premier véritable mentor qui lui donnera même son nom d’artiste. L’univers impitoyable de Death Row n’étant pas fait pour un artiste aussi jeune, Snoop aura la bonne idée de le couver quelques années avant de proposer à Jermaine Dupri de le produire à la fin des années 90. Celui qui a fait du duo Kriss Kross des superstars réussira un nouveau coup marketing de grande ampleur avec le premier album de Bow Wow. Un succès immédiat construit autour de deux singles efficaces, « Bounce with Me » avec Xscape et le désormais fameux « Bow Wow (That’s My Name) » en compagnie de Snoop. Encore une fois, JD réussira à tirer le meilleur d’un très jeune artiste avec un projet plus que bien ficelé.
Sortie : 3 juillet 2001, à 11 ans
Plus jeune rappeur de cette liste, Lil Romeo n’aura pas besoin de chercher bien loin pour trouver l’inspiration. Son père n’est autre que Master P, le businessman qui construira à partir de rien l’empire No Limit Records dans les années 90. C’est donc en famille que sera réalisé cet album, influencé bien évidemment par les succès commerciaux de Lil Bow Wow l’année précédente et Kriss Kross. En effet, le premier single « My Baby » de Romeo est construit à partir du même sample que le hit « Jump » du duo. Une tentative beaucoup moins subtile, mais tout aussi payante, qui reprend donc le « I Want You Back » des Jackson 5. Sans surprise, le benjamin de cette liste ne sortira pas le projet le plus complet. Toutefois, on se laisse quand même attendrir par ce duo « I Want To Be Like You » avec son père ou ce mignon « Little Souljas Need Love To » qui sample le « Teenage Love » de Slick Rick.
Sortie : 2 octobre 2007, à 17 ans
Avant SoundCloud, il y avait SoundClick et MySpace pour se construire un buzz. Et c’est donc via ces deux plateformes que Soulja Boy commencera à se faire remarquer. Puis arrivera ce coup de génie lorsqu’il décidera d’accompagner sa musique par des vidéos de danse sur YouTube. Le succès sera immédiat et en 2007 son titre « Crank That (Soulja Boy) » deviendra viral avec cette danse imitée dans le monde entier. L’album ne se fera pas attendre et sortira quelques mois après avec comme particularité d’être réalisé quasiment entièrement sur Fruit Loops Studio (pas commun à l’époque). Du home-made supervisé par le producteur d’Atlanta Mr. Collipark qui le signera sur son label Collipark Music. Un premier projet extrêmement répétitif, avec seulement quelques fulgurances, dont on retiendra surtout la genèse. En effet, il fut l’un des premiers à comprendre la puissance d’un outil comme YouTube pour les artistes en quête de visibilité, bien avant l’ère des réseaux sociaux.
Sortie : 18 décembre 2012, à 17 ans
Phénomène de la scène rap de Chicago, Chief Keef connaîtra une ascension rapide incarnée par deux singles qui se transformeront en hits. Tout d’abord, ce « I Don’t Like » en compagnie de Lil Reese, puis ensuite l’iconique « Love Sosa » qui marquera toute une époque. Des morceaux produits par Young Chop, l’autre sensation de Chi-Town, qui signera aussi une bonne partie des beats de son premier album. Un projet qui verra le jour sur la major Interscope avec des poids lourds de l’industrie comme invités. 50 Cent et Wiz Khalifa sur « Hate Bein’ Sober », Rick Ross sur « 3Hunna » et Young Jeezy sur « Understand Me ». Dans le sillage de cet opus, le mouvement Drill gagnera en popularité aux USA mais aussi également en Grande-Bretagne sous une forme très UK. Un nouveau style rappelant fortement la période Gangsta Rap des années 90 avec un discours ultra violent reflétant des environnements qui le sont tout autant.
Sortie : 30 août 2019, à 17 ans
Dans cette liste, Lil Tecca incarne ce qu’on appelle vulgairement la génération des SoundCloud rappeurs. Ces artistes, souvent très jeunes, qui se font connaitre sur cette plateforme musicale avec un morceau qui deviendra viral et lancera leur carrière. Le rappeur originaire du Queens obtiendra son premier ticket pour la célébrité avec le titre « Count Me Out » en 2018, puis l’année suivante ce sera la confirmation avec l’énorme hit « Ransom » et son remix avec Juice WRLD. Un album qui arrivera quasiment dans la foulée et qui sera la définition même de ces nouveaux standards qui se seront installés ces dernières années avec des morceaux Trap de plus en plus courts. 5 morceaux de moins de 2 minutes et seulement 7 sur 18 qui dépassent les 2 minutes et 30 secondes. Une première tentative honnête qui en appellera une suivante, peut-être plus consistante et ambitieuse on l’espère.
Pour commencer, place à la seule femme de ce classement avec MC Lyte. De 1988 à 1998, elle a sorti pas moins de 6 projets qui ont fait de cette rappeuse l’une des véritables pionnières qui a ouvert un certain nombre de portes pour toutes les femmes voulant s’imposer dans cette industrie. Une icône pour le mouvement Hip Hop tout comme LL Cool J et sa discographie monstre de 13 albums. Il fût l’une des premières superstars du rap et l’artiste référence du label mythique Def Jam. En parallèle, il a aussi mené une carrière d’acteur plutôt bien fourni. Et pour rester dans la catégorie de ces artistes qui auront changé la donne, il faut bien évidemment ajouter Lil Wayne. Le rappeur de la Nouvelle-Orléans n’a pas obtenu tout de suite la reconnaissance qu’il méritait, à l’instar du Southern Rap, et a dû attendre la fin des années 2000 pour être enfin reconnu mondialement.
Les deux rappeurs du duo Kriss Kross ont, eux, sorti en tout et pour tout trois albums, avec une carrière musical arrêté à l’âge de 18 ans. A retenir en 1992, leurs présences sur la tournée européenne Dangerous Tour de Michael Jackson et plus récemment cette fin tragique de Chris Kelly décédé d’une overdose en 2013 à 35 ans. Du côté de Shyheim, il a également eu du mal à se projeter dans les années 2000. Ces trois premiers albums restent toutefois de bons souvenirs des nineties. En 2014, il a été à l’origine d’un accident de la route qui a fait un mort. Par la suite il a donc écopé de quelques années de prison et a été libéré tout récemment, en janvier 2020.
En ce qui concerne Lil Bow Wow et Lil Romeo, ils ont comme point commun une discographie plutôt fournie dans les années 2000 et l’abandon du ‘Lil’ de leur pseudo en grandissant. Pour Bow Wow, il a fait une apparition remarquée dans le film Like Mike entouré d’une jolie brochette de star NBA quand Romeo s’est essayé, lui, à une carrière de basketteur lors de laquelle il a côtoyé DeMar DeRozan à l’University of Southern California en 2008. Et pour conclure, Soulja Boy et Chief Keef ont été des précurseurs chacun à leur époque et dans leur catégorie. Pour ce dernier, tout n’est pas encore fini et les fans de la première heure attendent un rebond du niveau de ses premières performances. Enfin, au sujet de Lil Tecca, seul l’avenir nous dira si ce jeune artiste marquera ou non sur la longueur ce style musical. A suivre donc…
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