En métropole, la musique antillaise ne se limite qu’au Zouk ou au Dancehall. Pourtant, la proximité des Caraïbes avec le continent américain a souvent amené les jeunes Antillais à écouter du rap. Cette scène existe véritablement depuis le début des années 90 avec des groupes comme NegKipafélafet ou le Karukera Crew. Depuis une dizaine d’années, la donne a changé avec l’arrivée massive de la Trap chez les jeunes artistes antillais. Mixant les influences insulaires et continentales, le rap antillais prend alors un accent particulier. Ce tour d’horizon permet de constater un réelle diversité dans le style du rap en kréyol.
Impossible d’évoquer le rap antillais sans évoquer Kalash. S’il est né en métropole, il a passé une grande partie de sa jeunesse en Martinique. Kalash symbolise la mutation du rap caribéen. Il a effectué ses premiers pas musicaux dans le Dancehall au début des années 2000. Après un premier album Dancehall en 2010, il oriente sa carrière vers le Rap quatre ans plus tard. En 2016, le succès de son troisième album Kaos le consacre auprès du public métropolitain. Cette mise en lumière est en partie due à sa complicité avec Booba, qui apparait sur deux titres de Kaos, dont « Bleu Blanc Rouge ». Sa conversion au rap ne lui fait pas pour autant oublier sa passion pour le Reggae Dancehall. 2017 est l’année de la confirmation avec l’album Mwaka Moon, qui contient de multiples influences, Trap, Reggae et Dancehall. Ses collaborations avec les rappeurs Damso et Niska tendent à conforter son titre d’artiste leader d’un genre hybride, mais efficace. A plusieurs reprises, Kalash revendique son statut de mwaka, c’est-à-dire d’antillais vivant en métropole. Néanmoins, il reste fortement attaché à ses racines antillaises en alternant créole et français. Ses récents déboires judiciaires n’ont pas altéré sa productivité, puisqu’il a tourné le clip de « Lord Have Mercy » en mai en Martinique.
La carrière de cet artiste natif des Abymes n’a rien d’un long fleuve tranquille. Keros-N débute dans le milieu du rap underground guadeloupéen avec le collectif Black Scare en 2002. Il se détache immédiatement par son aisance verbale. En effet, il pratique avec une facilité insolente autant le rap que le reggae Dancehall en français et en créole, comme Kalash. Son ascension lui vaudra de nombreux clashs violents avec ses alter egos de l’île dans les années 2000. Malgré sa réputation, Keros-N ne sortira son premier album Sky Is The Limit qu’en 2013 sur le label Justsu Media Group, dont il est la figure de proue avec le rappeur Lyrrix. Keros-N se caractérise par son ambivalence, passant de paroles engagées dans « Black » à des apparitions auprès d’artistes de Zouk Love. Keros-N symbolise la tendance Trap, qui exprime la violence des jeunes antillais dans la musique ces cinq dernières années.
142 représente le code postal du quartier Grand Camp aux Abymes, une zone sensible de la Guadeloupe. C’est aussi le nom d’un collectif fondé en 2012, qui comprend une douzaine de membres ayant une moyenne d’âge de 25 ans. 142 Désibèl comporte essentiellement des rappeurs, mais aussi une chanteuse et des graphistes. Parmi eux, certains ont déjà sorti des projets solistes comme EMS, Nomis ou Mousseh. En 2019, ils concrétisent enfin un projet collectif avec la sortie de l’album Frékens. A l’image du titre ci-dessus « Neg Kont Neg », qui dénonce les violences subies sur l’île, l’album reste une excellente surprise. Il combine les influences caribéennes et américaines. Vous serez surpris par la musicalité des productions et le potentiel artistique de ses acteurs. Il ressort une grande maturité musicale de ce projet pour un premier album. En résumé, ce premier 142 Désibèl se trouve sur la bonne Frékens.
Aujourd’hui exilée à Miami, FLO n’en oublie pas pour autant qu’elle a découvert le rap à Baie Mahaut avec son frère au sein du groupe Enigma en 1998. Ayant dans un premier temps quitté la Guadeloupe pour Bordeaux, elle a ensuite rejoint le continent américain pour poursuivre ses études. En 2007, elle participe même au Cypher des BET Hip Hop Awards aux côtés de DJ Premier, Rass Kass, Joell Ortiz et Cassidy. Par la suite, elle enregistre trois mixtapes, avant de sortir son premier album officiel A Long Time Coming en 2018. Si elle rappe essentiellement en anglais, elle pratique fréquemment le créole dans ses chansons. Garante de sa langue maternelle, elle anime des ateliers et des conférences pour la défense du créole aux États-Unis. Pour appuyer ses attaches antillaises, FLO a invité les emblématiques musiciens Dominik Coco et Jean-Michel Rotin sur son album, suscitant ainsi l’envie de nombreux de ses concitoyens.
Le rap martiniquais place beaucoup d’espoir sur la jeune Meryl. Passionnée de musique depuis sa tendre enfance, cette artiste a réellement explosé en Martinique lors de son apparition avec Specta sur la mixtape L’Ile Aux Fleurs du Mal en 2013. Auprès de ce vétéran de la scène martiniquaise, elle a beaucoup appris sur ce milieu. Depuis la rappeuse a réussi à faire son trou. Après avoir rejoint récemment l’équipe d’ETMG avec le beatmaker guadeloupéen Pyroman, Meryl s’est taillée un nom en métropole avec les titres « Empêche », « Béni » et « Ah La La ». Elle compose également des musiques, toujours pour ETMG, notamment des titres sur les projets de Shay ou Soprano. En 2019, son nom prend de plus en plus d’ampleur chez la jeune génération du rap français.
Changeons d’univers avec iShango Sound, duo composé de Jamal Finess et Mano Dishango, connu également sous le pseudo de Tysmé. Actif depuis plusieurs années en solo ou en duo en Guadeloupe, iShango navigue brillamment entre leurs influences créoles, africaines et américaines. Le duo s’est formé après des expériences concluantes dans les groupes Karukera Crew et Papa Jazz en 2009. Aussi compositeur, Mano introduit effectivement des éléments empruntés au Jazz et à la Soul, qui donne un mélange raffiné à la J Dilla. Par ailleurs le groupe se distingue par leur approche musicale, qu’ils définissent comme Afro-futuriste. Jamal Finess et Mano se détachent aussi par des paroles censées. Rap cosmique, ils leur arrive de lancer des morceaux plus militants comme « On Mannyé » en 2015. Leur dernier clip « Le ou Love 2069 » réalisé comme un court-métrage, vous invite dans leur univers cosmopolite.
Dans le même courant musical, le guadeloupéen Maqflah se définit comme un soldat du Hip Hop. Très influencé par le Boom Bap, ce vétéran est un élément important du paysage rap antillais. Il a effectué ses premiers pas au sein du collectif VIN KOUTé HIP HOP au début des années 2000, avant de se lancer en solo. Il travaille régulièrement avec le beatmaker Exxos, qui a fondé le Karukera Crew. En 2008, il sort un premier mini album, qui introduira un premier projet Une Trace en 2013. Remarqué pour ses lyrics intègres et ses sons jazzy, Une Trace contient les participations de Dominic Coco et General Steele de Smif N Wessun. Ce projet abouti lui permet de participer à de nombreux festivals, dont le prestigieux ILOJAZZ. En 2016 la mixtape FLEXX marque son retour avec essentiellement des collaborations avec Exxos. Le projet Résilience sorti fin 2018 confirme une évolution musicale certaine. Il invite le jamaïcain Luciano et STIC du groupe américain Dead Prez, affirmant son attirance pour un rap de qualité et sans concession musicale.
A 24 ans, Bahbou dénote vraiment de ses compatriotes submergés par la vague Trap. Ce jeune martiniquais de 24 ans, descendant direct du chanteur Gilles Floro, possède sa propre identité. Egalement artiste plasticien, il combine ses deux passions, la musique et le graphisme. Il n’hésite ainsi pas à se servir de sa maitrise des arts graphiques pour mettre en image sa musique. Une Trap sophistiquée, aux services de textes, qui explorent ses tracas de jeune artiste insulaire. Depuis 2015, Sébastien Floro officiait sous le nom de NSI, aux côtés de son cousin et le beatmaker Hazou. Il a su se faire une place avec des morceaux originaux comme « Mood » ou « Wild Boy », qui baignent dans une ambiance colorée de sons cloud et groovy. En 2019, il a signé sur le label Dreamtracks pour un nouveau projet, qui semble aussi inclassable que l’artiste lui-même. Pour définir son univers artistique, il se situe entre Basquiat et Krys.
Def J appartient à la catégorie des talents prometteurs, qui attendent de confirmer leur renommée auprès d’un public plus large. Comme les artistes de sa génération, ce martiniquais combine le style rap et dancehall. Il se démarque surtout par les thèmes qu’il aborde dans ses morceaux. Il manie aussi bien l’humour, que des thèmes plus graves comme les troubles du sommeil dans le titre… « Sommeil ». Une partie du public martiniquais lui a reproché de ne pas posséder un style assez local. Pourtant, Def J reste très proche du milieu insulaire, notamment le confirmé Specta. Auto-entrepreneur, Def J réalise lui-même la plupart de ses clips. Jeune homme simple, il ne se donne pas l’image d’un Bad Boy, mais plutôt d’un jeune antillais emprunt à des doutes. L’avenir devrait s’ouvrir sur de beaux lendemains pour lui.
Meemee Nelzy n’est pas à proprement parlé une artiste Hip Hop. Cette chanteuse guadeloupéenne navigue entre la soul, l’Electro et le Jazz. Admiratrice de chanteuses néo-Soul comme Erykah Badu, elle est également compositrice. Elle a débuté sa carrière dans un groupe à Toulouse, avant de se lancer en solo en 2009 avec son album Ame Nouvelle. Pour l’occasion, Meemee a créé son propre label Yumi Empress pour son retour en Guadeloupe. Ses affinités musicales l’emmènent parfois à collaborer avec des artistes rap comme Astronote, Tysmé, Dela ou plus récemment le producteur suisse Unda De Sango. Son grain de voix doux la rapproche plus de ses modèles américains, que des chanteuses antillaises. Pourtant elle utilise en grande majorité le créole dans ses morceaux. Depuis, Meemee a signé un album et deux EPs. Sa musique est un melting-pot de ses influences européennes, américaines et antillaises. Son univers ressemble à ce que cette artiste dégage, lumineux et joyeux.
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