La tendance actuelle de voir convier des artistes africains, et plus particulièrement des rappeurs sur des projets d’envergure, comme les bandes originales de blockbusters que sont Black Panther ou plus récemment Le Roi Lion (respectivement orchestrés par Kendrick Lamar et Beyoncé), traduit l’indéniable intérêt pour cette scène urbaine à la vivacité ahurissante. Du Maghreb jusqu’à la nation arc-en-ciel, l’Afrique voit naitre et se développer, depuis quelques années maintenant, une ribambelle de talents apportant une vague de fraicheur aux sonorités traditionnelles de ses nations. Qu’il s’agisse de rap maghrébin, d’afro-trap, d’afrobeats, de gqom et plus encore, tous ces genres extrêmement populaires localement révolutionnent l’identité musicale du continent, tout en réussissant à séduire, et mieux encore, à s’exporter à l’étranger. Il est ainsi impossible de passer à côté du phénomène Soolking en France. Le géant nigérian Burna Boy accompagné de ses compatriotes Mr Eazy et Yemi Aladé collaborent avec les plus grandes stars du rap et de la pop américaine. Dans le même temps, la sud-africaine Sho Madjozi s’apprête à suivre un destin similaire puisqu’elle a reçu début 2019, le BET Award de la révélation internationale, face à Octavian et Jok’Air entre autres. Une brèche s’est ouverte et les rappeurs sont en train d’installer l’Afrique sur le toit du monde, et ce bien plus vite qu’on ne le pense. Sans plus tarder, voici les dix visages qui mettent le rap à l’honneur en Afrique.
Voix importante lors de la révolution en Algérie qui a eu lieu cette année, Raja Meziane a dû se battre pour se faire entendre dans son pays. En effet, son parcours n’a jamais été un long fleuve tranquille. Poussée à l’exil après avoir subi de multiples pressions dans son pays natal, sa carrière d’artiste mais également d’avocate a été coupée court, car elle ne rentrait pas dans les rangs imposés par le régime Bouteflika. En 2015, elle s’installe donc en République Tchèque avec son mari et producteur Dee Tox, afin de retrouver un environnement sain et propice au développement de sa carrière artistique. Révolutionnaire dans l’âme, Raja a frappé un grand coup avec son morceau « Allo le Système! », dévoilé en mars dernier, et dont le clip reprend des images des manifestations de 2019 en Algérie. Preuve que le message rageur délivré par Raja a fait écho auprès du peuple algérien, le clip a atteint près de 25 millions de vues en à peine un mois. « L’Algérie va mal et cela tout le monde le sait. Le peuple c’est la jeunesse, mais cette dernière est terrorisée », voilà le constat amer que tire l’ancienne vedette de l’émission Alhane Wa Chabab, où elle s’est fait connaitre en 2007. Elle a enfoncé un peu plus le clou avec son dernier titre en date « Toxic », toujours aussi engagé et en colère.
Autres rappeurs algériens à suivre : Zako, Phobia Issac, Flenn
Tout droit venue de Meknès, Sana Ouquessou aka Krtas’Nssa s’est prise de passion pour le rap au début des années 2010, en découvrant des pointures comme Mos Def, le Wu-Tang ou encore le rappeur marocain Mobydick. Par la suite, elle remporte plusieurs concours de rap locaux, ce qui lui permet de prendre du galon tout en se faisant un nom à l’échelle régionale. De ses premiers pas en concours, elle en a gardé un flow incisif qui fait mouche et un goût pour traiter des sujets forts dans ses textes, comme le rôle de la femme dans le développement culturel et social au Maroc. Aujourd’hui, elle s’épanouit dans un style qui joue beaucoup des codes de l’ère digitale et qui, clip après clip, la rapprocherait presque de l’univers futuriste et sombre développé par Laylow et l’équipe de TBMA. Encore en pleine ascension, Krtas’Nssa a réalisé de nombreux projets ces derniers temps, chacun définissant un peu mieux l’univers musical qu’elle est en train de créer (KN The Ep et Ieri Ep en 2018 et son nouvel EP Otite sorti cette année).
Autres rappeurs marocains à suivre : Shobee, Ouenza, Tagne
C’est en remportant le premier prix d’un concours sur une radio nationale que la carrière musicale d’Helio Batalha commence en 2007. Devenu depuis un des piliers du rap cap-verdien créole et lusophone, celui qui se fait appeler « la voix des ghettos » distille la sodade dans son rap avec une grande délicatesse. Ce sentiment de douce tristesse empreint de mélancolie et d’espoir, dérivé de la saudade de l’ancien colon portugais, se fait sentir dans son interprétation où l’émotion occupe toujours le premier plan. Auteur d’une série de mixtapes entre 2010 et 2014, ce n’est véritablement qu’à partir de 2016 que son parcours prend une autre dimension lorsqu’il remporte le prix de la révélation de l’année aux Cabo Verde Music Award, pour son premier album Karta D’Alforia. Cette même année, son titre « O Ki Fomi Txiga » rencontre un certain succès et sa performance à l’Atlantic Music Expo marque les esprits, allant jusqu’à le voire consacrer dans les pages du New York Times. À l’image de son archipel aux multiples genres musicaux variant d’une île à l’autre, Helio ne se cantonne pas exclusivement qu’au rap et s’autorise des associations inattendues. Il compte ainsi de nombreuses collaborations avec d’autres artistes cap-verdiens reconnus bien au-delà de leur terre insulaire. Il s’est déjà produit sur scène au côté de la perle rare et star nationale Mayra Andrade ainsi qu’avec le crooner Dino d’Santiago. Il y a quelques mois, il a dévoilé un EP de six titres en hommage à sa mère et portant son nom, Ana.
Autres rappeurs cap-verdiens à suivre : Apollo G, Julinho Ksd, Rapaz 100 Juiz
De son vrai nom Alhassane Sacko, King Alasko n’appartient pas à proprement parlé à la sphère hip-hop. Fan de reggae et de dancehall depuis l’enfance, les influences du jeune souverain Alasko s’étendent plutôt de Bob Marley à Busy Signal que de Biggie à Travis Scott. Cela ne l’empêche pas pour autant d’avoir de sacrés arguments lorsqu’il s’agit d’enflammer le mic avec son flow. C’est-à-dire qu’avec lui, le dancehall revêt un habillage qui tend davantage vers le rap de par son interprétation, tout en gardant un accent destiné au club. Il explique lui-même ne pas vouloir se ranger dans une seule case : « Quand j’ai commencé, je faisais strictement du dancehall mais c’est très important pour moi de valoriser aussi la culture guinéenne, nos racines, nos musiques urbaines ». On reconnaît la spécificité de la culture guinéenne dans sa musique à travers le rythme, les instruments traditionnels qu’il utilise tel que le balafon, et bien sûr à travers les langues dans lesquelles il chante (français, soussou et dans une moindre mesure l’anglais). En 2016, il réalise un doublé de grande volée en remportant le titre du meilleur espoir au Guinée Music Awards, en plus d’avoir été l’un des artistes guinéens à s’être le plus produit sur scène dans le pays. Son diplôme en Administration des Affaires désormais en poche, le jeune Alasko peut désormais se consacrer entièrement à la conception de son premier album qui portera le nom d’Allah Nou Wally.
Autres rappeurs guinéens à suivre : Keyla K, Gnamakalah, Sossodef
Poulain de la star du coupé-décalé DJ Kedjevara, Bagré Jean Martial aka Mc One se fait remarquer depuis 2014 dans le paysage du rap ivoirien par ses saillies irrévérencieuses. Il faut dire que Mc One n’a pas froid aux yeux. C’est un habitué des clash virulents avec d’autres rappeurs déjà bien plus installés que lui. En 2017, il a notamment bénéficié d’un bon coup de buzz suite à son accrochage avec le groupe d’Abidjan, Kiff No Beat, pour se faire connaitre. Mais le jeune punchlineur ne s’est pas mis à la musique seulement pour exposer ses qualités en terme d’égotrip. En effet, Mc One a éveillé très tôt son désir de se consacrer à cette passion puisqu’il a grandi dans un univers musical grâce à son père et ses oncles, respectivement arrangeur et percussionnistes pour des groupes de reggae locaux. Au détail près qu’il s’est tourné vers le rap et qu’il cherche à être sur le devant de la scène. Justement, le fougueux rappeur ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit d’afficher ses ambitions, ainsi il affirme qu’il inscrira son nom dans le panthéon du rap national dans son morceau « Il te faut du fric » : « Qu’il le veuille ou pas, l’évolution du rap ivoirien passera forcément par moi ». Aussi à l’aise sur du coupé décalé, de la trap que sur de l’afrobeat, celui qui réclame le trône du rap ivoirien s’apprête à sortir son tout premier album.
Autres rappeurs ivoiriens à suivre : Hermo, Kiff No Beat, Widgunz
Considéré comme l’un des cinq meilleurs rappeurs africains par The Guardian en 2015, Sarkodie assit depuis près de dix ans maintenant sa suprématie sur le rap game africain. Malgré une discographie qui force le respect, des récompenses en cascade et des collaborations plus qu’attrayantes (Busta Rhymes, Ludacris et Miguel pour ne citer qu’eux), le rappeur élevé dans les quartiers pauvres de la petite ville portuaire de Tema garde la tête sur les épaules. Tout comme son modèle Jay-Z, Michael Owusu Addo trace son chemin en portant la double casquette d’artiste-entrepreneur. En effet, il est à la tête de sa propre ligne de vêtement, Sark by Yas, en plus d’avoir été l’égérie de Samsung au Ghana pendant de nombreuses années, faisant de lui la 9ème personnalité africaine la plus riche du continent à en croire Forbes Africa. Côté musique, le « Rapperholic » (titre de son second album paru en 2012) combine la culture musicale ghanéenne en rappant dans son dialecte, le twi, avec divers genres venus du continent américain : hip-hop, reggae et dancehall. Cette rencontre d’influences intervenue au cours des années 90 a donné naissance à un nouveau style appelé le hiplife. En juin dernier, il a réaffirmé un peu plus son statut de « Legend » du rap africain avec son très bon EP sans fioritures intitulé Alpha.
Autres rappeurs ghanéens à suivre : M.anifest, Eno Barony, DopeNation
Juste derrière les superstars que sont WizKid et Burna Boy, se trouve une nouvelle sensation nigériane particulièrement précoce filant tout droit vers les sommets. Bien plus qu’un phénomène éphémère, le chanteur et rappeur Divine Ikubor répondant au nom de Rema, enchaîne à une vitesse impressionnante les succès, alternant entre trap et afrobeats. Originaire de Benin City au sud du pays, Rema a vécu une enfance compliquée perdant son père et son grand frère avant l’âge de 15 ans. De ses terribles épreuves, il en a tiré une force de caractère sans faille qui l’a poussé à forcer son destin pour suivre une carrière dans la musique. Aujourd’hui signé chez Mavin Records (un des labels les plus influents d’Afrique basé à Lagos), Rema a comme ambition d’hisser le drapeau nigérian autour du globe grâce à son style à la frontière de deux mondes, et qui fait déjà fureur aux USA et surtout au UK Sur ses titres « Dumebi » et « Iron Man », on a cette sensation familière d’entendre la nonchalance mélodieuse d’un Playboi Carti poser sa baby voice murmurée sur de l’afrobeat. Sa musique s’apparente ainsi à une fusion du flow en montagne russe des trappeurs excentriques d’Atlanta, et des rythmes syncopés mais envoûtants résonnant partout en Afrique de l’Ouest. Avec seulement deux petits EP de quatre morceaux chacun à son actif, Rema s’est déjà imposé comme une valeur sûre de la foisonnante scène nigériane.
Autres rappeurs nigérians à suivre : DBR LasGidi, MI Abaga, Falz
Comme l’indique son nom de scène, Muthoni Ndonga est une percussionniste hors pair en plus d’être une MC talentueuse à la plume engagée. Aux côtés des beatmakers suisses GR! et Hook, elle forme depuis 2013 le trio connu sous le nom de Muthoni Drummer Queen. Une étroite collaboration s’est tissée entre ces trois fortes entités où le brassage des influences et des genres est le maître mot, et qui l’année dernière a donné naissance à un bel album conceptuel intitulé She. Un troisième disque enregistré durant un intensif bootcamp créatif selon les principaux intéressés. De ses sessions de studios éreintantes résultent une collection de morceaux piochant aussi bien du côté du rock, que de l’électro, parfois au sein d’un même titre, tout en restant fondamentalement rap dans l’approche. La portée politique et militante de la musique de Muthoni est indéniable. La rappeuse s’inscrit dans un élan qui se développe chez les artistes kenyans visant à donner de la voix aux femmes, et plus particulièrement à Nairobi, la capitale. Pour accompagner et encourager cette dynamique artistique, Muthoni est aussi à l’initiative de deux festivals dans son pays qui ont avant tout pour but de mettre en lumière les talents montants de la scène alternative locale.
Autres rappeurs kenyans à suivre : Blinky Bill, Khaligraph Jones, Octopizzo
Vous avez sans aucun doute déjà croisé son nom si vous arpentez régulièrement les colonnes de notre site. La géniale Sampa est la nouvelle coqueluche des amateurs du rap qui a quelque chose à dire, des amoureux de beats qui dépoussièrent le boom-bap et des friands de belles rimes. La poésie justement, c’est grâce à sa fascination pour les mots et à son aisance pour les manier qu’elle en est venue naturellement au rap. Cette native de Zambie, élevée au Botswana et résidant aujourd’hui en Australie a toujours considéré la poésie comme le meilleur moyen d’exprimer ses émotions, avant de voir le rap comme l’évolution logique de cet art lorsqu’elle découvre 2Pac à l’âge de 9 ans. Dans la musique de Sampa Tembo (son vraie nom), il est beaucoup question d’identité, de cultiver son individualité en revenant aux sources de ses origines. Ces thématiques imprègnent de manière encore plus flagrante les deux premiers singles (« Final Form » et « OMG ») de son premier album, The Return, à paraître en septembre prochain sur l’émérite label britannique Ninja Tune. Cette nouvelle sortie particulièrement attendue fait suite à sa deuxième mixtape Birds and the BEE9, qui lui avait valu un Australian Music Prize en 2018.
Autres rappeurs zambiens à suivre : Slapdee, Cinori Xo, K.R.I.P.T.I.C
Nous vous la présentions en intro, Maya Wegerif alias Sho Madjozi, est la tête d’affiche de la scène rap sud-africaine, et plus particulièrement d’un genre 100% national, le gqom. Né à Durban et signifiant tambour en langue zoulou, le gqom est une alliance électrique de beats saccadés issu de la house et de percussions traditionnelles sud-africaine, dont Sho participe activement à faire connaitre en dehors de ses propres frontières. Originaire du Limpopo, une petite province d’Afrique du Sud qui donne le nom à son surpuissant premier album Limpopo Champions League, Sho Madjozi voit les choses en grand et compte bien s’imposer petit à petit à l’international. Ce que son BET Award en poche confirme. Elle fait aussi figure d’exception dans son pays en s’exprimant en pas moins de quatre langues dans ses morceaux : le tsonga, le zoulou, le swahili et l’anglais. Désormais installée à Johannesburg, la radieuse polyglotte n’en reste pas moins très attachée à ses racines comme le prouve le clip de son premier tube « Dumi Hi Phone« , où on peut la voir en tenues traditionnelles danser le xilebani, une danse originaire de son Limpopo natal. Autre essentiel de sa discograpgie, l’imparable « Huku » dont son rythme minimaliste et ses sifflets semblent presque échappés du « Blow the Whistle » de Too $hort.
Autres rappeurs sud-africains à suivre : Dope Saint Jude, YoungstaCPT, Busiswa
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