Si les œuvres d’art ont toujours inspiré la musique en général, avec des représentations plus ou moins subtiles dans des pochettes d’albums, ces dernières années un phénomène nouveau est apparu dans le milieu underground Hip-Hop. En effet, sous l’impulsion de quelques covers marquantes, une nouvelle tendance s’est démarquée avec la recrudescence de montages graphiques détournant des tableaux.
C’est suite à cette nouvelle mode que nous avons essayé de retrouver d’autres pochettes d’albums qui sont allées puiser leur inspiration dans des œuvres d’art, et plus particulièrement dans des tableaux. Vous y retrouverez bien évidemment ce que nous avons décrit un peu plus haut mais aussi d’autres compositions de tous styles qui méritent le coup d’œil. Par la même occasion, les albums cités dans cette liste sont également, pour la plupart, des écoutes intéressantes d’un point de vue musical. Enfin, il n’est pas inintéressant non plus de faire un lien naturel entre ces peintures détournées de différentes façons qui ne sont pas sans rappeler la philosophie du sampling, véritable ADN du mouvement Hip-Hop.
Sortie : 2001 (unreleased)
Il n’a pas fallu enquêter bien longtemps pour trouver l’œuvre qui a inspiré cette pochette de Ras Kass. Il faut dire que le rappeur West Coast a placé un énorme indice dans le titre de cet album… C’est donc du côté des nombreux autoportraits de Vincent Van Gogh qu’a été trouvée l’inspiration de cet artwork. Durant les dernières années de sa vie, le peintre Néerlandais se lança dans la réalisation d’une série importante d’autoportraits avec ce style si particulier, novateur et reconnaissable. Si à l’époque le succès n’est pas au rendez-vous, plus de 100 ans plus tard, l’une de ses œuvres s’est arrachée à plus de 70 millions de dollars lors d’une vente aux enchères. Pour ce projet de Ras Kass qui finalement est resté des années dans les cartons, il existe deux versions officielles de la pochette. L’original de 2001 et celle de 2018 lorsque Ras Kass a enfin décidé de mettre ce projet sur les services de streaming. Toutefois, la première pochette est de loin la plus réussie et surtout la plus fidèle au mouvement du peintre.
Sortie : 5 mai 2017
Si beaucoup de touristes se rendent au Louvre avant tout pour voir la fameuse Joconde, ils repartent souvent avec le souvenir marquant d’une autre œuvre. Difficile en effet de rester insensible à l’impressionnant tableau Les Noces de Cana de Paul Véronèse avec ses dimensions de quasiment 10m de long sur 7m de hauteur. Une beauté de la renaissance datant de 1563 et qui impressionne toujours par ses multiples détails. C’est lors d’une visite du musée Parisien que Logic est tombé sous le charme de ce tableau et a décidé d’en faire sa propre version. Pour cela, il a fait appel une nouvelle fois aux talentueux Sam Spratt pour réaliser sa vision. Fidèle à l’esprit de l’original, cette représentation affiche aussi un grand nombre de détails dont la plupart ont été remis au goût du jour avec une population métissée ainsi que l’apparition de robots, MPC, Rubik’s Cube et Corgi pour définir l’univers du rappeur.
Sortie : 22 avril 2002
Pour la pochette de leur premier album, le groupe français TTC a décidé de s’inspirer du cultissime tableau La Trahison des images de René Magritte. Ils ont gardé le concept initial pour le réinterpréter à leur façon avec une platine et un vinyle. Le résultat réalisé par Kid Acne est tout aussi efficace que le contenu de ce disque, véritable OVNI dans un rap français obnubilé à l’époque vers le rap de quartiers. Finalement, ce choix de l’œuvre du peintre surréaliste belge nous donne un résultat qui va bien au-delà de son rendu visuel et épouse aussi sa longue réflexion. Le rapport entre mot et représentation n’est pas sans rappeler ce débat éternel autour de ces artistes, notamment rappeurs, qui se fabriquent une vie pour paraître crédible auprès d’une certaine audience. Avec cet album, Teki Latex, Cuizinier et Tido Berman ont réussi à prouver que la recette originalité et authenticité pouvait également être payante !
Sortie : 16 août 2019
Que serait Snoop Dogg sans ses chiens. Que ce soit dans sa vie ou sur ses pochettes d’album, le dogg de Long Beach a toujours su bien s’entourer. Dès le commencement de sa carrière, et notamment dans le clip de l’iconique « Who Am I (What’s My Name) », le protégé de Dr. Dre s’est représenté en chien. Dans cette même vidéo, on retrouve également un passage qui n’est pas sans rappeler la cover de son dernier album solo, avec des chiens mise en scène autour d’un billard. On y aperçoit également l’une des 16 peintures de Cassius Marcellus Coolidge dans lesquelles l’artiste y dessine des chiens jouant au poker. C’est dans cette série que le rappeur a choisi l’idée du visuel de son dernier projet en date en réinterprétant le tableau A Friend in Need. Le rendu est très fidèle à l’original avec 7 différents Snoop nous rappelant toutes les différentes étapes de son imposante carrière. L’une de ses pochettes les plus réussies contrairement à l’album qui manque cruellement de réelle direction artistique sur le plan musical.
Sortie : 17 décembre 2013
C’est en levant les yeux vers la voûte du plafond de la chapelle Sixtine qu’on peut découvrir l’un des travaux titanesques de Michel-Ange. Plus de 4 ans auront été nécessaire à l’artiste Italien pour achever ce qui reste l’une de ses œuvres les plus connues. Intitulé La Création d’Adam, cette fresque y représente l’un des passages du Livre de la Genèse avec cette fameuse scène de l’index de Dieu rejoignant presque celui d’Adam. C’est uniquement ces deux derniers éléments qu’Oddisee a décidé de détourner pour la cover de son album Tangible Dream. Pour l’occasion, il a choisi d’accroître la distance entre les deux doigts, donnant du mouvement à l’œuvre magnifique de Michel-Ange. Une pochette qui ressemble beaucoup à celle du projet Fanfare de Jonathan Wilson sorti deux mois avant l’opus du rappeur de Washington. Une inspiration qui en cache peut-être une autre mais qui n’enlève rien à ce très bon projet.
Sortie : 30 novembre 2004
Pour son double album, Nas a vu les choses en très grand en choisissant de faire sa propre version de la fresque La Cène de Léonard de Vinci. Une peinture du génie Italien décrivant le dernier repas de Jésus-Christ prit avec les douze apôtres. Si la pochette de ce projet de Nas nous montre seulement une partie de cette tablée, les détenteurs de l’album pourront admirer, via un mini-poster, la création complète de cet artwork. Une version qui est aussi facilement trouvable sur les internets pour les curieux qui voudraient y jeter un rapide coup d’œil. Sur cet artwork réalisée par Chris Feldmann, le rappeur du Queens y incarne les 13 différents rôles avec un repas un peu moins sommaire que l’original et beaucoup plus bling-bling. D’un point de vue musical, après deux excellents opus (Stillmatic et God’s Son), le rappeur du Queens a répondu de la meilleurs des façons au double album The Blueprint 2: The Gift & the Curse de Jay-Z. Un projet solide qui évolue dans un univers complètement différent de celui de son meilleur ennemi.
Sortie : 17 avril 2020
Tête d’affiche de l’underground ces dernières années, et adoubé par Eminem et Jay-Z depuis, Westside Gunn a toujours cherché à se démarquer par ses pochettes. Les artworks des sorties Griselda ont même été à l’origine d’une nouvelle tendance dans le milieu qui se sera vite popularisé pour devenir une norme. Pour cette cover, Westside Gunn a décidé de faire appel au célèbre Virgil Abloh. Rien de plus logique quand on sait que ce projet a été imaginé et démarré suite à un défilé du fondateur de la marque Off-White lors d’une fashion week à Paris. Ils ont décidé ensemble de reprendre un tableau de l’artiste Caravage, celui de David tenant la tête de Goliath. Une œuvre datant de 1607 dans laquelle a été rajoutée les bling bling de WSG. Une idée des plus simpliste avec au final un résultat qui fonctionne plutôt bien. On peut juste regretter peut-être que, pour ce projet nommé Pray For Paris, ils ne soient pas allés chercher une œuvre présente au moins dans un musée Parisien, ce n’est pas ce qui manque dans cette ville.
Sortie : 18 août 2018
Pour leur album en commun, Ka et le producteur Animoss sont allés chercher leur inspiration du côté du peintre français Paul Duqueylar avec cette représentation de Orphée en train de se lamenter. C’est donc dans le lettrage du mot Orpheus, imaginé par Mark Shaw, qu’apparait le héros grecque avec ce titre de projet qui fait référence à son voyage avec les Argonautes. Une expédition dans laquelle il a rythmé avec son chant les coups de rame de ses compagnons pour permettre notamment aux voyageurs de résister aux dangereux chants des sirènes et leur pouvoir de séduction. Sur cet album, les 10 titres composant la tracklist portent d’ailleurs tous des noms de personnages de la mythologie grecque. Un concept qu’ont poussé jusqu’au bout les deux auteurs dans une œuvre qui reste l’un des moments marquants de l’année 2018.
Sortie : 24 août 2010
8ème volume de la série des Medecine Show de Madlib, avec cette fois-ci à l’honneur, le Jazz. Pour sa pochette, le producteur Californien est allé piocher dans un événement de l’histoire des États-Unis avec la traversée du fleuve Delaware par George Washington pendant la guerre d’indépendance en 1776. Une toile de Emanuel Leutze réinterprétée par l’artiste Jeff Jank dans un tout nouveau tableau qui nous est présenté humoristiquement comme : « une commémoration des grands jazzmens arrivant à New York avec comme particularité d’y représenter en 1851 des musiciens comme Miles Davis, John Coltrane, Pharoah Sanders ou Charles Mingus des dizaines d’années avant même leur naissance ». Comme pour le projet de Nas, l’œuvre complète de cette cover est facilement trouvable sur le net pour ceux que cela intéresserait. En ce qui concerne ce projet, il reste une très bonne porte d’entrée pour se familiariser avec quelques grands noms du Jazz.
Sortie : 13 novembre 2015
C’est en empruntant une partie de l’œuvre Takiyasha la sorcière et le fantôme du squelette d’Utagawa Kuniyoshi que les deux artistes français ont choisi d’illustrer leur album en commun. Le beatmaker Kyo Itachi et le rappeur Lucio Bukowski ont donc sélectionné la partie centrale de cette estampe sur bois de 1844, tirée du catalogue impressionnant de l’un des derniers grands maîtres japonais de cette discipline. Le titre de ce projet est aussi une référence direct au Japon avec l’association du Kiai, cri utilisé notamment dans les arts martiaux, et ce phénomène de pluie noire observé quelques minutes après un bombardement atomique. Mis à part un travail sur les couleurs, l’œuvre d’origine n’a subi aucun changement. Et pour rester dans le Japon et le rap français, j’aurais pu également vous parler dans cette liste du dernier album Yasuke de IAM qui a revisité, lui, le fameux tableau Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Cependant, niveau musical, ce projet de Kyo et Lucio me paraissait bien plus pertinent avec notamment des fulgurances comme ces morceaux « 2Pac, Molière et les licornes » ou « Arte Povera » par exemple.
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