10 compilations de producteurs qui ont marqué les années 2010
Après les années 2000, suite de notre série retraçant des compilations de producteurs avec à présent la période des années 2010. Une nouvelle sélection de 10 projets représentatifs de cette époque et faisant la jonction entre le traditionnel boom-bap et la prise de pouvoir de la trap.
Souvent présentées à tort comme des albums fourre-tout avec beaucoup d’invités, dans la plupart des cas les compilations de producteurs sont des collections précieuses beaucoup trop sous-estimées. Si tous les producteurs ne passent pas forcément par cette étape dans leur carrière, certains se sont lancés dans ce genre de projet avec souvent un résultat qui a eu un impact important sur leurs carrières.
Après les années 2000, suite donc de notre série retraçant les compilations de producteurs avec à présent la période des années 2010. Une décennie, allant de 2010 à 2019 donc, qui aura connu une évolution sonore importante et qui sera bien évidemment représentée dans cette sélection non exhaustive.
Une liste dans laquelle vous retrouverez uniquement des albums, souvent assimilés à des compilations, de producteurs qui ont mis leurs créations sonores au service de leurs invités. Ce ne sont donc pas des albums de producteurs sur lesquels ces derniers prennent principalement le micro, même si, de façon exceptionnelle, certains le feront à la marge sur les projets choisis.
Ski Beatz – 24 Hour Karate School
Sortie : 21 septembre 2010
Pour commencer, et cela sera aussi valable pour l’artiste suivant, on retrouve un beatmaker qui en 2010 a déjà plus de 20 ans d’expériences dans le rap game. En effet, les premières productions de Ski Beatz remonte au tout début des années 1990 au sein notamment du duo Original Flavor. Un groupe managé par Damon Dash et une rencontre entre les deux hommes qui va permettre par la suite aux producteurs de placer quatre productions sur le premier album d’un certain Jay-Z. En 2009, Damon et Ski vont se remettre à travailler ensemble au sein du collectif DD172 avec la sortie de 24 Hour Karate School. Une compilation produite entièrement par Ski Beatz qui a pour but premier de mettre en avant toute une nouvelle génération de rappeurs prometteurs comme Curren$y, Wiz Khalifa, Smoke DZA, The Cool Kids et Stalley. Un projet excellent sans aucune fausse note, si ce n’est la non-présence de Mos Def suite à un problème de droits. Le résultat : des couplets retirés aux derniers moments et finalement deux titres solo qui vont donc se transformer en versions instrumentales.
DJ Premier – Get Used To Us
Sortie : 7 décembre 2010
Comme pour Ski Beatz, le légendaire DJ Premier a mis du temps pour signer sa première compilation. Avec comme objectif principal de présenter les nouveaux artistes de son label Year Round Records, ce projet du producteur mythique de Gang Starr n’en reste pas moins très intéressant. Fidèle à son style si efficace, les fans du genre ne vont pas être dépaysé, ni même déçu, car Preemo fait toujours du Preemo ! Après une entrée en matière signée par le fidèle Blaq Poet, le début de la tracklist nous introduit le duo NYGz, Nick Javas, Khaleel et la rappeuse Dynasty comme les nouveaux membres de la grande famille musicale de Premier. Derrières ces newcomers se succèdent des vétérans comme KRS-One, MC Eiht, Bumpy Knuckles, Grand Puba et Lady of Rage accompagnés par la génération suivante : Royce Da 5’9, Styles P, Saigon, Papoose, Joell Ortiz et Young Malay (la voix de CJ du jeu GTA San Andreas). Mes meilleurs souvenirs, les succulents titres « Temptation », « Sing Like Bilal » et « Lifetime Membership ».
IMAKEMADBEATS – IMAKEMADBEATS
Sortie : 18 janvier 2011
Sans aucun doute le projet le moins connu de cette liste, cet album de ce producteur n’en reste pas moins l’un de mes préférés. C’est en tant qu’ingénieur du son que Nemo va débarquer à New York avant de laisser la place à son alter ego IMAKEMADBEATS sous l’impulsion d’un conseil de Busta Rhymes. Il n’en fallait pas plus à IMMB pour se lancer dans une carrière de beatmaker avec comme premier coup le projet The Transcontinental avec Roc C. La suite, son propre album avec un panel d’invités allant de figures de l’underground comme Steele (Smif N Wessun), Mic Geronimo, Sabac Red (Non Phixion), Planet Asia et Black Milk à des artistes de son entourage dont les très bons rappeurs MidaZ The Beast et TzarizM. On devine facilement les influences qui ont forgé le style de IMMB avec toutefois un univers qui lui est propre et dans lequel il est extrêmement convainquant. A écouter en priorité sur cet opus, les titres « What’s It Gonna Be », « Heard Of Me », « Revenge NYC », « Corporate N Gommorah » ou encore « I Bet ».
Marco Polo – PA2: The Director’s Cut
Sortie : 12 novembre 2013
Si Port Authority n’était pas dans notre précédente liste des compilations de producteurs des années 2000, c’est parce que sa suite avait déjà été choisi pour figurer dans celle-ci. Deux projets solides avec une nette préférence en ce qui me concerne pour le volume suivant, PA2: The Director’s Cut, sur lequel l’acteur Michael Rapaport s’occupe brillamment de la narration. Une nouvelle fois, le casting proposé par Marco Polo est impressionnant avec la crème de la crème de l’underground dispatchée sur les 19 titres de cet album. Le morceau d’ouverture « 3-O-Clock » s’offre même le luxe de réunir pour la première fois depuis leur séparation le duo Organized Konfusion (Pharoahe Monch & Prince Po). Parmi les autres titres marquants, on retiendra le symbolique « G.U.R.U. » avec Talib Kweli et DJ Premier (qui rend bien évidemment hommage au rappeur de Gang Starr décédé en 2010) et la collaboration « West Coast Love » entre les deux légendes MC Eiht et King T. Comme toujours avec le producteur Canadien, les prods sont puissantes et permettent aux MC’s de livrer des prestations remarquables comme par exemple Rah Digga sur « Earrings Off » ou le sous-estimé Last Emperor sur « 6 Trill ».
DJ Mustard – 10 Summers
Sortie : 11 août 2014
Dans l’histoire de la West Coast, il n’y a pas beaucoup de producteurs qui ont réussi à exporter et imposer leurs styles en dehors de l’état de Californie. En synthétisant ce qui se faisait et marchait localement à l’Ouest depuis quelques années, DJ Mustard est parvenu à se créer un type de son dont l’efficacité en club lui a permis de décrocher un nombre incalculable de hits pendant ces années 2010. Une recette aussi performante que répétitive qu’il n’hésite pas à pousser à l’extrême dans sa première compilation officielle 10 Summers. Comme exemple flagrant, cet enchainement de morceaux « No Reason » et « Giuseppee » dont la composition identique ne varie que dans la tonalité des notes. Une escroquerie pour certains, du génie pour d’autres, le producteur Californien ne laisse personne insensible… Dans ce projet, les invités West Coast sont nombreux et se nomment Nipsey Hussle, YG, Dom Kennedy, Ty Dolla $ign, Jay 305, RJmrLA, Iamsu!, Tee Cee ou encore TeeFlii. Ajouté à cela quelques guests stars comme Young Jeezy, Wiz Khalifa, Lil Wayne, Rick Ross, Big Sean et 2 Chainz, et vous avez de quoi vous réchauffer pendant les 40 prochaines minutes !
Clams Casino – 32 Levels
Sortie : 15 juillet 2016
Dans les années 2010, le cloud rap s’est imposé petit à petit aux yeux du grand public avec comme l’un de ses meilleurs représentants Clams Casino. Après quelques projets instrumentaux, c’est en 2016 que le producteur du New Jersey a décidé enfin de sortir son premier album. Un opus qui affiche 12 morceaux avec une première partie orientée rap sur laquelle Lil B est omniprésent. Tout d’abord en solo sur « Witness », puis aux côtés d’A$AP Rocky sur l’excellent « Be Somebody » ou encore accompagné d’un sample de Joe Newman (du groupe alt-j) sur « 32 Levels ». Des collaborations plutôt convaincantes pour le beatmaker et le rappeur qui ont développé un univers vraiment particulier ensemble, très planant. Les autres invités ne se bousculent pas sur les différents morceaux et sont souvent seuls. Un choix pertinent qui permet vraiment d’apprécier le travail à la prod de Clams comme sur le très bon « All Nite » de Vince Staples, le « Thanks To You » de Sam Dew ou ce « Ghost In A Kiss » avec Samuel T. Herring en fin de tracklist. Entre rap, pop et électro, Clams Casino s’est forgé un style atypique à plusieurs facettes qui nous présente de la meilleure des façons sur ce projet.
Mike WiLL Made-It – Ransom 2
Sortie : 24 mars 2017
Qui mieux que Mike WiLL Made-It pour incarner cette décennie qui aura vu la trap véritablement s’imposer au niveau mainstream ? Avec Ransom 2, le producteur d’Atlanta s’offre une brochette d’invités prestigieuse allant de Kendrick Lamar à Future en passant par Young Thug, Pharrell, Migos et Rihanna. On y croise également Gucci Mane, l’un des premiers rappeurs à lui avoir donné une exposition importante sur ses projets, ainsi que les artistes de son label Ear Drummer avec Trouble, Eearz, Andrea, Fortune et bien évidement le duo star Rae Sremmurd. Ce projet est un condensé du type de productions qui s’est imposé dans le rap game ces dix dernières années et dont Mike est l’un de ses plus talentueux ambassadeurs. A la fois très orienté club, parfois pop mais aussi sombre par moment, Ransom 2 présente une palette séduisante du large catalogue de son auteur avec des morceaux piliers comme « Perfect Pint » (Rae Sremmurd, Gucci Mane et Kendrick Lamar), « Razzle Dazzle » (Future) et « Nothing Is Promised » (Rihanna).
Metro Boomin – Not All Heroes Wear Capes
Sortie : 2 novembre 2018
Tout comme le producteur précédent, Metro Boomin est l’un des grands messieurs de la trap dans ces années 2010. Le jeune beatmaker a rapidement convaincu son monde avec sa première mixtape 19 & Boomin (2014) qui affichait déjà un casting hallucinant. Quatre années plus tard, ce premier album officiel n’est que la confirmation et la suite logique d’une carrière précoce couronnée déjà de pas mal de succès. Les invités sont une nouvelle fois des poids lourds de l’industrie avec un Travis Scott en fil rouge sur ce projet. En effet, pas moins de cinq apparitions pour l’artiste de Houston qu’on retrouve aux côtés d’autres références comme Young Thug, Gucci Mane, Offset ou encore 21 Savage dont l’affinité avec Metro n’est plus à prouver. Un projet incarné par le single « Space Cadet » avec Gunna qui accroche l’oreille instantanément, contrairement à d’autres titres beaucoup moins marquants sur la tracklist comme par exemple ce « Dreamcatcher » qui le précède. Au final, une ambiance très planante est installée sur cette compilation, certes de niveau plutôt inégal, mais dont le but premier est de tout simplement célébrer le parcours fulgurant de son auteur.
Myth Syzer – Bisous Mortels
Sortie : 30 novembre 2018
C’est seulement 6 mois après la sortie de son premier album Bisous, qui tissait un pont entre le rap et la variété française, que le producteur français Myth Syzer a décidé d’effectuer un retour anticipé. Bisous Mortels affiche une ambiance beaucoup plus sombre avec 10 morceaux résolument rap où le romantisme annoncé sur le projet précédent est laissé de côté pour quelque chose de plus brut et street. Le single « Cross » donne le ton avec des prestations remarqués d’Ateyaba et du charismatique Lino pour l’un des moments forts de cet opus. Les compères Loveni et Ichon, qui forment avec Myth Syzer le trio Bon Gamin, sont bien évidemment de la partie. Ensemble, ils se retrouvent donc sur « 2 xa », mais c’est surtout les performances de Loveni sur « Racks » et « Toute la nuit » qui sont à signaler. A noter également, les présences convaincantes de Hamza (« Jeep »), Jok’air et Alkpote sur « Villain » ou encore Oldpee (du crew 13 Block) en ouverture de ce projet avec l’excellent « Massacre ».
Apollo Brown – Sincerely, Detroit
Sortie : 29 octobre 2019
Et pour conclure, comment ne pas parler d’Apollo Brown pour cette dernière décennie ! Depuis son engagement avec le label Mello Music Group en 2010, le beatmaker de Detroit a enchainé les sorties à un rythme fou avec quasiment deux projets par an. Parmi cette collection, trois compilations dont la dernière en date est un vibrant hommage à sa ville. Intitulé Sincerely, Detroit, cet album regroupe plus de 50 rappeurs de Motor City réparti sur 20 morceaux. Composé principalement d’artistes de son entourage, il ne faut pas s’attendre à y croiser Eminem par exemple, mais plutôt Journalist 103, Guilty Simpson, Nolan The Ninja, Boog Brown ou encore Elzhi. Côté productions, Apollo sort le grand jeu avec une large palette de beats qui résume au final parfaitement son travail lors de ces 10 dernières années. Une homogénéité générale qui, combinée à une énergie collective entraînante, permet à Apollo Brown de s’offrir une nouvelle jolie ligne dans sa discographie déjà très fournie. Sans aucun doute, l’un des producteurs les plus emblématiques de cette décennie 2010 !
Et en bonus, une dernière compilation un peu particulière puisqu’elle n’implique pas seulement un producteur mais aussi un rappeur. En effet, le duo LNDN DRGS (composé donc du beatmaker Sean House et du MC Jay Worthy) a décidé sur leur dernière sortie en date de convier un invité différent sur les 14 morceaux de ce projet.
LNDN DRGS – Affiliated
Sortie : 27 septembre 2019
Produit intégralement par l’excellent Sean House, on retrouve donc Jay sur l’ensemble des titres où il partage le micro avec des guests comme Larry June, Problem, G Perico, Casey Veggies, Soopafly, Iamsu! ou encore Conway the Machine et Krayzie Bone. Orienté très West Coast de part ses invités mais aussi grâce à cette couleur musicale typique de la région, le projet Affiliated est un compagnon idéal pour des journées ensoleillées. Une compilation dont la présentation parfaite de ses auteurs mérite d’être repris telle quelle : “a throwback mix upbeat funk and smooth soul blended with modern gangsta rap lyrics”. Pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que le rendu général nous fait passer 40 excellentes minutes qui respirent l’été à plein nez et les vacances !