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10 artistes rap hispanophones à écouter

Seyer Black Art Gang – Hombre Fatal (Mexique)

On commence aux frontières de l’Amérique du nord avec le Mexique. On s’attend à des chemises à carreaux manches courtes, des moustaches et des low rider. Pourtant rien de tout ça n’apparaît dans les visuels de Sever Black Art Gang. En termes de musique, rien ne fricote avec les clichés de chicano. Nous avons plutôt à faire à un rappeur tourmenté : « No me siento bien del todo » > « Je ne me sens pas bien du tout ». Le beat derrière lui ne comporte pas la moindre trompette enjouée de mariachi, c’est une introspection profonde auquel nous assistons. Loin des carapaces masculines, Seyer Black Art Gang assume ses erreurs, ses émotions, même celles les plus fragiles. Ce morceau, « Hombre fatal », est le seul de sa discographie a dépassé le million de vues. Preuve qu’un rap sincère, dépouillé de toute pudeur, peut intéresser un nombre important d’auditeurs. D’autres rappeurs dans le même style sont à mettre en avant, comme Solo Cadaver, Khaf La Tape ou encore Aldo Sobredosis.

Hattory Hardcore – Guerra/ Paz (Costa Rica)

Alors oui on a déjà tous entendu du rap mexicain (même si c’était sûrement de la g funk). Mais est-ce que vous aviez ne serait-ce qu’imaginer un jour écouter du rap rap venant du Costa Rica. Et bien aujourd’hui on va tous se coucher moins bêtes et peut être même devenir de grands fans de Hattory Hardcore. Rappeur de la capitale San Jose, car oui c’est un petit pays et en dehors de la capitale, ça devient du digging niveau extrême de trouver un mec qui rappe dans les campagnes de ce pays d’Amérique centrale. Dans la biographie de l’artiste, on peut lire : « Underground anti todo », pas besoin d’un niveau B2 d’espagnol pour comprendre. Une position extrême est prise, on s’attend donc à un rap sans aucun compromis, loin des tendances. Et effectivement, nos tympans sont transpercés par des phases brut de décoffrage « Ventanas rotas por puertas que no se abren » > « Des fenêtres brisées parce que certaines portes ne s’ouvrent pas ». Un rap défonçant à la matraque le les rappeurs lisses et pseudo blanc comme neige.

Rial Guawanko – Salvaje (Venezuela)

Le Venezuela fait face depuis 2013 à une crise socio-économique et politique sans précédent. D’ailleurs, beaucoup quittent le pays pour s’installer en Colombie ou même en Europe. Ce n’est pas pour autant que les rappeurs du pays n’ont vu le jour que dérnièrement. Ce pays est le berceau des plus grands rappeurs d’Amérique latine : le regretté Canserbero et le vétéran Lil Supa notamment. Dans l’entourage de ce dernier gravite Rial Guawanko, également membre du collectif El Dojo, véritable gage de qualité dans le rap latino. Son troisième et dernier album solo, « Otro dias mas » est un véritable bijou hybride. Flottant parfaitement entre un univers très terre à terre boom bap et quelque chose de bien plus impalpable, volatile comme de la matière dans le cosmos. Habillant lui même la majorité de ses morceaux des plus belles prods, le titre « Salvaje revêt une esthétique davantage familière pour découvrir l’artiste. Sa priorité étant que ses textes soient puissants, il y met du coeur et du temps. On peut noter sa phase sur ce même son « Vivir sobrio es estar loco viendo a todos durmiendo en la matrix. » > « Vivre sobre c’est être fou en regardant tout le monde dormir dans la matrice. ».

 

La Mecca – Latin Lingo (Argentine)

Le groupe La Mecca est composé par Ba$$ura, ill’One, Skinny Xero, Na43 is The Eye et Le Mat. Tous originaires de Buenos Aires, ils produisent un son typique porteño : des drums toujours passées dans une machine type Sp 12, des samples lugubres et des flow nonchalants mais bien dans les temps. Le morceau « Latin Lingo » vient annoncer le prochain disque de La Mecca. D’ailleurs, comme vous pouvez le voir dans leur nom, les argentins, et même les latino de manière générale aiment saupoudrer leur rap de 5% knowledge. Un esprit d’éclaireur voulant éveiller les consciences des 85% du peuple endormi. Comme une écrasante majorité, les rappeurs utilisent de l’argot qu’ils ont acquis durant leurs expériences. La jerga (traduction de « argot » en espagnol) est omniprésente dans le rap hispanophone. La Mecca ne déroge par à la règle et on même appeler un de leur morceau « Latin Lingo », celui-ci pourrait nous rappeler le groupe californien et leur single de 1992.

 

Awka Funke – NTN (Chili)

Nous sommes maintenant téléportés en bord de mer. Nous voici à Cartagena, petite ville proche de Santiago de Chile. L’air du large n’est pas le seul élément qui respire la fraîcheur : Awka Funke, rappeuse, dégage dans ses morceaux beaucoup de lumière. La pochette de son premier projet « Carta Para » le reflète parfaitement bien. Elle puise dans son histoire personnelle pour convertir ses expériences négatives en essence pour avancer. Le 7 titres est d’une intelligence émotionnelle rare. Le rap, comme tout autre genre musical, touche d’abord par ce qu’il dégage comme émotions, avant d’entrer dans les grandes analyses de placements. Son flow se marie à merveille avec les différentes prod jazzy que composent son projet. Je vous conseille également l’album « Florecer » de la rappeuse Pangikuru ou encore celui de Penyair « La Bey Del Todo » si vous aimez le rap plus coloré et plus chantant, toujours en gardant l’essence hip hop underground.

Yanto Rules & iLL’ J – Feel My Funk (Pérou)

A côté du Chili se trouve l’Argentine mais aussi le Pérou. Ces quelques lignes concernent un bon son péruvien. Toujours sur le littoral ouest de l’Amérique latine, à Lima, deux petits jeunes rappe dans les coins de rue avec de gros manteaux Nautica sur le dos. A première vue, on pourrait se dire qu’ils veulent jouer des rôles, et qu’ils sont bien trop immatures pour jouer les og’. En fait, ce n’est pas si évident que ça, au contraire… Bien accompagnés, Yanto Rules et Ill’ J délivrent des flows à la fois grinçants et funky. Qui plus est, leurs phases ne laissent pas de marbre l’auditeur averti : « Writing classic shit no basic shit ». Un rap style lo life qui peut être une porte d’entrée pour ce sous genre en hispanique : N-Wise Allah (Espagne), Nico JP (Vénézuela) ou encore Discan (Chili). Des rappeurs s’auto proclamant « God emcee » ou « maître de ce game ». A prendre avec des pincettes, ou non…

 

Emere – 14 Distrito (ft. Broke De Castro, Didi) (Espagne)

Jordi et Pablo forment le groupe Emere. Ils ont commencé dans le monde du beatmaking il y a dix ans. Peu de temps après, Pika les rejoint pour donner une voix à toutes ces instrumentales. Ils sont tous les 3 originaires de Valencia, dans le quartier de Benimaclet. Le groupe est grandement influencé, comme beaucoup, par le boom bap new-yorkais, avec des touches jazzy comme chez Gang Starr et Pete Rock. Mais leurs influences principales restent nationales : MDE Click et Acqua Toffana/Ziontifik. Le morceau « 14 Distrito » est présent sur l’EP « Amegakure ». Ce dernier est issu d’un long travail entamé en 2018. A l’origine prévu avec 6 pistes, 2 seront finalement supprimées pour ne laisser que l’essentiel, comme si le chiffre 4 leur était sacré. Il tente de capturer les 3 sentiments que le rappeur Pika a ressentis le plus pendant la pandémie : l’isolement, la frustration et la colère. Cela se note dans les paroles et la sélection des beats. Tous les samples sont du pur digging, que ça soit digital ou en utilisant des échantillons directement pris sur vinyle.

Oblivion’s Mighty Trash & Sike Damodar ft Dj Peche – La 10 de Valderrama (Prod.MIH) (Colombie) 

La Colombie n’est pas en reste quand il s’agit de représenter le mouvement. Le hip hop, comme beaucoup de choses dans ces pays d’Amérique latine, est vécu à 200%. Dès les premières secondes, avec cette voix scratchée, on comprend qu’on va passer un bon moment de rap. Oblivion’s Mighty Trash vient de Medellin, Sike Damodar lui de Floridablanca et Diavlitx d’Envigado. A seulement 21 ans, le premier cité fait déjà office de référence en tant que rappeur colombien. De par ses connaissances et son flow rempli de confiance, aucun doute que ce n’est pas la dernière que l’on parlera de lui. Sike Damodar quant à lui fait plaisir aux français lorsqu’il balance « Original mamita como Rocca », en clin d’œil bien sûr à notre binational du quartier de la Fourche. A l’image de sa graine de café, réputée la meilleure du monde, le rap colombien produit souvent ce qu’il se fait de mieux en matière de rap. Cette qualité est sûrement due à un amour sans pareil pour la culture hip hop.

22Ruzz ft. Skan y Redmist – Reunion De Socias (Prod. Sajo Bkulé) (Chili x Argentine)

Premier featuring de cette liste, et première collaboration entre deux pays : le Chili et l’Argentine. Etant voisines, la chilienne 22Ruzz et l’argentine Skan (installée au Chili) ont vu ce travail en commun comme évident. C’est le cas, leur univers se mélange parfaitement. « Reunion de socias » est produit par le très talentueux et versatile Sajo Bkulé. Il a su trouver les sonorités collant à merveille avec les deux rappeuses. Cette collaboration est l’occasion de faire un focus sur un phénomène, malheureusement peu présent en France et en Europe. La scène rap hispanique est composée par beaucoup plus de femmes que de par chez nous. Qui plus est, elles sont extrêmement compétitives et très souvent meilleures que leurs camarades masculins. Un fait qui bénéficie fortement à l’essor de nouvelles emcees et plus globalement à la condition de la femme chez eux.

FDIKASS & Velocista Wave – Lesson (Prod. Ajitawira) (Argentine)

Au vue de la pochette du projet « Unknown », on sent déjà les odeurs de souffre sortant des bouches d’égouts. L’EP est sans surprise un brise nuque efficace avec Ajitawira aux manettes. FDI KASS et Velocista Wave s’occupent eux de cracher leurs rimes et flows les plus froids. Comme le dit ce dernier dans un morceau plus récent : « Lo hago pa gente selecta » > « Je le fais pour les gens sélectifs ». Autrement dit, les trois lurons sud-américains sont loin de se plier aux dictâtes de l’industrie et préfèrent affûter leur art pour une poignée de personnes sachant distinguer le faux du vrai. Même si un des protagonistes de ce court projet n’est pas natif d’Argentine, il y habite et on ressent cette « Argentinian flava’ » dans leur musique.


Article rédigé par Maxence Kowalyszin, fondateur du média Rap Herencia.


DA : @soaznls

La Rédac

BACKPACKERZ, c’est une grande mif de NERDZ réunis par l’amour du son et le goût du partage. Une équipe d’explorateurs passionnés, qui sillonnent la galaxie rap et les nébuleuses voisines, à la recherche de ses futures étoiles.

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