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La Corée du Sud connaît une vague d’intérêt culturel qui ne fait que se renforcer depuis les vingt dernières années. A travers les séries (appelées « dramas »), les films (Parasite, Le Dernier Train pour Busan) et la K-Pop toujours plus grandissante, le pays du matin calme voit un véritable essor de son art rayonner à l’étranger.

Le Rap s’est fait découvrir dans le pays dès la fin des années 90 avec des groupes incontournables comme Seo Taiji & Boys ou Dynamic Duo. Comme aux Etats-Unis ou en France, le rap était une manière de mettre en avant les problèmes sociaux auxquels la jeunesse devait faire face. A l’époque, il n’était pas évident de se dévoiler sans filtre tout en se faisant suivre du public (d’ailleurs, c’est toujours compliqué aujourd’hui). De nombreuses chansons ont été censurées, jugées trop « crues » ou « violentes ». Aujourd’hui, une nouvelle lignée de prodiges du rap marque un nouveau tournant dans la musique sud-coréenne et asiatique. De nombreuses barrières ont été soulevées grâce à des groupes de K-Pop pionniers tels Big-Bang, Girls Generation ou plus récemment, BTS.

Le rap est devenu quelque chose d’attirant et un outil important pour se faire entendre. Depuis 2012, l’émission Show Me The Money est diffusée sur l’une des plus grandes chaînes de Corée, où des rappeurs s’affrontent avec des freestyles cinglants. A la clef, 100 millions de wons (environ 75 000 euros), une voiture flambant neuve et un contrat chez l’un des juges permanents de l’émission. De grands noms du rap tels que Snoop Dogg, Swizz Beatz ou DJ Khaled y ont participé, en tant que juges. Une version féminine existe aussi sous le nom d’Unpretty Rapstar. Aujourd’hui, focus sur dix rappeurs qui font rayonner l’art du rap sud-coréen.

The Quiett

Souvent invité comme juge dans Show Me The Money, The Quiett a une grande carrière derrière lui. Son dernier album, Glow Forever, résonne comme une ode à la musique, avec un ton mélodieux et des titres travaillés, du début à la fin de l’opus. La transition entre les titres « glofo i » et « glofo ii » le démontre très bien. Ce dernier projet, plus cloud rap, est d’une douceur incomparable. Dès 2004, il fonde le label Soul Company, accompagné d’autres artistes. L’année d’après, son premier album est disponible et s’intitule très sobrement Music.

En 2010, il quitte Soul Company et monte un nouveau label en 2011 avec le rappeur Dok2. Celui-ci s’appellera Illionaire Records et deviendra une niche pour quelques uns des grands crus de Corée (Beenzino, Changmo…). Adepte du rap old school, nombreuses de ses chansons ont cette touche particulière, notamment dans son album Millionaire Poetry, paru en 2017 avec le titre « Still Got Luv », en featuring avec Keem Hyo-Eun. Dès 2013, le magazine de rap US XXL lui attribue une place dans son top des « 15 rappeurs coréens à connaître et qui ne sont pas PSY ».

Nafla

Originaire de Pasadena en Californie, Nick Choi ou Nafla, met à l’honneur le rap des années 90 dans ses textes et dans ses titres. Le single « WU » est un véritable hommage au Wu-Tang Clan avec de nombreuses références dans le clip, allant de « C.R.E.A.M » dès les premières secondes de la vidéo, jusqu’à la fin avec son salut à Ol’ Dirty Bastard disparu en 2004. Avec son rap acéré et ses paroles tranchantes, Nafla, qui se dit inspiré de Kendrick Lamar ou CB MASS, a su gagner sa place dans le monde surpeuplé du hip-hop coréen.

Vainqueur de la saison 7 de Show Me The Money en 2018, le californien de 27 ans a pu enfin voir sa carrière décoller. En effet, il est resté longtemps du côté underground de la musique avec le groupe 42, puis avec le groupe MKIT RAIN depuis 2016. Aux côtés de Loopy, Owen Ovadoz, Bloo et Young West, Nafla et ses amis apparaissent comme les sales gosses irrespectueux et sans limites de la scène sud-coréenne. Ils sont néanmoins parvenus à se faire un nom avec le single « WEATHERMEN ». Il est aussi intéressant de remarquer que Loopy, le compère de Nafla, est arrivé second dans la même édition de Show Me The Money. Nick quant à lui, avec son album Angels paru en 2017 a pu être validé par les férus de Hip-Hop.

Woo

Woo, est sûrement l’artiste le plus original et mystérieux de cette liste. Dans sa chanson « Cash » il évoque les troubles que l’argent peut causer et semble atteint de paranoïa, ce qui se ressent même au timbre de sa voix qui change plusieurs fois. Versatile, Woo a la capacité de s’adapter à de nombreux styles tout en gardant son propre univers qui semble assez unique sur la scène rap internationale actuelle. Il évoque des sujets tels que la dépression d’une manière toujours assez poignante qui transcende même la barrière de la langue (bien que beaucoup de ses chansons soient traduites).

Seulement âgé de 22 ans, lui aussi s’est essayé à l’émission Show Me The Money où il a atterri à la troisième place lors de la saison 6, sans avoir laissé personne indifférent. Signé sous le label de la superstar du R&B Jay Park, Woo a su toucher les auditeurs avec des sujets encore rarement abordés dans la musique coréenne ou dans le Rap en général. Son premier album af  auquel The Quiett a participé, est un sans faute. Il lui vaudra le titre d’artiste de l’année à la septième édition des Gaon Chart Music Awards.

Beenzino

Tout juste revenu de deux années de service militaire, Beenzino, en activité depuis 2009, a su conquérir son public avec des rythmes simples et accrocheurs. Il commence comme beaucoup, en postant sa musique sur internet. Très vite il se fait repérer par l’un des grands noms du hip-hop coréen, Simon Dominic. Ce dernier lui permet de poser sur des titres avec d’autres célèbres artistes comme Epik High ou Swings. Trois ans plus tard, en 2012, son premier EP 24:26 voit le jour. Il y aborde plusieurs thèmes comme les relations amoureuses ou son amour pour les fêtes. Ce premier projet permet de montrer sa technicité et son aisance à accélérer ou ralentir son flow de puissantes rimes.

En 2016, son album 12 fait un carton. Plus travaillé et plus mature, il permet d’affirmer sa place sur la scène rap. Dans des chansons comme « Dali, Van, Picasso » (d’abord disponible sous forme de single en 2013) il réussit à créer de nouvelles phases sans tomber dans un egotrip trop caricatural. Cette chanson lui vaudra une récompense aux Hip Hop Playa Awards de 2013. Il sait aussi bien s’entourer, puisqu’il sera en featuring avec Epik High, Verbal Jint, Bobby, Mino et B.I sur le carton « Born Hater ».

Jvcki Wai

Avec un style s’apparentant à celui des rues d’Harajuku au Japon, Jvcki Wai est une rappeuse débordante d’énergie. Avec son usage presque constant de l’autotune (cependant très bien maîtrisé), Jvcki réussit à capter les nouveautés du rap actuel et à les inclure avec brio dans sa musique. Que ce soit avec ses ad-libs parfaitement positionnés ou ses bons choix de productions, Jvcki trace sa propre route. Elle aussi a le mérite de ne pas avoir de véritable concurrent, dans le sens où elle est parvenue à rester dans son propre univers. Dans les chansons où elle apparaît en featuring, elle arrive à mélanger avec succès son rap à la touche psychédélique.

Dans son EP Neo EvE, Jvcki Wai reste constante et ne trahit pas son côté marginal, sans pour autant tomber dans quelque chose de redondant. Dans le titre « To Lordfxxer », elle raconte son enfance traumatisante dans une famille aveuglée par la religion, où elle était battue et victime des abus et attouchements sexuels de son oncle. Son ton grave et sa voix cinglante donnent des frissons et on se sent lourdement désolé pour cette petite fille privée d’enfance. Heureusement, aujourd’hui elle peut être fière de sa carrière de rappeuse. Récemment, la chanson « Work Out » (aux allures d’un titre de Migos), où elle est accompagnée de Kid Milli, Young B, NO:EL et Swings qui sont tous dans le même label Indigo Music, a cumulé plus de 13 millions de vues sur YouTube.

CL

CL, la seule rappeuse-idol de la liste, n’est plus à présenter en Corée du Sud. Ancienne leader d’un des plus grands groupes de K-Pop, 2NE1, CL a su se démarquer sans passer par aucune émission. A la fois chanteuse et rappeuse, CL est une habituée des rythmes entraînants sur lesquels il est facile de se déhancher. Pour son clip « Hello Bitches », elle fait appel à l’une des plus grandes chorégraphes du monde, Parris Goebel, qui est même derrière la caméra pour ce clip. La vidéo a entraîné plus de 45 millions de vues sur youtube.

Connue à l’international, CL a performé avec les Black Eyed Peas plusieurs fois, a participé à une chanson avec Diplo et Skrillex et a même invité le grand Method Man pour le clip de « Lifted ». Elle a aussi posé sur le titre « Doctor Pepper » en compagnie de Diplo, Riff Raff et OG Maco. Cependant, elle n’a jamais sorti d’album solo.

EPIK HIGH

Epik High incarne le deuxième grand nom, et le premier groupe de la liste. Ils ont une place irréfutable dans le Hip-Hop coréen et sont considérés comme l’un des meilleurs (si ce n’est le meilleur) groupe de Hip-Hop en Corée. Composé de trois membres : Tablo (leader), Mithra Jin et DJ Tukutz, ils font partie des premiers à avoir affronté l’adversité du milieu de la musique dans leur pays. Débutant leur carrière en 2003, ils font face à des débuts difficiles, avec un manque de notoriété. Ils commencent à se faire connaître en 2004 avec leur sophomore album High Society, mais atteignent un réel succès seulement en 2007 lors de la sortie de l’opus Swan Songs dont la chanson « Fly » sera utilisée dans le jeu Fifa 07.

Epik High a marqué le rap coréen et a inspiré plus de la moitié des rappeurs de la nouvelle génération. En 2007, ils ont eu quelques problèmes à la sortie de leur album Remapping the Human Soul qui contenait des paroles à propos de sexe ou de drogue. A cause de cela, nombreux de leurs titres sont bannis de la télévision ou de la radio et leur réputation auprès du public mainstream est entachée. Cependant, leur succès ne s’arrêtera pas là puisqu’en 2009, lors de la sortie de Map of the Soul, ils deviennent des légendes pour tous les fans de rap. Leur dernier album, sleepless in _________ leur a fait valoir la tête des charts coréens. Ils ont joué à guichets fermés au Yoyo à Paris le 17 mars 2019.

DPR LIVE

DPR Live est l’un des rappeurs les plus prometteurs de la nouvelle génération sud-coréenne. Entouré de son crew DPR, Dream Perfect Regime (DPR +Ian, DPR Cream, DPR Rem) il a su se fondre dans des visuels très esthétiques et un rap aux allures R&B. Il rencontre le succès dès la sortie de son premier EP Coming To You Live en 2017. Assez court mais efficace, ce projet lui permet d’afficher sa direction artistique et d’exposer son talent de rappeur.

En 2018, il gagne le Korean Hip Hop Award du Rookie of the Year. En 2019, il présente un live COLORS qui est plutôt bien reçu. En 2016, il participait au hit « Eung Freestyle » qui rassemblait de nombreux autres rappeurs coréens prometteurs (Sik-K, Punchnello, Owen Ovadoz, Flowsik) et signe l’arrivée du nouvel âge du hip hop pour le pays. La vidéo a plus de 38 millions de vues sur YouTube. Il s’est produit sur la scène de la Bellevilloise à Paris, le 9 novembre 2018.

Sik-K

Sik-K, du haut de ses vingt cinq ans, a su se créer une fanbase solide au fil des années. En 2015, le jeune homme a participé à la saison 2 de Show Me The Money, hélas, sans réellement briller. Il a malgré tout su remonter la pente assez rapidement. Dès 2017, il est signé sous le second label géré par Jay Park, H1ghr Music. Son premier EP, FLIP (2016), avait été acclamé par la critique. Des singles comme « Rendezvous », « Zero Fucks is Given » ou « Habibi » avaient la qualité d’être des produits assez rares sur le marché coréen. Traitant souvent de sujets comme les relations amoureuses ou la gloire, le jeune rappeur a su captiver les oreilles du public avec une nonchalance assez élégante.

Ces titres lui ont apporté une fanbase assez importante. Il a su étendre son audience avec des albums toujours assez travaillés et agréables à l’écoute. Cependant, ses albums TRAPART (2018) et FL1P (2019) sont ceux qui lui ont valu une véritable reconnaissance à l’étranger. En mars dernier, lors de sa tournée européenne, Sik-K a rempli le Trabendo avec deux dates le 17 et le 18 décembre, suite à la forte demande des fans.

Autres rappeurs coréens à suivre : Punchnello, Keem Hyo Eun, G2, Dumfoundead.

Cet article est une contribution libre de Marly Barry que nous avons choisi de publier. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.