Comment de ne pas citer le fameux Section.80 de Kendrick Lamar quand on évoque l’année 2011 ? Véritables fondations d’une discographie qui verra le rappeur de Compton devenir une superstar mondiale, cet album restera toujours un emblème important de cette année. Dans une catégorie plus confidentielle mais pas moins intéressante, les duo The Doppelgangaz et Shabazz Palaces sortiront également leur premier album officiel avec un accueil tout aussi enthousiasmant. Repoussé pendant des années, Saigon pourra lui enfin sortir son projet The Greatest Story Never Told tandis que l’opus LA Riot de THURZ fera figure de surprise inattendue mais bienvenue.
Événement parmi les événements, le projet en commun de Jay-Z et Kanye West attirera bien évidemment toute la lumière avec un hit qui fera honneur à notre chère capitale française. 2011 sera aussi l’occasion de retrouver une vielle connaissance, adulée notamment sur la côte Ouest, avec une nouvelle sortie du producteur et rappeur DJ Quik. Et pour finir, le milieu underground se démarquera avec trois parutions choques parmi lesquelles figurent les débuts d’Evidence sur le label Rhymesayers, ainsi que les albums de Reks et du trio Random Axe (composé de Black Milk, Guilty Simpson et du regretté Sean Price).
Sortie : 15 février 2001
Signé en 2004 sur Atlantic Records, c’est finalement sur le label indépendant Suburban Noize que sort sept ans plus tard le premier album The Greatest Story Never Told de Saigon. Jamais un album n’aura donc aussi bien porté son nom… Heureusement, le résultat est à la hauteur de la très longue attente avec un projet produit quasi-intégralement par Just Blaze. L’association du rappeur et du producteur est une combinaison gagnante avec très peu d’égarements artistiques à noter, les deux artistes se contentant de rester dans ce qu’ils savent si bien faire. De son entourage sur « Enemies » et « Friends » à ses relations amoureuses sur « Give It To Me » et « What The Lovers Do », Saigon fait étalage de toute sa personnalité sur des morceaux travaillés à l’écoute facile. Même constat sur ces story-telling « Better Way » et « The Greatest Story Never Told » où l’artiste prouve une nouvelle fois qu’il est l’un des meilleurs dans cette catégorie. Une grande sortie dont même les quelques longueurs de la tracklist (79 minutes) ne suffisent pas à déstabiliser le ressenti général.
Sortie : 8 mars 2011
Il en a fallu du temps à Reks pour enfin émerger. Si sa première sortie Along Came The Chosen en 2001 lui offre un succès local certain à Boston, il faut attendre 2008 avec Grey Hairs pour qu’un public plus large se penche sur ce MC talentueux du Massachusetts. Profitant ensuite d’un excellent buzz dans la scène underground, le rappeur ne va pas faire les choses à moitié avec son prochain album R.E.K.S. (pour Rhythmatic Eternal King Supreme). En effet, cet opus va compiler un casting complètement dingue de beatmakers avec, tenez-vous bien, DJ Premier, Alchemist, Nottz, Pete Rock, Statik Selektah, Hi-Tek, Lil Fame, Sean C & LV et Sha Money XL. Des grosses pointures derrières les manettes qui assurent à Reks des productions marquantes que ce dernier va s’empresser d’exploiter intelligemment. Parmi les moments forts, on peut citer les « 25th Hour », « Face Off », « The Wonder Years » ainsi que ce « Kill Em » dans lequel le rappeur décide de rendre hommage à ses MCs préférés d’une drôle de façon, en les assassinant…
Sortie : 19 avril 2011
Après deux parenthèses, l’une aux côtés d’AMG (pour leur duo The Fixxers) et l’autre avec Kurupt sur l’excellent projet BlaQKout, DJ Quik sort donc enfin en 2011 son 8ème album solo. Une sortie très attendue, 20 ans après ses débuts mythiques sur Quik Is The Name, qui va au final tenir toutes ses promesses. Entouré impeccablement par David Foreman (basse/guitare) sur chaque production, le beatmaker de Compton fait exactement ce qui était attendu et espéré. C’est-à-dire, du Quik ! La recette ne change pas, les programmations de drums sont toujours aussi percutantes et l’univers sonore évidemment très funky. Du morceau d’ouverture « Fire and Brimstone » au 9ème volume de la série Quik’s Groove en hide track, la magie fonctionne une nouvelle fois avec ce qu’il faut de nouveautés pour être surpris ici et là. « Ghetto Rendez-vous », « Killer Dope », « Poppin » (feat. BlaKKazz K.K.) et « Hydromatic » (feat. Jon B et Gift) sont les incarnations parfaites de ce très bon cru qui a la particularité de vraiment très bien vieillir.
Sortie : 14 juin 2011
Dans la lignée de son album Album Of The Year paru l’année précédente, le beatmaker et rappeur Black Milk continue sur sa bonne lancée avec le projet Random Axe. Une collaboration prometteuse avec Sean Price et Guilty Simpson, deux MCs charismatiques qui incarnent parfaitement les scènes underground de New-York et Detroit. Auteur de quatre couplets, ainsi que quelques refrains, Black Milk est surtout le chef d’orchestre sonore d’une œuvre créée pour les deux puncheurs. Cependant, c’est bien en trio que les trois artistes signent les meilleurs moments avec notamment le banger « Random Call » et le très fantomatique « Everybody Nobody Somebody ». Quand Black Milk n’est pas de la partie au micro, il est secondé par des invités de marque comme Roc Marciano sur « Chewbacca » ou Danny Brown sur un « Jahphy Joe » aux accents très westcoast. En solo, Guilty et Sean P font parler leurs punchlines, respectivement sur « 4 In The Box » et « The Karate Kid ». Ce dernier à qui on laissera le mot de la fin avec ce passage qui résume bien ce projet : « This’ll never be mainstream / It make you sell crack, busts gats and blaze green ».
Sortie : 28 juin 2011
« Si les Bédouins élevaient des ‘beats’ à Seattle en lieu et place de chèvres dans les Montagnes de l’Atlas, ceci serait leur album ». Voici comment le label Sub Pop s’amusait à décrire ce projet du duo Shabazz Palaces lors de sa sortie. Composé du rappeur Palaceer Lazaro (ex-membre du groupe Digable Planets) et du musicien à tout faire Baba Maraire, l’album Black Up est une œuvre totalement inclassable qui mélange avec succès électro et instruments africains traditionnels. Produit avec le compositeur Erik Blood, les trois artistes nous offrent une virée sonore avant-gardiste et cinématographique qui va puiser ses racines dans l’afrofuturisme. Un courant abordé clairement dans l’hymne à la résistance « Swerve…The Reeping Of All That Is Worthwhile (Noir Not Withstanding) » aux côtés du duo féminin THEESatisfaction, uniques invitées de ce projet aux titres à rallonge. Les productions sont à la fois minimalistes et recherchées comme sur ce brillant « The King’s New Clothes Were Made By His Own Hands » qui aborde avec un flow rétro l’obsession qui caractérise beaucoup de beatmaker. Samples mystérieux, percussions au groove expérimental, changements incessants de tempo et egotrips psychédéliques forment un voyage attrayant et didactique qui mérite vraiment de s’y plonger totalement.
Sortie : 28 juin 2011
Déjà dans les radars de pas mal de fans de l’underground, Lone Sharks va permettre au duo The Doppelgangaz (composé de Matter Ov Fact et EP) d’élargir encore un peu plus leur public. Les deux artistes, qui ne quittent jamais leurs capes noires, s’offrent un premier album officiel entraînant qui frôle même le sans-faute. Dans une ambiance boom-bap traditionnel avec des accents jazzy, les productions maisons sont un mélange pertinent qui va puiser ses racines dans l’héritage de beatmakers comme Buckwild et Kev Brown. Un univers plutôt sombre dans lequel ils n’hésitent pas à manier subtilement l’humour pour aborder des sujets sensibles. Jamais les derniers pour se moquer d’eux-mêmes, MOF et EP se rendent attachant en plus de convaincre aussi bien au micro qu’à la production. Porté par des morceaux comme « Nexium », « Doppel Gospel » ou encore « Rap $ Unemployment », Lone Sharks lance parfaitement le duo dans la décennie des années 2010 dont ils seront des représentants emblématiques avec une suite de discographie très intéressante.
Sortie : 2 juillet 2011
C’est avec l’étiquette ‘nouveau protégé de Dr. Dre’ que Kendrick Lamar sort en 2011 son tant attendu nouveau projet. Bientôt signé officiellement sur le label de Dre, c’est pourtant en total indépendance que sort cet album sans aucune implication directe du Doc de Compton. Une oeuvre TDE de bout en bout donc, produit principalement par l’équipe de beatmakers Digi+Phonics composé de Sounwave, Tae Beast, Willie B et Dave Free. Un opus qui se détache du précédent Overly Dedicated et commence déjà à préparer le terrain pour la grande histoire à venir que sera good kid, mA.A.d city. Du morceau d’ouverture « Fuck Your Ethnicity » au « HiiiPower » refermant ce projet, le talent de Kendrick est une pure évidence et la suite de sa carrière n’en sera que la confirmation logique. Les titres références « A.D.H.D », « Rigamortis » et « The Spiteful Chant » (retiré sans explication des services de streaming l’année dernière) ont installé de nouveaux standards pour le MC. Encore aujourd’hui, Section.80 reste un passage obligé et nostalgique dans la discographie de Kendrick.
Sortie : 8 août 2011
Si à la sortie de ce projet Jay-Z est toujours installé confortablement sur le trône du rap game, les 5 albums de Kanye West parus entre 2004 et 2010 ont aménagé au rappeur de Chicago une place privilégiée à côté de celui qu’il considère à l’époque comme son big brother. Espéré et attendu, Watch The Throne a tout de l’événement lors de sa sortie, notamment après la découverte du single « Otis » samplant magistralement le « Try a Little Tenderness » d’Otis Redding. Un morceau qui tranche totalement avec le premier titre leaké « H.A.M. » mais aussi le désormais culte « Niggas In Paris » joué jusqu’à 12 fois de suite en concert à Paris. De Lex Luger à Hit-Boy, en passant par Swizz Beatz, les Neptunes, Q-Tip et RZA, les beats de ce projet sont très éclectiques avec comme seul fil conducteur le duo Kanye West et Mike Dean. Quelque fois relégués au second plan de productions imposantes et parfois surjouées, Jigga et Ye assurent quand même le show sans pour autant nous faire revivre les meilleurs moments de leurs discographies respectives. Du grand divertissement à gros budget, à prendre tel quel.
Sortie : 9 août 2011
L’aventure terminée au sein du duo U-N-I, c’est donc en solo que THUZ décide de continuer sa carrière. Pour son premier album, il décide de nous replonger dans l’univers des émeutes de Los Angeles à travers un projet concept intitulé L.A. Riot. Vingt ans après le passage à tabac de Rodney King par les forces de l’ordre de la Cité des Anges, le morceau « Rodney King » retrace cette soirée tragique. Un titre entouré par les deux explosifs « Molotov Cocktail » et « Fuck The Police » qui décrivent la rage apparue dans les rues de Los Angeles suite à l’acquittement des quatre officiers de police blancs… De « Two Clips » à « The Killers », le rappeur revient également sur les tumultueuses relations entre les crips et les blood, ainsi que ces guerres de religion qui ne cessent de diviser et surtout de tuer. Un opus au final réalisé intelligemment avec l’aide de seulement 4 producteurs (Aaron Harris, Ro Blvd, DJ Khalil et THX) et travaillé aussi bien sur le fond que sur la forme avec une documentation importante, comme ces petits passages d’interviews réalisés spécialement et disséminé dans tout l’album.
Sortie : 27 septembre 2011
Que ce soit avec son groupe Dilated Peoples ou en solo, Evidence s’est construit dans les années 2000 une solide réputation. Son premier projet personnel The Weatherman LP n’était qu’une confirmation et Cats & Dogs en est la véritable consécration. Toujours bien entouré dans ses sorties, cet album ne déroge pas à la règle avec une nouvelle fois l’omniprésence dans les crédits de son fidèle ami Alchemist. Une alchimie certaine qui se conjugue de différentes manières, que ce soit à la production de 6 morceaux, une apparition au mic sur « James Hendrix » (avec leur duo Step Brothers) ou en tant que producteur exécutif de ce projet. Cohérent du début à la fin, EV s’efforce à mettre en avant son propre style basé sur un timbre de voix et un flow hypnotique. Marqué par trois trios hors normes avec les titres « The Red Carpet » (feat. Raekwon & Ras Kass), « Fame » (feat. Roc Marciano & Prodigy) et « Late for the Sky » (feat. Slug & Aesop Rock), le rappeur de Venice fait aussi la différence en solo sur des bangers comme « Strangers », « It Wasn’t Me » et bien évidemment l’inoubliable « You » produit par l’infatigable DJ Premier.
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