Si le beef médiatique entre Jay-Z et Nas, à l’origine de deux sorties majeures de leurs discographies, a marqué à jamais l’actualité de 2001, cette année nous a également offert d’autres projets retentissants. Après plusieurs reports, J-Live a enfin pu sortir son tant attendu premier album, tandis que les duos CunninLynguists et Cannibal Ox se sont imposés brillamment comme les grandes révélations de cette année.
On en rêvait et ils l’ont fait, le collectif Dungeon Family, emmené notamment par Outkast et Goodie Mob, a trouvé le temps enfin de nous livrer un album mémorable, tout comme ce second essai du brillant trio Californien Dilated Peoples. Dans une autre catégorie, Ludacris et Busta Rhymes ont consolidé leurs réputations, leurs ventes d’albums et leurs présences en radio avec des projets très ancrés dans le nouveau millénaire. Et pour finir, Masta Ace s’est distingué d’une jolie façon avec un come-back aussi symbolique qu’innovant à travers un album concept.
Sortie : 1er mai 2001
Repoussé à plusieurs reprises, c’est finalement en 2001 que sort enfin ce premier album de J-Live bouclé pourtant à la fin de l’année 1998. Peut-être un mal pour un bien, tellement ce projet est un souvenir raffiné de ces années 90 si précieuses pour l’histoire du hip-hop. Décorréler donc d’un nouveau millénaire en pleine évolutions sonores, le style old school de J-Live trouve une certaine résonance sur un public perdu parmi toutes ces nouveautés. Produit par 88-Keys, DJ Spinna, Grap Luva, Chris Catalyst, David Kennedy et Emmai Alaquiva, ce LP peut également compter sur des participations des légendaires DJ Premier, Pete Rock et Prince Paul. La vivacité et la précision de J-Live au micro suffisent à porter la plupart des morceaux avec un casting de productions d’une rare efficacité. Le titre « Them That’s Not » en est l’étendard avec un MC inspiré qui court après un beat au tempo changeant. Une virtuosité qu’on retrouve aussi sur des références comme « Yes! », « Wax Paper », « Get the Third », « R.A.G.E. » et « Braggin’ Writes ».
Sortie : 15 mai 2001
Avant d’être le premier album du duo Cannibal Ox, ce projet est aussi la première sortie long format du label Definitive Jux. Une structure musicale indépendante créé par El-P à la fin des années 90 et qui après deux EPs décide de se lancer avec ce fameux opus The Cold Vein. Produit intégralement par El-P, les deux rappeurs Vast Aire et Vordul Mega profitent d’un paysage sonore idéal et ambitieux pour nous conter leurs différentes histoires, avec comme point de départ de la tracklist ce fameux titre « Iron Galaxy ». Un univers bien distinct caractérisé par des performances comme « Straight Off The D.I.C. », « Vein », « Stress Rap » et le sublime « Pigeon » qu’on doit aussi bien à la qualité des MCs de Harlem qu’à celle de son génial producteur. Avec cet album, on assiste à un résumé à la fois concret et impalpable des fondamentaux apparus dans les années 90, le tout à la sauce Can Ox et El-P. Une œuvre tout simplement géniale qui n’a pas pris une ride aujourd’hui.
Sortie : 11 septembre 2001
Rivaux de longue date pour l’obtention du trône de New-York, Jay-Z décide de transformer sa compétition avec Nas en une altercation verbale de grande ampleur. Les quelques provocations indirectes se mutent donc désormais en diss tracks pour l’un des beefs les plus important du rap game. Derrière ce show médiatique, le rappeur de Brooklyn en profite pour nous livrer un album magistral en s’appuyant sur un trio grandiose de producteurs (Kanye West, Bink et Just Blaze). Tout ce qui est superflu est gommé pour laisser place à un projet très personnel qui frôle le sans-faute. De l’introduction mythique « The Ruler’s Back » aux bonus tracks, avec notamment « Breath Easy (Lyrical Exercise) », Jigga est au sommet de son art et semble tout maîtriser parfaitement avec un seul et unique invité sur cet album, Eminem sur le fameux « Renegade ». Les singles sont entêtants (« Izzo », « Girls, Girls, Girls », « Jigga That Nigga »), l’attaque en règle est brutale (« Takeover »), les samples de soul sont magiques (« Heart of the City », « Never Change ») et le charisme dégouline (« U Don’t Know », « Hola’ Hovito »). Bref, le point culminant de la carrière de Jay-Z.
Sortie : 16 octobre 2001
Très discret, voire effacé, après le succès de son précédent projet Sittin’ on Chrome, c’est seulement au début des années 2000 que le rappeur de Brooklyn fait son come-back avec un tout nouvel album. Disposable Arts est présenté comme un projet concept ambitieux de la part d’un Masta Ace en quête de renaissance artistique. Se servant d’une histoire aussi fictive que satirique, l’ancien du Juice Crew en profite pour nous parler de sa vision du monde, de sa vie et surtout de la nouvelle trajectoire empruntée par le hip-hop. Entouré par une bande convaincante qui participe pleinement à cette mise en scène théâtrale, le MC se retrouve donc embarqué dans des storytelling haletantes qui le relie à cette fameuse IDA (Institute for Disposable Arts). Les morceaux « Acknowledge » et « Take a Walk » (avec Apocalypse) sont les meilleurs ambassadeurs de cet album, tout comme cette fin « Dear Diary » et « No Regrets », qui referme parfaitement cette œuvre. Un superbe documentaire de quasiment 2h, paru en 2013 lors d’une réédition CD/DVD, retrace de la plus belle des façons la genèse de ce projet particulier avec la plupart des différents intervenants. A écouter et donc à voir également !
Sortie : 23 octobre 2001
Ce groupe, en plus du talent évident, c’est l’énergie et la science de la rime d’Evidence et Rakaa et la musicalité insufflée par DJ Babu. Expansion Team est l’album de la bascule, le point d’équilibre entre le noviciat et la maturité, le nouveau matin qui apporte succès et reconnaissance. En 16 titres dont deux singles inoubliables qui ouvrent le projet (« Live on Stage » et « Worst Comes to Worst »), le trio Dilated People signe un projet qui montre de la Californie d’autres ambiances et d’autres influences que le G-Funk ou le Gansgta Rap popularisés par Death Row Records et des personnages comme Dr. Dre, Snoop Dogg ou Eazy E. Un nouveau pin sur la carte du hip-hop de Los Angeles. Et il est en or celui-là.
Sortie : 30 octobre 2001
En sortant Will Rap for Food en octobre 2001, CunninLynguists – groupe d’Atlanta jusqu’ici inconnu – porte sa science du boom-bap et de la rime à un niveau qui en a bluffé plus d’un. Au fil des 18 titres qui constituent cet opus, Kno et Deacon The Villain déploient une écriture d’une finesse remarquable faite de textes à double sens et de jeux de mots inspirés. Le tout sur un lit de beats qui signent et accompagnent parfaitement la dynamique d’un premier projet quasi parfait. L’un des albums qui composent le Panthéon du boom-bap voire un hall-of-famer en puissance.
Sortie : 20 novembre 2001
Longtemps connu comme le lieu où toute cette joyeuse bande avait l’habitude de créer, rien de plus logique que le fameux dungeon donne son nom au collectif Dungeon Family. Une nébuleuse musicale composée des groupes Outkast, Goodie Mob et Organized Noise auquel se greffent, entre autres, des artistes comme Mr. DJ, Big Rube, Killer Mike, Witchdoctor, Joi et Backbone. Une grande famille qui nous invite sur cet album à un voyage que l’on sait déjà agréable à bord de leur Trans DF Express (en référence bien évidemment au single du même nom). Les voix d’Andre 3000 et Cee-Lo Green se mélangent à d’autres, peut-être un peu moins charismatiques, mais toutes aussi pertinentes dans cet univers distinctif qu’ils ont créé tous ensemble de A à Z. Difficile de rester immobile à l’écoute de ce disque avec ce groove lancinant à consommer sans aucune modération. Les morceaux « Follow The Light », « 6 Minutes (Dungeon Family It’s On) », « Trans DF Express », « Crooked Booty » et « Rollin’ » sont des bijoux intemporels qui visiblement ne vieillirons jamais. Un testament sonore idéal de la part de la DF !
Sortie : 27 novembre 2001
Après une première sortie Back for the First Time sur Def Jam, qui au final regroupait quasiment tous les titres de son premier essai Incognegro paru en 1999, Ludacris sort donc avec Word of Mouf un véritable second album très attendu. Certifié triple platine, son précédent projet avait déjà placé la barre très haute et pourtant son successeur va réussir l’exploit de faire mieux pour devenir son LP le plus populaire. Propulsé par un « Area Code » à l’efficacité légendaire (au refrain Nate Dogg), Luda va étaler toute sa personnalité pendant les 79 minutes qui composent ce CD. Bien servi par d’autres singles énergiques, comment ne pas se déhancher sur les « Move Bitch », « Saturday (Oooh! Ooooh!) » et « Rollout (My Business) » produits respectivement par les poids lourds KLC (Beats by the Pound), Organized Noize et Timbaland. Capable de passer du très léger « Coming 2 America » au beaucoup plus sérieux « Cold Outside », c’est peut-être ce qui fait le charme d’un Ludacris capable d’évoluer dans des univers très différents tout en restant convainquant. Un album sous forme de confirmation évidente qui par la même occasion sera une piste de lancement parfaite pour le producteur Bangladesh.
Sortie : 27 novembre 2001
5ème album solo en seulement 6 ans pour un Busta Rhymes hyperactif qu’on arrête plus depuis ses débuts au sein du groupe Leaders of the New School au tout début des années 90. Sans grande révolution, ce Genesis affiche pourtant quelques changements importants dans le style sonore sélectionné, beaucoup plus synthétique et avec moins de samples poussiéreux. Pour le casting des producteurs, on note l’absence remarquée de DJ Scratch au profit de superstars comme Dr. Dre et The Neptunes qu’on retrouve donc aux côtés des habituels Nottz, Just Blaze et J Dilla déjà aperçu sur les sorties précédentes. Si cet album n’est pas le plus complet de Bus-A-Bus, il possède cependant des titres qui ont marqué à jamais sa carrière, que ce soit en radio (« Break Ya Neck », « Pass the Courvoisier Part II », « What It Is ») ou dans une catégorie plus personnelle (« Genesis », « Truck Volume », « You Ain’t Fuckin’ Wit Me », « Bad Dreams »). Au final, pour son premier projet sur J Records, les intentions de Busta et de son nouvel label étaient très claires et ont plutôt bien fonctionné dans ces années 2000 en pleine mutation.
Sortie : 18 décembre 2001
Défié quelques mois plus tôt par Jay-Z et son déjà classic The Blueprint, le rappeur du Queens se retrouve dos au mur au moment de sortir son cinquième album solo. Attendu donc au tournant avec un projet dont le titre laisse sous-entendre un retour aux sources, Nas répond finalement présent et profite même de l’occasion pour relancer d’une certaine façon sa carrière au début de ces années 2000. Les singles « Got Ur Self A Gun » et la magnifique montée crescendo du fameux « One Mic » ont marqué à jamais toute une génération d’auditeurs, tout comme ces retrouvailles avec Large Professor sur le prenant « You’re Da Man » ou l’inventif « Rewind » (dont la storry telling est racontée en partant de la fin). Les présences de AZ sur « The Flyest » et DJ Premier à la production du « 2nd Childhood » sont également très appréciables, même s’il faut bien avouer que l’on n’atteint pas pour autant les sommets de leurs précédentes collaborations. Esco profite aussi de ce projet pour régler quelques comptes, que ce soit bien évidemment avec Jigga et sa troupe sur « Ether » ou avec quelques rappeurs bien connus de Queensbridge dans ce « Destroy & Rebuild ». Finalement, bousculé de toute part, la réaction de Nas fut à la hauteur avec un Stillmatic très convaincant.
Article réalisé avec la participation de Clément Nadjo (Dilated Peoples, CunninLynguists).
Au programme de cette semaine de sorties, J. Cole nous dévoile 8 titres inédits pour…
Tracklist de la semaine Titre Artiste(s) Album "Thank You" Snoop Dogg, Dr. Dre Missionary "ROTHER"…
Les OG’s sont de sorties cette semaine : A commencer par la collaboration entre Snoop Dogg…
Tracklist de la semaine Titre Artiste(s) Album "Maybe In Nirvana" Smino Maybe In Nirvana "Benjamin…
Le Marseillais dévoile sa première mixtape "Baked", laquelle réunit entre autres La Fève, Tiakola, Steban,…
La fin d’année approche à grands pas et nous réserve encore quelques belles surprises pour…