10 albums Rap US qui fêtent leurs 30 ans en 2020
C’est peu dire que les années 90 auront marqué la culture Hip Hop, avec tout simplement la plus grande décennie que ce style musical ait connu à ce jour. L’année 1990 donnera finalement le ton pour les suivantes avec notamment ces 10 albums marquants que nous vous avons sélectionné de cette période.
Nous y voilà, dans les années 90, avec la première des dix années exceptionnelles que vivra le Hip Hop dans cette décennie. En 10 ans, ce style connaîtra une ascension spectaculaire qui hissera définitivement ce genre tout en haut des charts. Des nouveaux standards s’installeront et la palette sonore s’élargira une nouvelle fois, offrant au passage de nouvelles perspectives inattendues. Plus important encore, la domination sans partage de la scène new-yorkaise sera sérieusement remise en question.
Dans la lignée du succès du groupe N.W.A., la West Coast connaîtra une véritable période dorée et attirera tous les regards. J’ai vraiment dû me retenir pour ne pas mettre plus de 4 albums de cette région dans cette sélection. Vous y retrouverez donc les premiers projets de Ice Cube, du groupe Above The Law et de Paris. Ce dernier incarnera avec Too $hort, présent aussi dans cette liste, la scène trépidante de la Bay Area qui malheureusement restera souvent dans l’ombre de celle de Los Angeles. Dans cette même zone, j’aurais pu citer également le collectif d’Oakland Digital Underground qui fera ses grands débuts en 1990 avec Sex Packets avant de donner sa première chance à un certain Tupac.
Du côté de Compton, on notera également les sorties du projet At Your Own Risk de la référence au mic King Tee, le It’s A Compton Thang du Compton’s Most Wanted de MC Eiht et le To Hell And Black du groupe CPO. Si le dernier crew cité ne fera pas long feu avec un seul et unique album, il y a un autre groupe peu connu du grand public, Boo Yaa Tribe, qui sortira aussi cette année leur premier essai. Avec New Funky Nation, les frères de Carson originaires des îles Samoa lanceront une discographie plus qu’intéressante qui mérite vraiment (vraiment) le détour.
La concurrence East Coast vs West Coast
Du côté de Big Apple, la compétition fait toujours rage et les Public Enemy, Eric B & Rakim, LL Cool J et autres Kool G Rap ne se laisseront pas détrôner aussi facilement. Ils sortiront en 1990 des albums piliers de leurs discographies respectives et peut être même ce qu’ils ont fait de plus complet. D’où leurs présences obligatoires dans cette sélection, tout comme les deux groupes mythiques que sont A Tribe Called Quest et Brand Nubian avec un retour aux sources axé sur l’héritage de l’Afrique.
En 1990, à NYC et ses environs, on pourra noter également les premiers LP d’artistes comme Lord Finesse & DJ Mike Smooth (Funky Technician), Intelligent Hoodlum (qui sortira un projet éponyme et sera connu plus tard comme Tragedy Khadafi), Grand Daddy I.U. (Smooth Assassin), Master Ace (Take A Look Around), X Clan (To The East, Blackwards), Poor Righteous Teachers (Holy Intellect) ou K-Solo (Tell The World My Name) par exemple. Et pendant ce temps-là, le South commencera à faire de plus en plus de bruit avec le groupe Geto Boys, notamment, et le provocant 2 Live Crew de Luke dont l’album Banned in the USA sera cette année le premier à arborer ce fameux sticker noir et blanc « Parental Advisory: Explicit Lyrics ».
Si vous connaissez désormais les 10 artistes/groupes que nous vous avons sélectionné, il est temps maintenant de vous présenter un peu plus en détails les 10 albums en question.
Above The Law – Livin Like Hustlers
Sortie : 20 février 1990
Pour plusieurs raisons ce premier album du groupe Above The Law sera un projet pionnier pour la scène West Coast. Cold 187um, KMG the Illustrator (décédé en 2012), Go Mack et DJ Total K-Oss emprunteront la voie ouverte par N.W.A. mais ne se contenteront pas d’une pale imitation du crew de Compton. Dans la lignée des sorties Gangsta Rap de cette époque, ce LP paru sur Ruthless Records sera aussi la rencontre déterminante entre Dr. Dre et Cold 187um. Les deux producteurs confronteront leurs idées pour aboutir à une identité sonore novatrice qui laissera entrevoir déjà les fondations du style G-Funk, à l’image des titres « Murder Rap », « Menace To Society » et « The Last Song ». Contrairement à N.W.A dont la discographie s’arrêtera finalement assez vite, le groupe de South Central sortira 5 autres albums dans les années 90 qui consolideront un peu plus leur légende.
A Tribe Called Quest – People’s Instinctive Travels And the Paths Of Rhythm
Sortie : 10 avril 1990
Qui mieux que le groupe A Tribe Called Quest pour incarner cette année 90 ? Le crew composé de Q-Tip, Phife Dawg, Ali Shaheed Muhammad et Jarobi White viendra apporter une nouvelle page au mouvement et collectif Native Tongues après les succès de De La Soul et Jungle Brothers. On y découvrira un Q-Tip âgé de seulement 20 ans qui éclairera littéralement ce projet de son talent. Principal MC de cet œuvre, il signera avec « Luck of Lucien » un titre particulier en hommage à Lucien Revolucien (dit Papalu), un frenchie parti à New York découvrir la culture Hip Hop. Une Marseillaise en introduction, un sample du « Forty Days » de Billy Brooks et des rimes en « -ou » dans le deuxième couplet, rendront ce morceau mythique pour nous Français. Tandis que les trois singles « Bonita Applebum », « I Left My Wallet in El Segundo » et le fameux « Can I Kick It? » révolutionneront le genre et donneront à ATCQ ses lettres de noblesse pour toujours. Monumental !
Public Enemy – Fear Of A Black Planet
Sortie : 10 avril 1990
Avec leur précédent album It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back, le groupe Public Enemy a tutoyé les sommets et signé certainement ce qui restera comme l’un des meilleurs LP des années 80, si ce n’est le meilleur (et c’est mon avis). Difficile de faire mieux, et l’intelligence de la bande sera finalement de faire différent sur ce projet suivant. Le crew apportera une certaine évolution à leur recette tout en gardant leurs principes fondateurs. Peut-être moins facile à aborder que son prédécesseur, Fear Of A Black Planet sera une nouvelle salve revendicative avec une esthétique sonore recherchée où se mélangera une multitude de samples venant d’univers complètement différents. Encore plus engagé, ce LP deviendra une nouvelle référence dans leur catalogue incarné par des morceaux comme « 911 Is A Joke » de Flavor Fav, « Welcome To The Terrordome » de Chuck D ou cette collaboration « Burn Hollywood Burn » avec Ice Cube et Big Daddy Kane.
Ice Cube – AmeriKKKa’s Most Wanted
Sortie : 16 mai 1990
Après avoir quitté le groupe N.W.A. pour les raisons qu’on connait, le premier album solo d’Ice Cube était déjà un événement bien avant sa sortie. Parolier talentueux et impétueux du crew de Compton, le natif de South Central aura rapidement convaincu ses pairs. Et ce n’est pas un hasard si l’équipe de production The Bomb Squad acceptera sans aucune retenue de produire la quasi-intégralité de son premier projet. La team de Public Enemy trouvera en O’Shea Jackson une nouvelle voix imposante et revendicative pour dépeindre une Amérique qui parfois continue à s’écrire avec trois ‘K’. Un mélange East-West détonnant dont l’un des grands moments sera cette collaboration avec la rappeuse Yo-Yo sur « It’s a Man’s World » dans lequel les deux artistes reviendront sur la place de la femme dans le monde du Rap et cette utilisation systématique du mot Bitch. Un album qui fera figure de monument dans la culture Hip Hop, à connaitre par cœur !
Eric B & Rakim – Let The Rhythm Hit ‘Em
Sortie : 22 mai 1990
Considéré à juste titre comme l’un des MC’s les plus influents qu’ait connu le Hip Hop, Rakim introduira de façon constante des concepts et des thèmes non abordés à l’époque. Il s’efforcera aussi de combattre la monotonie des flows qui pouvaient se faire à cette période avec des variations et des pauses encore jamais entendues. Référence ultime pour toutes les générations suivantes, le God MC signera avec cet album peut être son projet le plus complet et accessible. Une véritable démonstration au micro mis en exergue par des morceaux comme « Step Back », « Untouchable » et « Mahogany » qui encore aujourd’hui me traumatisent par l’assurance et le magnétisme dégagé par son interprète. Pour les plus jeunes qui ne se sont pas encore frottés à ce duo mythique, Let The Rhythm Hit ‘Em peut être une porte d’accès privilégié pour comprendre leur impact sur la culture Hip Hop.
Kool G Rap & DJ Polo – Wanted: Dead Or Alive
Sortie : 14 août 1990
C’est peu dire que Kool G Rap aura dessiné l’avenir du Rap New Yorkais. Son style et son univers installeront les standards sur lesquels s’appuiera toute la génération suivante, allant de Nas à Raekwon en passant par Biggie et Jay-Z. Le rappeur du Queens et membre du collectif Juice Crew sera à lui tout seul le pendant de N.W.A. Transpirant les rues de Big Apple, il imposera ses références mafioso pour en faire une norme dans le rap game. Ce second album avec DJ Polo (dont la plus grande contribution sera finalement sa présence sur la pochette, étant donné qu’il ne produira aucun son et ne réalisera même pas les scratchs de ce projet) sera aussi l’occasion de se familiariser avec un jeune Large Professor à l’origine de la majorité des productions de ce LP. Bien avant « N.Y. State of Mind », le single « Streets of New York » nous offrira une plongé abrupte et dramatique dans les ghettos New Yorkais ravagés par la pauvreté, la drogue et la violence. Épique !
LL Cool J – Mama Said Knock You Out
Sortie : 4 septembre 1990
En 1990, LL Cool J est la superstar incontestée du rap game. Il est même devenu l’un des premiers rappeurs a revendiqué des titres mainstream visant le plus grand nombre et allant bien au-delà de la sphère Hip Hop. Assumant sans aucun problème son pseudo (Ladies Love Cool James) et sa réputation, LL n’en restera pas moins un excellent MC au micro capable de fulgurances mythiques comme sur ce 4ème album avec des titres comme « Mr. Good Bar » ou « Murdergram ». Capable d’alterner des singles comme le hardcore « Mama Said Knock You Out » ou le radio-friendly « 6 Minutes of Pleasure », James Todd Smith sera le premier maitre du genre. Produit quasi intégralement par le génial Marley Marl, ce projet inscrira un peu plus LL Cool J au panthéon de la musique. Victoire par K.O.
Too $hort – Short Dog’s In The House
Sortie : 11 septembre 1990
La scène West Coast ne se résumant pas seulement à Los Angeles et sa proche périphérie, la ville d’Oakland trouvera en Too $hort un digne représentant. Conteur insatiable d’un environnement où les pimps font partie intégrante du paysage, Todd Shaw réussira rapidement à se créer une identité particulière. Cet album restera comme une étape importante de sa discographie, mon préféré, et sera incarné par trois morceaux emblématiques. Le single « The Ghetto » qui dépeint une triste réalité de son quotidien, cette collaboration « (Bitch) Ain’t Nothin’ but a Word to Me » avec Ice Cube et le provoquant « Rap Like Me ». Il n’y aura pas que la pochette de ce projet qui influencera Snoop Dogg et son Doggystyle, mais aussi le style résolument laid-back de Too $hort qui restera, avec Richie Rich (du groupe 415), l’une des influences majeures du futur protégé de Dr. Dre.
Brand Nubian – One For All
Sortie : 4 décembre 1990
Si 30 ans plus tard, l’actualité du groupe Brand Nubian ne se résume plus qu’à des actes solos de Sadat X et Lord Jamar, avec des albums pour le premier et un beef avec Eminem pour le second. A la toute fin de l’année 90, l’arrivée du premier album du crew de New Rochelle sera une véritable claque pour beaucoup. Le groupe composé donc de Grand Puba, Sadat X, Lord Jamar et DJ Alamo signera avec One For All un mélange parfait entre une technique original et un discours qui, à certains égards, l’était tout autant. Une sortie aux multiples influences agrémentée, pour notre plus grand plaisir, tantôt d’éléments funky (« Brand Nubian »), R&B (« Try To Do Me ») ou reggae (« Who Can Get Busy Like This Man… »). Difficile également de rester insensible à des morceaux comme « Slow Down » ou le sublime « Wake Up (Reprise in the Sunshine) » qui fonctionnent toujours 30 ans plus tard. Il faudra attendre 1998 et leur 4ème album pour que le quatuor original se retrouve enfin sur l’album Foundation avec les retours de Grand Puba et DJ Alamo qui quitteront le groupe à la suite de ce premier projet.
Paris – The Devil Made Me Do It
Sortie : 4 décembre 1990
Peut-être l’un des albums les moins connus de cette liste et pourtant ce projet ne pourra jamais être dissocier de cette année 1990. Ce premier LP du rappeur originaire de San Francisco restera comme l’une des attaques les plus virulentes contre la bienséance. Paris avait des choses à dire et il ne prendra pas de pincettes pour les exprimer. Le premier morceau « Scarface Groove » annoncera la couleur avec un style hardcore revendiqué, véritable marque de fabrique de l’artiste avec un discours offensif dans la lignée des positions des Black Panthers et de la figure de proue Malcolm X. Cet opus est une déflagration totale qui durera une heure avec comme aboutissement des titres références comme « This Is A Test », « Brutal », « The Devil Made Me Do It » ou encore « Mellow Madness ».