C’est donc avec un recul de 30 ans que j’ai pris énormément de plaisir, plus que je ne l’imaginais même, à me réécouter une trentaine de projets de cette année 1989 pour n’en retenir que 10 en particulier. Une époque où il était hors de question de baisser le rythme de son flow (encore moins chantonner) et où tout un quartier pouvait se regrouper autour d’un seul ghettoblaster pour écouter les albums les plus brûlants du moment. Public Enemy, Eric B. & Rakim, le Juice Crew, les Beastie Boys, Boogie Down Production et autres NWA étaient alors les références du milieu, des exemples pour les générations suivantes.
Cette année 1989 sera marquée par les grands débuts du groupe De La Soul, de The D.O.C. (parolier pour NWA), de The Jaz (mentor de Jay-Z) et du duo Low Profile (WC & DJ Aladdin) avec au final des artistes qui connaîtront par la suite des trajectoires de carrières complètement différentes. C’est aussi l’année des seconds projets de hautes volés, qui feront dates dans leurs discographies, pour des groupes comme EPMD, Beastie Boys et Geto Boys (premier album avec Scarface dans leur rang). Et enfin, 1989 rimera toujours avec les grosses sorties de Ice-T, KRS-One (avec son crew Boogie Down Productions) et LL Cool J qui n’en sont plus à leur coup d’essai dans le rap game.
Sortie : 1er août 1989
Dans l’ombre du groupe NWA pour lequel il écrira plusieurs couplets pour Dr. Dre et Eazy-E notamment, The D.O.C. avait hâte de faire découvrir au monde entier son premier album et de briller à son tour. Le titre de ce projet annonce la couleur, le rappeur originaire du Texas survole tous les beats mis à sa disposition par Dre, en commençant par ce premier morceau de la tracklist « It’s Funky Enough ». Les samples de Funk s’enchaînent du début à la fin pour notre plus grand plaisir, posant les fondations du premier album du Doc de Compton (The Chronic). Quelques mois après la sortie et le succès de cet opus, The D.O.C. sera victime d’un grave accident de la route qui endommagera à vie son larynx, il ne retrouvera malheureusement jamais sa voix, ni son flow…
Sortie : 3 mars 1989
La rencontre du trio De La Soul avec le producteur Prince Paul restera à toujours comme l’une des collaborations musicales les plus influentes tous genres confondus. Ils ont incarné une vision alternative du Hip Hop, sous fond de jazz rap, et lancé la mode des interludes entre deux morceaux avec une plus-value indéniable. La pochette hippie de ce chef d’œuvre marquera toute une génération dans une période dominé alors par le gangsta rap. Posdnuos, Trugoy et Maseo ont révolutionné le genre avec une vibe positive, véritable bouffée d’air frais qui a tout changé. Un album malheureusement impossible à trouver en streaming pour le moment dû à un désaccord entre le groupe et leur ancien label Tommy Boy Records beaucoup trop gourmand sur les droits de ce chef œuvre (#TommyBoycott).
Sortie : 4 juillet 1989
Ce 3ème album du groupe Boogie Down Production (qui n’est plus qu’un duo composé de KRS-One et D-Nice après l’assassinat de Scott La Rock) est dans la lignée du précédent, délaissant totalement les thèmes violents entendus sur le premier projet au profit d’un discours beaucoup plus conscient. Un opus qui tourne totalement autour de la personnalité charismatique de KRS-One, se plaçant comme un défenseur acéré d’un Hip Hop revendicatif connecté uniquement à la rue comme le laisse suggérer le titre de cet opus. Aucune concession n’est faite sur cet album, le professeur livre une démonstration de style au service du Rap sans la moindre fausse note, que ce soit au mic ou à la prod.
Sortie : 12 mars 1989
Après un premier album qui n’a pas eu le succès espéré, James Prince (CEO de Rap-A-Lot Records) décide alors de remplacer Sire Jukebox et Johnny C par Scarface et Willie D pour former un nouveau quatuor aux côtés de Bushwick Bill et DJ Ready Red. Un résultat à la hauteur des attentes avec à la clé un second projet cette fois-ci référence pour les Geto Boys qui donnera au Southern Rap ses premières lettres de noblesse. Grip It! On That Other Level sera tout simplement l’équivalent du Straight Outta Compton pour le South et notamment Houston. C’est aussi l’occasion pour Scarface de lancer sa carrière musicale avec ce fameux morceau solo éponyme « Scarface » : « Nobody knows my name, they’ll only know this face / And ask my posse, they say : We call him Scarface ».
Sortie : 25 juillet 1989
Si Licensed To Ill (1986) est et restera le projet le plus connu des Beastie Boys (Mike D, MCA & Ad-Rock), cet album Paul’s Boutique est sans aucun doute celui qui a eu le plus d’influence sur la culture Hip Hop. Le sampling est poussé à un niveau encore jamais atteint à l’époque avec un total de 105 samples sur cet opus dont 24 pour le seul morceau « B-Boy Bouillabaisse ». Un titre de 13 minutes composé de 9 parties distinctes et qui referme donc ce projet légendaire sur lequel on retrouve d’autres morceaux références comme « Egg Man », « What Comes Around » et « The Sound of Science » pour ne citer qu’eux !
Sortie : 10 octobre 1989
Troisième album solo pour Ice-T et sans aucun doute son plus enragé. A la suite du succès planétaire de NWA, la censure menée par le comité PMRC (Parents Music Resource Center) s’attaque de front au Rap imposant quasiment systématiquement ce fameux logo noir et blanc (Parental Advisory) sur toutes les sorties aux propos dérangeants. Un sticker qui au final rendra ces artistes encore plus populaires comme l’explique T sur cet album, et notamment sur son morceau « Freedom of Speech » : « Hey, PMRC, you stupid fuckin’ assholes / The sticker on the record is what makes ’em sell gold / Can’t you see, you alcoholic idiots / The more you try to suppress us, the larger we get ».
Sortie : 9 juin 1989
Lors de la sortie de ce troisième album solo, LL Cool J est au top du rap game. Le MC du Queens surf habillement entre street credibility et succès radio avec des titres calibrés pour qui feront sa réputation. Une recette bien rodée saupoudrée comme d’habitude de ‘love tracks’ dont il a le secret. Et si les « One Shot At Love » et « Two Different Worlds » sont plutôt insipides, le morceau « You Are My Heart » passe beaucoup mieux quand il laisse de côté sa fameuse voix de lover. Le reste du projet est tellement solide qu’il est facile de faire abstraction de ces 2 distractions. Au final pas grand chose à jeter avec des productions qui subliment le travail de LL, à l’image des « I’m That Type of Guy », « Going Back To Cali » et « Big Ole Butt ».
Sortie : 1er août 1989
Après un premier essai transformé, Strictly Business (1988), le duo formé d’Erick Sermon et Parrish Smith était attendu au tournant avec leur projet suivant. Unfinished Business inscrira EPMD (Erick and Parrish Making Dollars) au panthéon des plus grands duo de l’histoire du Hip Hop. Ce second album est aussi la confirmation du talent indéniable d’Erick Sermon à la production, une des références de cette période. Un opus qui regroupe quelques fulgurances au mic comme « You Had Too Much To Drink » (boire ou conduire, il faut choisir) et « Please Listen To My Demo » (revenant sur leurs débuts difficiles), le tout entrecoupé de titres qui s’attaquent à la concurrence. Le duo a trouvé la bonne recette.
Sortie : 12 décembre 1989
Cet unique projet du duo Low Profile composé de WC et DJ Aladdin est sans aucun doute l’album West Coast le plus sous estimé de cette période de domination Californienne. On y retrouve un WC de seulement 20 ans pas encore en mode gangsta rap et un DJ Aladdin qui est ce qui se fait de mieux derrière les platines à l’époque (avec un titre de Champion du monde en poche cette même année). Cet opus débute par le morceau « Funky Song », un attrape oreille monumental tout comme ce bijou « We’re In This Together » qu’il faut absolument que j’écoute au moins une fois par semaine pour ma santé musicale. Rajouter « Pay Ya Dues » et vous avez mon Top 3 de cet album beaucoup trop sous côté. Après ce projet WC formera un tout nouveau groupe WC And The Maad Circle (avec Coolio notamment) puis ce fameux trio Westside Connection avec Ice Cube et Mack 10.
Sortie : 2 mai 1989
Ce premier projet de The Jaz (aussi connu comme Jaz-O) sera l’occasion d’entendre et de voir pour la première fois Jay-Z sur un album (Jay Zee dans les crédits). Il y fait des toutes petites interventions sur les titres « Pumpin », « Fun » et le single « Hawaiian Sophie », plus de 7 ans avant la sortie de son premier projet solo Reasonable Doubt (1996). Toutefois il faudra attendre le second opus de The Jaz (To Your Soul, 1990) pour apprécier des couplets de Jigga avec les classics « It’s That Simple » et « The Originators ». Un premier projet pour Jaz qui ne connaîtra qu’un succès d’estime mais qui restera comme l’une des sorties importantes de cette année 1989, avec cette caractéristique de nous accrocher l’oreille à chaque rime, quelque chose qu’il transmettra vite à son jeune poulain.
1989 c’était aussi : Road To The Riches de Kool G Rap & DJ Polo, No More Mr. Nice Guy de Gang Starr, Eyes On This de MC Lyte, It’s A Big Daddy Thing de Big Daddy Kane, Done By the Forces Of Nature de Jungle Brothers, All Hail The Queen de Queen Latifah, The Cactus Album de 3rd Bass …
Pas de repos, on garde la même dynamique avec un beau programme de sorties. Denzel…
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