De tous temps le rap s’est conjugué au féminin mais les rappeuses se sont toujours retrouvées en minorité par rapport à leurs homologues masculins. Souvent marginalisé, aucun cadeau ne leur a été fait quelle que soit la période. Celles qui ont gagné leurs places dans le rap game ne le doivent qu’à leur pugnacité avec fréquemment un caractère bien trempé. Durant ces années 90, pour la première fois, un certain nombre de rappeuses ont même réussi à se hisser au même niveau de notoriété que leurs collègues masculins. On peut citer dans cette catégorie des pionnières et icônes comme Salt-N-Pepa, MC Lyte, Queen Latifah, Roxanne Shanté, Lisa ‘Left Eye’ Lopes, Lady of Rage, Da Brat, Foxy Brown, Lil Kim, Lauryn Hill, Rah Digga, Missy Elliot, Eve ou encore Trina.
Derrière ces artistes reconnues se cachent bien évidemment d’autres rappeuses tout aussi talentueuses mais qui ne sont que rarement mentionnés. La faute certainement à des succes story un peu plus discrètes avec des carrières souvent éphémères qui se sont résumées souvent à un ou deux albums. Pour compléter la liste précédente, ils nous semblaient donc indispensable de vous faire découvrir ou redécouvrir 10 autres rappeuses de ces années 90 à travers 10 projets spécifiques qui ont également marqué cette période.
Sortie : 30 mai 1990
Second et dernier album de la rappeuse du Bronx, ce Burnin’ at 20 Below nous présente une sortie beaucoup plus convaincante que son premier essai Who’s The Boss? paru seulement un an plus tôt. Sur ce projet, Antoinette n’a pas perdu son charisme au micro avec toujours une précision chirurgicale dans son phrasé qui n’est pas sans rappeler un certain Rakim. Beaucoup plus ambitieux, cet opus est encore l’occasion pour elle de régler quelques comptes avec MC Lyte sur des titres comme « The Fox That Rox The Box » ou le très rythmé « Who Gives The Orders ». Choisi comme single, « Never Get Enough » est certainement ce que la rappeuse a fait de plus entraînant dans sa carrière en samplant le morceau du même nom de Bobby Byrd. Une véritable réussite qui contraste avec d’autres tentatives très différentes comme ce uptempo « You Got What I Need » par exemple. Pionnière, celle qui aimait se faire appeler The Gangstress n’a certainement pas eu autant de succès que ses pairs mais ne mérite pas moins de respect.
Sortie : 23 juin 1992
Des quatre albums que Yo-Yo a sorti dans les années 90, c’est sans hésiter son second projet Black Pearl qui a été choisi pour figurer dans cette liste. Sans aucun doute son opus le mieux produit, la touche funky a été portée à son paroxysme sur cette œuvre. Produit principalement par DJ Pooh et Sir Jinx, les deux producteurs nous offrent des moments sublimes comme « So Funky » et « A Few Good Men » pour le premier ou « You Should Have Listened » et « Will You Be Mine » pour le second. Toujours très convaincante derrière le micro, Yo-Yo se laisse porter par la vibe générale de cet opus dans une ambiance qui va ravir certainement les fans du genre. Et pour couronner le tout, même DJ Muggs apporte également sa pierre à l’édifice avec l’excellent « It’s A Long Way Home » dont le message est toujours d’actualité aujourd’hui : « The only way to survive is to energize and criticize / Once you realize you’re inferior in their eyes ».
Sortie : 23 mars 1993
Après le succès de son premier album Down To Earth, il était intéressant de voir comment Monie Love allait aborder cette suite. Pour l’occasion, la rappeuse d’origine britannique s’est entourée de la référence Marley Marl pour assurer une bonne partie des productions. Autre invité prestigieux, la présence du légendaire Prince à la réalisation de deux titres dont le single « Born 2 B.R.E.E.D ». Un hymne à la maternité pour cette mère qui aura quatre enfants et qui a connu très tôt sa première naissance (21 ans). Si dans l’ensemble ce second opus est peut-être un ton en dessous du premier essai, il y a quelques titres sur cet album qui restent toujours ce qu’elle a fait de plus convainquant comme ces « There’s A Better Way », « Mo’ Monie », « Sex U All » et « Wheel Of Fortune » par exemple. Après ce projet, la rappeuse décide de se tourner vers d’autres activités qui vont l’amener à se lancer dans une carrière à la radio en tant qu’animatrice.
Sortie : 25 mai 1993
Derrière ce pseudonyme de quatre lettres souvent attribué à sa rappeuse principale, c’est bien un duo qu’on retrouve caché derrière. Originaire de Detroit, c’est finalement à Los Angeles que va décoller la carrière musicale de Lichelle Laws et Irene ‘DJ Dee’ Moore avec une signature plutôt inattendue sur Def Jam. Les deux artistes s’introduisent à leur façon dans le monde ultra viril du gangsta rap avec notamment leur single « I Don’t Give A Fuck » qui sera repris plus tard pour conclure un épisode de la série Orange Is The New Black. Le succès suit rapidement avec d’autres titres clipés comme les excellents « Deeper » ou « Recipe Of A Hoe » qui vont même se hisser à la première place du classement des singles rap lors de leurs sorties respectives. Sans rien inventer dans le genre, le duo reprend les codes de leurs homologues masculins sur un disque bien ficelé et produit par quelques pointures de l’époque comme Def Jef, Erick Sermon ou MC Serch.
Sortie : 1994
Originaire de Houston, c’est sur le label local Rap-A-Lot que Lez Moné fait ses grands débuts. Mais finalement, sur les conseils avisés de son avocat, elle décide de refuser l’offre douteuse faite par J. Prince. C’est donc en total indépendance que la rappeuse se lance dans l’enregistrement de son premier album solo, avec en parallèle quelques apparitions au sein du duo Nuckleheadz aux côtés de RacQuel Gemini. Sur Talkin’ Shit, l’ambiance proposée est typiquement G-Funk. De quoi faire fondre de plaisir les fans de ce style emblématique du rap des années 90. Produit intégralement par Crazy C et Derek ‘Grizz’ Edwards, Lez ne pouvait pas trouver meilleur accompagnement sonore pour son flow. Elle s’offe des envolées caractéristiques de l’époque – qu’on pourrait même qualifier de doggystyliennes – à retrouver sur des excellents morceaux comme « Sprung », « Keep It Hush » ou encore « I Flows On ». Un projet original de 7 pistes, plutôt court donc, qui connaîtra une nouvelle version en 2000 suite à une réédition qui ajoutera trois très bons inédits et un remix.
Sortie : 19 mars 1996
Rapidement adoubée par Gang Starr, c’est sans surprise qu’on retrouve le duo mythique sur le premier album de la rappeuse de Philadelphie. Si Guru fait une apparition furtive sur le premier interlude de ce projet, on le retrouve par contre à la production de deux morceaux avec le titre d’ouverture « Wordplay » et ce « Total Wreck » sorti en single en 1994. Ce premier morceau cité, couplé au suivant sur la tracklist (« Spontaneity »), nous présente une Bahamadia au flow ciselé qui ouvre son projet de la meilleure des façons, c’est-à-dire avec brio. Deux prestations typiques de son style qui ne passent pas inaperçues, tout comme le reste de ce LP bien servi par des beats de DJ Premier, Da Beatminerz et N.O. Joe. Proche du sans faute, cet opus va être également l’occasion d’entendre l’un des titres les plus emblématiques de Philly avec cette collaboration « Da Jawn » sur laquelle on retrouvera le groupe The Roots. Et pour conclure, laissons les derniers mots au regretté Guru pour définir le mieux cet album : “a collection of lyrical and musical art that brings forth her masterful contribution to the hip-hop world”.
Sortie : 11 juin 1996
Affilié au groupe Boogie Down Productions, c’est dans le programme télévisé The Real World de MTV que Heather B se fait connaître du grand public en 1992. Une sorte de télé réalité qui suit pendant plusieurs mois sept jeunes de New-York aux origines diverses. Dans différents épisodes, on y voit la rappeuse préparer et enregistrer son premier album intitulé The System Sucks. Un projet qui ne va finalement jamais voir le jour et il faudra même attendre 1996 pour que Heather sorte enfin un premier opus avec Takin’ Mine. Une collaboration avec Kenny Parker (petit frère de KRS-One) qui produit 9 des 10 morceaux de la tracklist dans un style aussi simple qu’efficace et sans aucunes fioritures. Du single anti-armes « All Glocks Down » au dernier titre de la tracklist « What Goes On », la rappeuse originaire du New Jersey nous propose un projet cohérent de bout en bout, tout en restant dans une certaine zone de confort.
Sortie : 16 décembre 1997
Sans le savoir, beaucoup ont finalement déjà entendu Queen Pen ne serait-ce que sur le hit « No Diggity » du groupe Blackstreet. Si seulement Dr. Dre est crédité en featuring sur ce morceau, c’est bien la rappeuse de Brooklyn qui apparait également sur le 4ème couplet. Signé sur Interscope Records au milieu des années 90, son premier album My Melody est produit principalement par le maître Teddy Riley. Père du New Jack Swing entre autres, le producteur offre à QP une sélection de beats des plus attractives où les samples connus s’enchainent inlassablement. Les titres « All My Love », « It’s True » et « Get Away » vont donc piocher leurs inspirations dans de véritables tubes revisités parfaitement par la Magnificent Funky Mama, très à l’aise dans cet exercice. Au final, énormément de singles radios potentiels sur cet album qui encore aujourd’hui reste des plus divertissant à réécouter. Du New Rap Swing à la sauce Riley/Pen incarné par l’excellent morceau « Man Behind The Music » qui n’est pas sans rappeler dans sa construction le « She Drives Me Wild » de Michael Jackson avec ces bruitages de klaxon.
Sortie : 24 juin 1997
Si Mama Drama, troisième album de Mia X, reste son plus gros succès commercial, c’est bien son projet précédent, Unlady Like, qui va véritablement marqué les esprits. Une sortie No Limit Records dans toute sa splendeur avec bien évidemment une pochette aussi chargée que le contenu de ce CD de 80 minutes ! Produit intégralement par l’inévitable équipe de production Beats By The Pound (Craig B, KLC, O’Dell et Mo B. Dick) du label de Master P, ce projet reste un véritable marqueur du Southern Rap de la fin des années 90. Parfaite dans son rôle, Mia X encadre avec brio les nombreux featuring de cet album en commençant par la fratrie des Miller (Master P, C-Murder et Silkk the Shocker) sur le morceau d’ouverture « You Don’t Wanna Go 2 War ». En solo, on retient comme prestations de la Mother of Southern Gangsta Rap ses sorties sur les très bons « Pitty U », « All N’s » et « Rainy Dayz », ainsi que sa réinterprétation « I’ll Take Ya Man ’97 » d’un des titres phares du groupe Salt-N-Pepa.
Sortie : 29 septembre 1998
Quelques années après avoir intégré le groupe Three 6 Mafia, sans surprise, Gangsta Boo tente une escapade en solo avec un premier album intitulé Enquiring Minds. Une sortie supervisée et produite par le duo DJ Paul et Juicy J qui permet à la rappeuse de Memphis de se faire un nom dans le rap game. Bien aidé par le captivant single « Where Dem Dollas At », Boo se montre à son avantage sur un disque bien évidemment très Dirty South dans ses sonorités sur fond de Crunk. La rappeuse passe de morceaux sombres comme « Wanna Go To War » à d’autres plus posés à l’image du touchant « I’ll Be The Other Woman » par exemple. Un projet qui ne manque pas de caractère et incarné par des sorties marquantes telles que « Nasty Trick », « Money And The Powder » et « Life In The Metro ». Avec le recul, la deuxième partie d’album de ce LP est peut être plus convaincante et surtout détachée des nombreuses apparitions au micro de Paul et Juicy. Son album suivant Both Worlds *69 marquera la fin de son aventure au sein du collectif Three 6 Mafia.
Et pour conclure cette liste, direction la toute fin de ces années 1990 avec un 11ème album qui a comme particularité de n’être jamais sorti officiellement…
Sortie : 5 août 1999
Dans sa carrière tumultueuse de rappeuse, Charli Baltimore a connu toutes sortes de mésaventures avec à la clé, pas un, mais deux albums annulés… Tout d’abord, en 1999, avec ce projet Cold As Ice qui ne va sortir qu’en version promo pour les médias spécialisés, sans connaître de commercialisation pour le grand public. Puis, quelques années plus tard, ce va être au tour de The Diary de subir le même sort avec un opus avorté sur le label Murder Inc… Deux énormes désillusions pour la MC originaire de Philadelphie, et ancienne protégée d’un certain The Notorious B.I.G, qui finalement n’a jamais sorti d’album officiel dans sa carrière. En ce qui concerne ce premier album, il est maintenant enfin disponible sur les plateformes de streaming. Vous pouvez y retrouver l’irrésistible premier single « Stand Up » avec Ghostface Killah produit par RZA, ainsi que la collaboration « Everybody Wanna Know » avec DJ Premier. Et pour rester dans la thématique Female MC’s, le titre « Thorough Bitches » avec Lady of Rage, Gangsta Boo, Queen Pen, Da Brat et Scarlet reste encore aujourd’hui l’un des posse cuts féminin les plus emblématiques. Avec ses défauts et ses autres invités prestigieux, dont Mobb Deep, Cam’ron et Noreaga, ce premier essai de Charli est un cru qui reste toutefois intéressant à découvrir.
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