Lost & Found : Juggaknots – Re:Release

Lost & Found : Juggaknots – Re:Release

L’histoire qui nous intéresse aujourd’hui est celle d’un des secrets les mieux gardés de l’underground new-yorkais. Le nom The Juggaknots ne vous dit peut-être rien, mais sachez que ce groupe longtemps oublié fait l’objet aujourd’hui d’un culte dans le milieu du rap indé des années 90. Si bien que certains labels se sont lancés dans un long travail de recherche afin d’exhumer de vieilles démos et de rééditer leur premier album.

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On retrouve la trace sonore du emcee Breeze Brewin’ dès 1995 sur les ondes de WKCR 89.9, la radio du campus de l’Université de Columbia. À cette époque, les légendaires DJ Stretch Armstrong et Bobbito Garcia pouvaient se vanter d’animer l’émission de radio la plus influente du pays. Biggie, Nas, le Wu-Tang… Tous ces artistes n’auraient peut-être jamais atteint un tel niveau de notoriété sans le coup de pouce de ces étudiants un peu geeks. Les freestyles n’étaient jamais délivrés à la légère, car une belle performance lors du Stretch Armstrong Show menait tout droit à un contrat dans une maison de disques.

J-Treds, The Juggaknots & El-P – Stretch & Bobbito Freestyle (24/10/1996)

C’est en 1996 que tout va se jouer pour Breeze et Buddy Slim, aka The Juggaknots. Bobbito lui-même sera à l’origine de l’enregistrement de leur premier EP éponyme, pour le compte de Fondle’Em Records. The Juggaknots est le deuxième disque seulement à sortir sur ce jeune label, juste après The Cenubites (Godfather Don et Kool Keith). Cet EP qui comporte pas moins de 9 titres acquiert très vite une solide réputation dans le milieu de l’underground. Le bouche à oreille fait son oeuvre, et les disques se vendent en un claquement de doigts. La politique de Fondle’Em est de ne produire que du vinyle, et en nombre très limité. The Juggaknots devient en très peu de temps un trésor dont beaucoup parlent mais que seulement un petit nombre de collectionneurs ont la chance de posséder.

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Breeze Brewin’ et Buddy Slim, rejoints à la fin des années 90 par Queen Herawin’

Re:Release

Il a fallu accepter cette rareté jusqu’en 2002 et la première réédition de The Juggaknots. L’année précédente, Bobbito a mit fin à l’aventure Fondle’Em (comme il le raconte dans notre interview) et passé le flambeau au label Definitive Jux qui soutient avec force le rap indépendant. Mais c’est une petite structure inconnue, intimement liée à The Juggaknots qui s’occupera de produire de nouvelles copies de l’EP. Cette nouvelle version est enrichie de 11 morceaux par rapport à l’originale. Autant dire qu’il s’agit là d’un tout autre album qui ne manquera pas de susciter la curiosité de ceux qui possédaient le vinyle sorti chez Fondle’Em. D’où, on s’en doute, le titre Re:Release. Les bonus sont tous inédits. Ils ont été enregistrés entre 1995 et 2002. L’ensemble reste malgré tout très homogène et fidèle à l’esprit de l’EP original. La version CD comprend en plus un remix du classique « Clear Blue Skies ».

Cette réédition fortement augmentée est elle même venue à manquer et 15 ans plus tard, Re:Release bénéficie une nouvelle fois d’un lifting. Le label allemand HHV a mis la main sur trois nouveaux titres inédits et allonge ainsi encore la tracklist de la compilation. Ce genre de disque est à conseiller aux collectionneurs et aux aventuriers du rap indé. La musique de The Juggaknots est aux antipodes du rap commercial et nécessite un peu d’ouverture d’esprit. La nouvelle version de Re:Release proposée par HHV est attendue pour la fin du mois.

The Juggaknots – « Clear Blue Skies »

Baby Pictures

Une fois n’est pas coutume, l’infatigable Bob Lipitch de Chopped Herring Records a décidé de fouiller dans les archives du rap mondial pour repêcher quelques morceaux de The Juggaknots. Après 9 mois de recherches, il livre à nos oreilles attentives une compilation intitulée Baby Pictures. Cette fois il s’agit d’enregistrements antérieurs à l’époque Fondle’Em. Les 8 titres déterrés par Bob, avec l’aide de Matic Ent., constituent une sorte de prequel à The Juggaknots.

Ces démos couvrent la période 1989 – 1993, époque durant laquelle le groupe tente de percer. À l’écoute de Baby Pictures, on décèle déjà les prémices du succès. La formule est en décalage avec le boom bap omniprésent à l’époque. Les beats sont apaisés, ils n’incitent pas à la danse (à l’exception de « 40oz Of Flavor »). Breezy Brewin’ et Buddy Slim cherchent plutôt à attirer l’attention sur leurs textes bien écrits et leur flow bien calibré. Disponible depuis 2015, ce disque est une belle pièce de collection. Il aura fallu une vingtaine d’années pour que soit révélée l’étendue de l’oeuvre de The Juggaknots, et ainsi prolonger le mythe. Si vous n’avez pas encore eu la chance d’écouter Breezy et Buddy, n’hésitez pas à découvrir leur univers musical un peu en dehors des sentiers battus.