Rejjie Snow : « Ne jamais douter de soi-même, c’est la clé »

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Rejjie Snow : « Ne jamais douter de soi-même, c’est la clé »

Juste avant son concert sold out à Paris, le jeune (23 ans) et talentueux rappeur irlandais Rejjie Snow nous a accordé un petit moment sur la terrasse ensoleillée du Trabendo, tout en décontraction. Sans langue de bois, il a ainsi évoqué les frustrations liées à la sortie attendue de son premier album Dear Annie et les pressions de son entourage, mais aussi ses relations privilégiées avec les super-producteurs Rahki et Cam O’bi, ou encore son mélange de cultures, à mi-chemin entre Royaume-Uni et États-Unis.

Tu viens de sortir une nouvelle mixtape intitulée The Moon & You : peux-tu nous en parler un peu plus ?

Je voulais juste offrir à mes fans de nouveaux sons, car mon album prend tellement de temps à sortir que je voulais leur montrer que je n’étais pas en train de me tourner les pouces, que j’étais toujours en studio. J’ai donc enregistré cette mixtape en un peu plus de deux semaines, et dès que je l’ai finie, j’ai immédiatement voulu la sortir parce qu’elle était fresh. Parfois, quand on fait de la musique, on se retrouve à sortir des choses qu’on a faites il y a plus d’un an, et on se sent alors presque déconnecté de celles-ci. On perd un peu cette spontanéité.

L’un des temps forts de cette mixtape est bien sûr le morceau « Purple Tuesday » avec Joey Bada$$, et produit par Cam O’bi. Peux-tu nous raconter comment cette collaboration est née ?

J’ai rencontré Cam il y a un an et j’ai déjà fait beaucoup de sons avec lui, dont un album qui devrait sortir l’an prochain je l’espère. Il est clairement devenu mon producteur préféré. Ses prods sont si soulful, jazzy… bref, le genre de trucs que je kiffe. On s’est vus à Los Angeles et il m’a joué ce morceau qu’il avait fait avec Joey, à la base destiné à Noname, qui avait finalement décidé de ne pas l’utiliser. Moi, j’ai trouvé que le beat était ouf, alors j’ai juste ajouté mon couplet dessus. Je n’étais pas physiquement en studio avec Joey, mais lui et moi on est potes, je le connais depuis au moins trois ans, et il m’a autorisé à utiliser cette chanson. J’en étais bien sûr très heureux.

Tu as donc sorti cette mixtape pour faire patienter tes fans jusqu’à ton très attendu premier album, Dear Annie. Où en est concrètement ce projet ?

Cela va sortir cet été, probablement en août. En réalité, je bosse déjà sur l’album suivant. Pour Dear Annie, j’ai dû suivre un processus assez bizarre, assez frustrant pour moi. J’ai ressenti une certaine pression venant des gens de mon entourage, et quand tu fais de la musique, tu as au contraire besoin d’avoir l’esprit le plus tranquille possible.

D’où provenait cette frustration exactement ?

De partout. En plus de la musique, il se passait aussi des choses dans ma vie privée, par conséquent il était parfois difficile pour moi de me concentrer sur la musique. Les gars du label (300, ndlr) me mettaient la pression pour que je produise des singles, ou bien certains types de chansons, par exemple. Mais en même temps, cela m’a aussi fait grandir, cela m’a rendu plus mature. Au final, je pense que cet album représente le meilleure de ma musique, mais qu’il existe également une marge de progression.

Cela signifie-t-il que, si cela ne tenait qu’à toi, tu aurais encore amélioré des choses sur cet album ?

Oui. Au moment où je l’ai fini, il me semblait vraiment parfait. Mais après, en revenant dessus, en le ré-écoutant, tu perçois toujours des petits détails que tu aimerais pouvoir refaire, et selon moi, on devrait pouvoir sortir sa musique quand on pense qu’elle est prête pour, et pas seulement pour respecter des rétroplanning marketing.

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Ta musique a pas mal évolué depuis tes premiers projets. A quel type de son doit-on s’attendre sur Dear Annie ?

L’album a entièrement été enregistré à Los Angeles, donc je pense qu’on peut vraiment ressentir le soleil qui brille et l’atmosphère de là-bas dans les chansons. Les beats sont ainsi globalement joyeux, même s’il y a aussi quelques sons plus « tristes ».

L’album sera en grande partie produit par Rahki, avec qui tu sembles avoir une sacrée alchimie. Comment celle-ci est-elle née ?

En effet, Rahki produit tout l’album, sauf un morceau qui vient de Cam O’bi. À l’origine, Rahki était sur ma wishlist de producteurs avec lesquels je voulais bosser, donc mon label a fait en sorte que cela se réalise, il y a de ça un an environ. Mais les premières sessions n’étaient en réalité pas très bonnes, il n’y avait vraiment aucune alchimie, car j’avais encore du mal à travailler avec des gens en dehors de mon cercle d’amis. Or, l’alchimie et les bonnes vibrations sont selon moi les choses qui font que ta musique est bonne ou pas. Mais deux mois plus tard, je suis revenu à L.A., on a davantage appris à se connaitre, et notre musique a alors commencé à sonner de mieux en mieux. On a ensuite décidé qu’il serait judicieux qu’il produise la totalité de l’album, que cela rendrait les choses plus faciles.

Rahki est aussi connu pour son travail avec Kendrick Lamar. As-tu pu profiter de conseils provenant de ses expériences ?

Bien sûr, j’ai tellement appris grâce à lui ! Rahki m’a par exemple appris comment mettre en place proprement mes idées quand j’en ai, à prendre le réflexe d’écrire mes paroles sur mon laptop dès que possible, ou à utiliser certaines applis pour tout structurer car parfois, avant, il m’arrivait d’oublier des choses. Il m’a raconté le type de processus qu’il utilisait avec Kendrick, et c’était très différent du mien. Mais Rahki est quand même un gars qui a remporté des Grammy, donc le simple fait d’être en studio avec lui te fait tellement évoluer… Cela m’a donné beaucoup de confiance.

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Le rap britannique est très tendance ces derniers temps, avec Skepta, Stormzy, Little Simz, etc. As-tu l’impression de faire partie de cette vague de succès, ou bien te sens-tu trop différent ?

Non, je me sens un peu comme un mouton noir au milieu de tout cela, j’ai l’impression d’être dans un monde différent. J’ai vécu à Londres mais aussi aux États-Unis, donc j’ai pris un peu des deux cultures, et je pense que cela me rend différent, dans le bon sens du terme. De plus, le fait d’être irlandais me place déjà dans une catégorie un peu à part, mais cela me va très bien comme ça.

Par le passé, tu as parfois critiqué le hip-hop américain. Néanmoins, si tu devais en retenir un aspect positif, lequel serait-il ?

Ce serait la confiance en eux, qu’ils gardent dans n’importe quelle situation. Même pendant les concerts ou autres, aux States, tout le monde s’en fout de tout. J’ai donc ramené cela avec moi à mon retour en Europe, et c’est pour ça que désormais, mes lives sont plus ambitieux et meilleurs, juste parce que j’appréhende mieux qui je suis, et que je suis moins timide. Ne jamais douter de soi-même, c’est la clé. Les gens viennent te voir, ils te kiffent, donc il faut l’accepter et ne pas avoir peur.

BONUS : le Rap Scan de Rejjie Snow

La nouvelle mixtape de Rejjie Snow, The Moon & You, est disponible en téléchargement gratuit sur son site officiel.

Crédits cover photo : Antoine Monégier