Jay Prince : « Je me force à être toujours plus créatif »

Jay Prince : « Je me force à être toujours plus créatif »

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Frère spirituel de J. Cole, le rappeur et producteur britannique Jay Prince arrive sur notre radar fin 2014 avec un son mélancolique et plein d’âme, dont il n’a depuis cessé d’élargir le spectre. En 2015, il dévoile successivement deux EPs aux sonorités novatrices : Befor Our Time et Beautiful Mercy. De retour en 2016, le londonien est sur le point de sortir la mixtape Smile Good, annoncée pour le 21 octobre. À l’instar de son cousin américain GoldLink, Jay Prince fait partie de ces artistes multifacette qui redéfinissent le son d’aujourd’hui, et dont le timbre chantant envahit le monde du hip-hop. Il y a quelques mois, nous l’avons rencontré dans sa loge avant un concert mémorable à la Boule Noire, petite sœur de la Cigale.

Bouteille de cognac posée sur la table et verre de thé à la main, des chœurs gospel et du Drake dans sa playlist Spotify, un jour à Londres, l’autre à L.A… Jay Prince a l’habitude de faire le grand écart. L’artiste sapé en sportswear de la tête au pieds et visiblement détendu avant son passage sur scène revient sur son enfance à Camden, les origines de sa musique singulière, son rôle en tant que producteur et la place qu’occupe la musique dans sa vie. Une heure plus tard, nous étions debout, les bras en l’air, à nous casser le cou en reprenant à tue-tête les lyrics de « Goog Right Now », extrait de Beautiful Mercy : « Give a! Damn! How you! Feel! We just! Tryna! Keep it! Real! »

The BackPackerz : Quelles sont tes principales influences, toi qui es né dans les années 90 ?

Jay Prince : Dans ma jeunesse, j’ai écouté beaucoup de RnB et de musique très relax. Bien que je sois né dans les années 90, j’ai surtout grandi dans les années 2000. Forcément, j’ai écouté tous les Ja Rule et tous les Nelly, et j’ai fait mes classes avec Jay Dilla, Slum Village et DJ Premier. La vieille école me parle, ç’a été ma vibe pendant longtemps. Finalement, ma musique vient des années 90 jusqu’à nos jours en passant par les années 2000. Au-delà de la musique, ce sont simplement ma vie, ma famille et mes amis qui m’inspirent.

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Au départ, tu décris ton son comme un hip-hop doux et nostalgique.

Quand j’ai commencé, j’écoutais du boom-bap très émotionnel. Qui plus est, je suis quelqu’un de très détente. C’est de là que vient la douceur. Maintenant, j’expérimente davantage. Ma musique n’est plus uniquement douce ou violente. Tout ce qui m’intéresse, c’est faire passer un message qui profite aux gens. En grandissant, on se rend compte que rien dans la vie n’est tranché à ce point.

Là ou tu as grandi, as-tu été au contact d’une scène hip-hop ?

Je viens de Camden, dans l’est londonien. Mon quartier, c’est Newham. Gamins, on n’écoutait que de la grime. À l’école, mes potes ne parlaient que de ça : « T’as écouté le dernier Wiley ? T’as checké le dernier Skepta ? Le Chipmunk qui est passé chez Tim Westwood ? » Quand j’ai eu MTV à la maison, j’ai été exposé à encore plus de musique. Et puis le hip-hop est arrivé, et j’ai commencé à jouer de la musique à l’église.

Skepta –  « Are You Ready » (Ft. Wiley)

Comment as-tu rencontré les mecs de Soulection ?

Tout s’est fait de manière évidente et très naturelle. Des amis à Londres y ont contribué. Lorsque les gars de Soulection sont venus à Londres pour leur tournée, je les ai rencontrés et nous avons gardé contact. Au début, nous n’avions pas spécialement prévu de faire quelque chose ensemble. Finalement, je suis parti en tournée avec eux, j’ai tourné à Berlin avec Iamnobodi et je leur rends visite chaque fois que je suis à L.A.

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Tu partages ta vie entre Londres et L.A. Quel endroit t’inspire le plus ?

Ce sont deux villes qui m’inspirent. Chaque fois que je suis en tournée, j’ai la chance de visiter de nouveaux endroits. Désormais, je puise mon inspiration partout où je vais. Voyager me fait du bien, je profite au maximum de chaque lieu. Après, rien ne remplace ma ville natale. Quand je rentre, ça fait plaisir de voir des gens comme Stormzy ou Little Simz qui réussissent.

Quel était ton état d’esprit et le concept derrière Befor Our Time ?

Befor Our Time trouve son origine dans toute la musique écrite avant moi et qui m’a construit. Tellement de chansons ont été écrites ! Il m’a fallu retracer toute la musique assimilée depuis 93. Le projet répond aussi à une double volonté : même si j’écoute parfois des morceaux débiles sur la drogue pour faire la fête, ce que j’aime en tant qu’être humain, c’est apprendre des choses aux gens. De nos jours, on a accès à tellement de musique, sans forcément en comprendre le fond.

Tu as quasiment produit ce projet tout seul.

Produire est indispensable, c’est ce qui définit mon son. Kanye West reste une de mes plus grandes références en termes de samples. Dès qu’il sort un nouveau titre, je me dis : « Qu’est-ce qu’il va en faire cette fois-ci ? » Je me renseigne et ça m’inspire à aller plus loin. Bien sûr, Jay Dee retourne littéralement chaque sample. Et J. Cole, un de mes rappeurs préférés, est aussi producteur. Il m’a donné envie de faire des concerts et m’a montré qu’un rappeur pouvait également produire. Travailler avec d’autres producteurs est également une bonne façon d’apprendre.

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En tant que producteur, tu es celui qui fait avancer le son.

Effectivement. Quand il s’agit de son, je me force à être toujours plus créatif et à ne jamais faire deux fois la même chose. En définitive, c’est mon seul moyen de grandir et de savoir où j’en suis. Les gens qui me suivent peuvent comprendre mon parcours. Dans ma discographie, tu n’entendras pas deux projets qui sonnent pareil.

Tu as enregistré tes premiers EPs alors même que tu finissais tes études.

Mon dieu, ça fait déjà deux longues années. Maintenant, j’ai fini mes études et j’ai obtenu mon diplôme. À l’université, j’ai travaillé sur Beautiful Mercy et Befor Our Time. Heureusement, j’étudiais la Musique et les Médias. Mes journées entières se résumaient à faire de la musique, ce qui a aidé. À part pour les rimes, qui étaient plutôt un passe-temps. Il m’a fallu prioriser. L’école est toujours passée en premier, j’ai toujours rendu mes devoirs à temps. En revanche, je faisais en sorte de me dégager du temps pour composer, de la même façon que tu réserves une plage horaire pour manger ou dormir.

Doit-on s’attendre à ce que tu sortes plus de musique maintenant ?

C’est la toute première année de ma vie sans école. Désormais, je me concentre sur la musique et je profite. Récemment, j’ai dévoilé de nouveaux titres pour rafraîchir les esprits et on peut s’attendre à davantage de collaborations. Pas encore de noms, mis à part Iamnobodi, avec qui j’ai déjà collaboré. Et je fais SXSW cet année, alors je suis bouillant ! C’est cool de pouvoir contribuer à représenter Londres là-bas.

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Retrouvez Jay Prince en première partie du concert de Chance The Rapper, le 21 novembre au Zénith Paris – La Villette. 

Photo : Antoine Monégier pour The BackPackerz