G Koop, l’arme secrète des labels pour contourner le sample clearing
La récente explosion du titre « Bad and Boujee » des Migos, arrivé numéro 1 au classement Billboard, a permis de mettre en lumière le travail de l’ombre de G Koop, co-producteur du morceau avec Metro Boomin. Encore peu connu du grand public, il est par contre devenu une perle pour les labels, puisqu’il leur permet d’économiser des centaines de milliers de dollars en sample clearance grâce à ses talents de musicien. Focus.
Avant « Bad and Boujee », G Koop avait pour la première fois fait parler de lui de manière concrète lors de la sortie de Nothing Was The Same de Drake en 2013. Les fans de hip-hop underground s’étaient alors réjoui de voir dans les crédits de l’album Jake One, à la production de « Furthest Thing », l’un des highlights de l’album.
Mais Jake One n’a pas créé ce beat tout seul. Le sample utilisé provient ici d’un obscur disque de gospel, mais dont les ayant-droits demandaient une somme astronomique pour le clearer. Heureusement, Jake trouva le moyen de sauver le morceau et l’argent du label en faisant appel aux services de… G Koop, son ancien professeur de piano reconverti en spécialiste de la reproduction de chansons.
Grâce à son solide background en théorie musicale étudiée au Berklee College of Music et une oreille ultra-entraîné, G Koop a l’avantage de travailler vite, est capable d’envoyer une nouvelle version de la chanson quasiment identique à l’originale, mais qui devient protégée en termes de copyrights, du fait de sa re-création en studio. Le producteur d’Oakland détaille de la manière suivant sa façon de travailler avec Jake One :
« Jake m’envoie des samples et moi je les ré-interprète, les apprends, les écoute, j’essaie de remplacer tous les sons, puis lui les re-découpe pour en faire des beats. Comme mon nom commençait à tourner dans l’industrie car j’étais capable de faire ce genre de choses, j’ai commencé à être contacté par des artistes et des labels. S’ils ne peuvent pas clearer le son, ne sont pas sûrs de ce qu’est le sample ou bien si le sample coûte trop cher, ils me demandent de ré-interpréter la musique. J’écoute avec l’objectif de remonter à l’essence du son, le disséquer, et le rassembler à l’envers. »
G Koop a ainsi pas mal bossé pour des rois de l’underground tels qu’Atmosphere ou encore Brother Ali, mais depuis quelques mois, sa carrière est en train d’exploser dans la sphère mainstream avec des crédits successifs sur « I Got The Keys » de DJ Khaled (avec Jay-Z et Future), « Ocean Drive » de 21 Savage, et donc « Bad and Boujee » des Migos. Et le plus fascinant reste le process qui lui permet d’être crédité en tant que co-producteur :
« Il y a quelques années, j’ai commencé à juste créer des idées et des mélodies dans mon studio. J’avais un bon réseau de super-producteurs qui créaient tous ces hits et qui kiffaient ce que je faisais. Je leur envoyais donc des trucs, ils les samplaient et se retrouvaient sur des morceaux. On se partageait alors les crédits, la production, tout cela. Le pack de samples pour « Bad and Boujee », je l’ai créé en janvier 2016. Je l’ai envoyé à Metro Boomin, et de ce pack est sorti « Bad and Boujee », donc, mais aussi « Ocean Drive » de 21 Savage. Mes éléments utilisés pour ces deux chansons ont donc été créés la même semaine. »
Après 10 ans de carrière, le temps de G Koop est donc enfin arrivé. Nul doute qu’avec le carton des Migos, son téléphone ne doit cesser de sonner, tant il est devenu un atout indispensable pour l’industrie : suite à l’explosion des prix des samples et des procès à répétition (n’est-ce pas Pharrell ?), les labels ont besoin de lui pour contourner les soucis juridiques du sampling (et économiser de l’argent), et les producteurs ont besoin de son aide pour créer leurs futurs hits. Une situation idéale qui donne un maximum de liberté à G Koop :
« On cherche les bonnes personnes pour utiliser les tracks. J’ai la chance de pouvoir être moi-même, d’être libre dans mon propre temps et mon propre espace. Le business vient à moi à un certain niveau. c’est une telle bénédiction, je suis si reconnaissant. J’ai aidé un paquet de gens à économiser un paquet d’argent sur ces clearances. Je suis comme Wolfe dans Pulp Fiction, je fais en sorte que les situations se déroulent comme elles sont censées se dérouler. Mais au bout du compte, j’aime juste faire de la bonne musique, il n’y a pas vraiment de règles. J’essaie juste des choses, et j’ai eu l’énorme chance que pas mal de ces choses aient bien fonctionné. »
L’histoire de ce G Koop est forcément inspirante : après des années d’études et de travail, cet ancien prof de piano et employé chez un disquaire a su exploiter son incroyable science de la musique lorsque l’opportunité s’est présentée, s’est plongé dans l’art du beatmaking (alors qu’il n’y connaissait rien), s’adapter aux évolutions de l’industrie du hip-hop, pour enfin devenir un atout inestimable pour les différents acteurs.
Morale de l’histoire : travaillez comme un fou pour devenir le meilleur dans votre domaine, et les opportunités viendront directement à vous.
Cet article est une adaptation française d’une publication parue sur le site DJ Booth.