DJ Premier, le son de New York
Difficile de parler hip-hop sans mentionner un moment ou un autre le nom de Christopher Martin alias DJ Premier. Souvent haut placé dans les classements des plus grands producteurs de tous les temps, Preemo a fortement participé à l’affirmation du son boom bap new-yorkais au fil des époques, de Gang Starr à Joey Bada$$. Retour sur une légende.
“Big L, rest in peace”…J’ai beau avoir écouté “Full Clip” un million de fois, je n’arrive pas à m’en lasser. A chaque fois que j’entends cette fameuse intro, je ne peux m’empêcher d’être en kiff. Non pas parce que j’adore Big L, mais plutôt parce que je sais que sur le temps suivant, ce beat enivrant partira et fera inexorablement bouger ma tête. Je me souviens avoir vu Preemo au Nouveau Casino en 2012, et c’était encore plus fort : la salle tremblait littéralement sous un public sautant comme un seul homme au rythme des kicks dévastateurs de cette instru magique.
Une recette simple mais efficace
Au fil de sa longue carrière, Preemo s’est forgé un style, une signature sonore aujourd’hui reconnaissable entre mille. La “recette” de base respecte évidemment les codes du rap East Coast des années 90, c’est-à-dire : sample de soul ou de funk + rythme boom-bap + refrain scratché. Sauf que Premier parvient à ajouter sa patte à chaque étape de la recette. Les samples, tout d’abord, sont recherchés et donnent régulièrement du fil à retordre aux meilleurs Crate Diggers, comme ce fut le cas pour le morceau “Nas Is Like”. Le sample de la mélodie principale a été trouvée il y a seulement quelques années, après moult spéculations (il s’agit de “What Child Is This” de John V. Rydgren & Robert Way). Sur ce même titre de Nas, Preemo sample également des chants d’oiseau (Don Robertson – ‘Why ») et montre ainsi sa créativité et sa volonté de sortir des sentiers battus, et ce n’est ici qu’un exemple parmi tant d’autres. Ensuite, la manière dont il découpe les samples, les réassemble et cale ses patterns de drums par-dessus donnent aux sons qu’il produit un punch et une percussion unique, capables de faire bouger la tête d’un mec plongé dans le coma. Les refrains scratchés, enfin, représentent peut-être l’ingrédient qui a le plus construit le succès de Premier. Sa spécialité ? Reformer des phrases entières à l’aide de samples vocaux issus de la propre discographie du MC pour lequel il produit. Grâce à sa mémoire encyclopédique et sa culture hip-hop inépuisable, Preemo parvient à piocher les meilleures punchlines de l’artiste et recompose tel un puzzle des refrains originaux dans lesquels il enchaîne ces samples.
L’art de la relation MC/producteur
Ce style caractéristique et ce statut de hit-maker lui a permis de travailler avec les plus grands au fil de sa carrière, de Biggie à Nas, de Jay-Z à Mos Def en passant par KRS-One, définissant avec eux le son du Hip-Hop de New York. Un comble pour celui qui est né dans le Texas, à Houston. S’il a connu autant de succès, c’est aussi grâce à sa manière de travailler : contrairement à de nombreux producteurs, lorsque Premier accepte de collaborer avec un MC, il n’envoie pas un tas d’instrus toutes prêtes qu’il possède en réserve sur son disque dur. Non, le rappeur doit d’abord décrire ce qu’il souhaiterait pour son morceau, l’atmosphère, le style…puis Preemo intègre ces précisions pour construire un beat from scratch dans son studio mythique des HeadQCourterz (anciennement D&D Studios). C’est ensuite à prendre ou à laisser, mais peu sont ceux qui laissent, car obtenir un beat de Preem pour son album, c’est comme coller un label de qualité vérifiée sur sa pochette. D’autant plus que Chris Martin fait partie de ceux qui parviennent à rendre des rappeurs « moyens » très bons, en trouvant cette alchimie, ce beat qui collera parfaitement au flow du MC. Premier sublime les rappeurs en tirant le meilleur de leurs capacités. Même un type comme Wais P sonne bien sur une de ses prod’.
Et maintenant ?
Si tous s’accordent sur le fait que Premier ait été l’un des producteurs les plus influents des années 90 voire début 2000, plusieurs questionnent aujourd’hui sa pertinence dans le Hip-Hop d’aujourd’hui. Avec les nouvelles technologies et la démocratisation vitesse grand V du beatmaking, la concurrence est devenue au fur et à mesure de plus en plus féroce. Le Hip-Hop en lui-même a également évolué, avec l’arrivée de la mode trap, des crossovers electro ou autres Auto-Tune, rendant le style de Preemo obsolète pour certains. Fatalement, les tubes estampillés “produit par DJ Premier” se font plus rares depuis quelques années. Malgré tout, certains artistes sont encore aujourd’hui prêts à repousser la date de sortie de leur album afin d’attendre un beat promis par Preem, comme c’est par exemple le cas avec le supergroupe Slaughterhouse. Et même s’il a une légère tendance à annoncer beaucoup de projets qui ne se concrétisent pas toujours, on devrait normalement découvrir de nouvelles prod’ du roi de New York sur plusieurs albums en 2014, dont ceux de Busta Rhymes, Saigon, M.O.P., Joey Bada$$ ou encore Scarface…entres autres. Pas si mal pour un soi-disant “has been”.
Je vous laisse avec un mix aux petits oignons des meilleurs tracks produites par Preeeeeeeemo, concocté spécialement pour vous par l’ami 2One.
Tribute Mix to DJ Premier By TheBackPackerz by The_Backpackerz on Mixcloud