Lino – Requiem

chronique-lino-requiem
Janvier 2015

Lino

Requiem

Note :

Dire que l’album de Lino (Arsenik) est un des plus attendus en ce début 2015 est un doux euphémisme. En effet, la sortie de ce Requiem, cinq ans après le premier solo de l’artiste, donne suite à une promo intense et à la publication d’une flopée de singles clippés, et ce depuis plus de six mois.

Quatre extraits pour être précis, dont trois figurent parmi les meilleurs titres de l’opus. ‘Douzième Lettre’ par exemple, bien qu’étant un pur exercice de style à la base, demeure un des morceaux les plus réussis de l’album grâce notamment à une écriture de qualité remplie d’allitérations, mais aussi à une instru efficace qui reste en tête dès la première écoute. ‘Wolfgang’, le second extrait, apparaît comme plus difficilement accessible mais pour autant demeure de bonne qualité. Le morceau ‘VLB’ créa quant à lui un mini débat au sein du public de Lino à cause d’un refrain flirtant avec la trap et d’un texte faisant l’apologie de la rue et de la délinquance selon certains. Autant vous dire que je ne me retrouve absolument pas dans ces critiques : le texte ne fait l’apologie de rien et se trouve être une archive musicale de ce qu’était la vie des banlieues dans les années 90. Quant au refrain, s’il est certes composé de gimmicks comme moult titres de trap, il est assez loin de ce que cette scène nous propose en France d’ordinaire. De plus, il est particulièrement efficace, notamment en concert comme j’ai pu le constater lors du live du Ministère AMER à l’Olympia. Quant au dernier extrait de Requiem, ‘Suicide Commercial’, c’est un véritable petit brûlot tant d’un point de vue musical que textuel. Mise au point sur sa vision du rap, critique vis-à-vis du rapport Skyrock/rappeurs, références à Dieudonné, ce titre tranchant et particulièrement violent sort très nettement du lot et mérite le terme tant galvaudé de classique.

Le reste de l’album oscille entre titres marquants et tubes radiophoniques mal sentis. Parmi les premiers, notons ‘Choc Funèbre’ (qui ouvre l’album), ‘Le Flingue à Renaud’ qui, par son aspect « chanson dégueuloire » (comme Renaud savait si bien le faire) se rapproche indéniablement de ‘Suicide Commercial’ ou bien encore de ‘Requiem’, titre à l’ancienne s’il en est puisqu’il dépasse les huit minutes et ne comporte aucun refrain. Là où l’album pèche, c’est dans ses featurings et ses tentatives d’ouverture. Si cela est en partie réussi sur des titres comme ‘Le peuple Danse’ ou bien encore ‘Faute de Français’ avec le très talentueux Dokou, cela s’avère plus que douloureux quand la moitié d’Arsenik décide d’inviter le soporifique Youssoupha et l’insupportable Zaho, ou bien quand Corneille vient saccager un morceau plus qu’acceptable en y interprétant le refrain. Niveau featurings, c’est finalement dans des registres plus classiques que Lino réussit le tour de force des combinaisons réussies. C’est le cas avec ‘Narco’, où les apparitions de Sofiane et de Niro vont de paire avec l’ambiance de rue qui colle à ce morceau. C’est également le cas avec ‘Ne m’appelez plus rappeur’, où les deux frères M’Bali (Calbo et T.Killa) viennent prêter main forte à Lino. L’efficacité de ce titre a fait naître en moi l’espoir d’un projet réunissant les trois rappeurs : la performance de T.Killa montre qu’il est bien au même niveau que ses frangins.

Globalement, et malgré quelque fautes de goût (probablement dans le but de charmer les radios), l’ensemble de Requiem demeure plus qu’agréable à écouter. Une exigence textuelle qu’on n’avait pas vu depuis longtemps et qui fait de l’ombre aux instrus et aux featurings pas toujours bien sentis.