Certes les hivers sont froids au cœur du Canada mais on sait depuis quelques années que les rappeurs à la feuille d’érable ont le talent chevillés au corps. Dernière pépite du cru : Jazz Cartier qui sort son second LP, Hotel Paranoia moins d’un an après son premier projet.
L’homme qui a un nom de scène fait pour intriguer les mélomanes et les amateurs de belles choses a livré son dernier carat il y a dix jours maintenant. Deuxième projet du MC, neuf mois à peine après le remarqué Marauding in Paradise, espoir issu de la scène hip-hop de Toronto. Son style instrumental oscille entre de la trap adoucie et des beats trop retravaillés pour être de pure ascendance boombap. Pourtant cette ambivalence crée une cohérence et attire l’oreille. Pour preuve, Hotel Paranoïa est un projet de 16 morceaux et quelques 62 minutes distillant des morceaux à la production assurée par Jazz Cartier lui-même et son acolyte Michael Lantz, déjà à la manette sur son premier opus. On sent l’effort de recherche et l’application soignée dans ce projet tant, il faut le reconnaître, les beats sont travaillés et les samples recherchés.
Premier morceau : « Talk of the Town » à l’accroche efficace et dont l’ambiance mystique est le résultat d’un sample de chants grégoriens. Lorsque le beat tombe, JC sort de l’ombre et assure qu’il est l’autre qui compte à Toronto :
« Everybody in the states compare me to Drake, cause not many in the city can carry the weight. »
Jazz Cartier – « Talk Of The Town »
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Et effectivement, si on sait que Toronto est la scène d’émergence de Drake et que nombre de producteurs de qualité travaillent dans son sillage, il faut bien reconnaître que Jazz Cartier y apporte une sensibilité différente. La raison est simple et classique : au-delà d’une histoire personnelle différente, l’enjeu de chaque release est la définition de sa personnalité artistique dont le public se façonne une image. Alors il s’y investit personnellement, dans les textes et dans la production. Nous le voyons d’ailleurs tout au long de l’album, où l’on pourrait identifier trois tendances : une première définie par des morceaux accrocheurs (« Talk Of The Town », « How We Do It », « 100 Roses », « Better When You Lie »), à la production audacieuse et originale, une autre tendance avec des morceaux doux et relevant presque de la soul («Tell Me » ou « Feel Away »), enfin une dernière tendance plus axée sur des titres commerciaux ou plus mainstream parés à lui offrir plus de visibilité depuis le dancefloor (« Red Alert » ou « After The Club »).
Indubitablement, les productions les plus sombres sont celles qui explorent le plus le talent du MC qui démontre à l’envi sa technique au flow. Capable de varier son flow à plusieurs reprises sur un morceau, c’est assurément une de ses grandes forces et ce qui fait sa signature. L’ambiance aussi, où on se sent pris dans un voyage avec l’artiste, le long d’un album à la dynamique quasi cinématographique où les morceaux enchaînent les scènes et déroulent l’intrigue.
Coup de projecteur audacieux sur le morceau « How We Do It », qui, avec une double lecture, rend à la fois hommage à l’interprète original (Montell Jordan) et à Toronto. Downtown. Pour l’anecdote, Jazz C a eu tant de mal à quitter sa ville natale malgré une proposition de bourse de l’Université de Chicago qu’il a fini par la refuser. Toronto est également un élément central de cet opus. Comme pour son premier projet, Jazz Cartier raconte sa ville et sa vie. Sa vie dans sa ville et l’impact sur sa psyché.
Jazz Cartier – « How We Do It »
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Au final, comment résumer cet album ? D’abord en disant qu’il est bien construit, qu’il a de la consistance grâce notamment à l’univers que décrit l’artiste, que la production est léchée, que son rap est précis, joueur et libéré et que malgré tout cela, on sent que le sieur peut encore mieux faire. Pourquoi ? Parce que c’est une deuxième pierre à son édifice et qu’elle est déjà différente de la première, qu’elle souligne une évolution musicale de l’artiste et qu’il libérera l’intégralité de son message artistique en mettant plus d’audace encore. Pour autant, on sent à l’écouter qu’il tâtonne encore dans la recherche de son style d’expression. Le talent est pourtant là et il est assumé. C’est une première bonne chose. Et on va surveiller le bonhomme parce que ce n’est sûrement pas la dernière.
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