2 EP remarqués en un an, dont un que nous avions d’ailleurs placé dans notre sélection des 10 meilleurs albums de Hip Hop de 2015 (vol. 1), une participation active sur la compile de Soulection, une apparition reconnue sur l’EP Someday, Somewhere de la pépite electro/down-tempo qui commence à rayonner Mura Masa, et revoilà Jay Prince qui nous aide à bien préparer cette fin d’année.
Son dernier EP Beautiful Mercy égraine en 8 titres bien construits le talent et l’éclectisme stylistique du rappeur de l’East London. Finalement, en passant du rap à la soul avec quelques touches de trap (qui signe et soigne sa modernité), il reprend le saint triptyque prêché par A Tribe Called Quest : Beats, Rhymes & Life. La comparaison devrait s’arrêter là tant les époques sont différentes mais notons une similitude dans la recherche d’un équilibre entre l’esthétique et le réel. Parce que c’est bien de cela que relève ce projet : le kid de l’East London y a mis ses tripes et raconte sur des mélodies fluides et classiques (mais résolument modernes) ses errements, ses questionnements et sa réalité.
A croire d’ailleurs que la maturité artistique n’attend pas le nombre de projets. En effet, sur cet EP, qui, si on devait l’imager, s’inscrit en héritier de l’âge d’or du Hip Hop avec des beats boombap à souhait auxquels répondent des morceaux aux relents plus downtempo. On comprend alors que le Londonien sait d’où il vient et regarde où il va.
On pourrait citer deux morceaux issus de cet album pour illustrer ce propos : « AfroPhunk », premier single qui sample la délicieuse Jill Scott (« 42nd Street Happenstance (Can’t explain)») et qui parle avec douceur et humilité de l’amour de soi et la confiance en ses capacités ; et « Bump That » qui nous emmène après quelques notes au piano en leitmotiv sur une rythmique plus downtempo, très « trappée ». Notons d’ailleurs que sur cette production du beatmaker allemand (et c’est bon signe en ce moment !) Rascal, on croit entendre à s’y méprendre Kendrick Lamar. Jugez plutôt :
Les potes et les artistes qui contribuent à ce projet, voilà une autre signature de cet EP. D’ailleurs, sur « AfroPhunk », ce sont deux talents de L.A. qu’on retrouve : Joyce Wrice et SiR. Si Joyce Wrice lance une carrière musicale avec à son actif un EP et de belles collabs’ (notamment sur « Promises »), SiR n’est plus un jeune loup fou puisqu’il a eu l’occasion de travailler avec des références des scènes soul et jazz dont Jill Scott et Robert Glasper pour ne citer que les plus connus. On peut aussi mentionner Allan Kingdom, le producteur de Saint Paul, qui accompagne ce bon JP sur « Juice », joli track tout en chillance parsemé de caisses claires qui parle de la difficulté de mener à bien ses projets.
La force et la richesse de cet EP sont finalement l’impression de maitrise sereine qui s’en dégage. Entendez : JP ne frise pas à l’egotrip, non, il fait ce qu’il aime et il donne l’impression d’aimer bien le faire. Et d’avoir du goût. Vous suivez ? Pas certain ? Quelques éclaircissements dans « Monologue » sur lequel il se fait accompagner par la douce voix d’Arima Ederra.
Comment qualifier un tel EP ? C’est chill, posé, c’est de la soul tirant un peu sur une dynamique R&B et la démarche est pourtant tellement assurée dans la production et le phrasé qu’on se laisse aller.
Beaucoup comparent ce jeune talent au déjà grand Kendrick Lamar, notamment pour sa tendance à être à l’aise dans les univers très différents qu’ils se composent et pour le flow éraillé qu’ils ont en commun. En tous les cas, ce projet est clairement de très bonne qualité, agréable à écouter, bien produit, audacieux mais pas trop, faisant appel à des artistes au talent certain et donnant envie d’en savoir plus sur les prochaines envies artistiques de Jay Prince voire de son entourage.
Et puisque cette période de l’année doit aussi être celle des bonnes nouvelles, sachez que Jay connait déjà les chemins qui mènent à notre belle capitale puisqu’il a déjà squatté les scènes du dernier Villette Street Festival en mai dernier (entre autres) et qu’il prévoit une tournée européenne pour février 2016. Paris, c’est le 18. Who’s in ?