La maison TDE vous salue bien. Elle l’avait annoncé : l’année 2016 serait son année. La sortie du troisième opus brandé du logo aux trois lettres a pris son envol officiel le 2 septembre dernier et il est l’œuvre d’Isaiah Rashad. La compagnie et le nom du pilote sont connus. Bienvenue sur le vol The Sun’s Tirade en espérant qu’il vous sera aussi agréable qu’à nous.
Si tout ce qui montre le sceau TDE est gage de talent et de qualité depuis quelques années, cet album ne déroge pas à la règle et sert même à asseoir la prédominance de la maison sur une certaine tendance du rap : celui qui se veut novateur, conscient et divertissant. Oui, rien que ça. Il faut dire qu’en 17 tracks et un peu plus d’une heure d’écoute, Isaiah Rashad dévoile un opus de belle qualité, homogène, concerné, aux productions dans la lignée de ce qu’elles étaient sur Cilvia Demo et avec des lyrics aux tournures toujours aussi soignées.
Si l’héritage de Cilvia Demo est indissociable de cet opus, il faut aussi signaler qu’il s’en démarque par sa maturité. Ne serait-ce que par le mixage, qui parait plus abouti et mieux calibré que sur ce premier opus aux allures de mixtape ou par la variété des producteurs qui s’y sont penchés. Pour être exhaustif, les cadres de la production de son premier opus sont là (The Antydote en tête), mais on observe aussi la présence de producteurs qui apportent leur savoir-faire plus jazzy comme Cam O’Bi (« Free Lunch ») ou Al B. Smoov (« Wat’s Wrong ») ou plus ancré dans les racines « South » de Rashad avec Mike Will Made-It (« A Lot »).
Isaiah Rashad – « Wat’s Wrong » feat. Zacari & Kendrick Lamar
On remarque sur ce morceau produit par Al B. Smoov et D. Sanders la présence de Kendrick Lamar qui lâche une fois de plus une collaboration de très belle qualité épaulée par Zacari pour les refrains. Parmi les autres invités de marque de cet album, comment ne pas mentionner la présence de Syd, la chanteuse de The Internet, l’une des perles de feu Odd Future, qui livre en duo avec Rashad une ballade délicate et oppressée sur « Silkk Da Shocka » ? Notons également la collaboration sur ce projet de SiR, le MC et producteur d’Inglewood qui accompagne Isaiah Rashad sur le très réussi « Rope // rosegold » dont la prose de la seconde partie (« rosegold » donc) s’appuie sur un sample de « Lyrics To Go » des légendes A Tribe Called Quest. Et puis, signature du label oblige, on note également la présence parmi les invités de Jay Rock et SZA, tous deux pensionnaires de TDE, qui n’hésitent pas à prêter leur talent sur cet opus. C’est d’ailleurs sur l’un des morceaux le plus surprenant et le plus abouti qu’on retrouve Jay Rock : l’explicite « Tity and Dolla ». Le morceau est construit sur deux mélodies qui se répondent et dont le tempo changeant rend le track enivrant et quasi-adddictif. Les nappes de synthé et la rythmique soutenue portant l’effet à son paroxysme.
Isaiah Rashad – « Tity and Dolla » feat. Hugh Augustine & Jay Rock
De manière générale, ce qui frappe dans cet LP aux productions smooth s’il en est, c’est que si la filiation avec Cilvia Demo est indéniable, comme son prédécesseur, cet opus reflète la personnalité de son auteur. Si la remarque peut paraître évidente, nul besoin d’insister sur le facteur « authenticité » dont le hip-hop a parfois été amputée et que Rashad respecte à merveille. Il est dans une démarche artistique et personnelle. Les affres autour de ses addictions qui accompagnent la sortie de cet opus et dont ses textes sont parsemés sont là pour le prouver. Nos oreilles attentives ont capté un message : le fait que ce gars a trouvé une voie et TDE lui a tendu le MIC. Salvateur pour le bonhomme et un bonheur pour nos oreilles. Espérons que cette association saura se prolonger d’autant qu’en deux ans, il a acquis pas mal de maturité et de respectabilité. Pourtant, sans en faire une critique définitive, on pourrait aussi souhaiter qu’il saura se réinventer. Cet opus est bien meilleur que le premier, ne serait-ce que par sa maîtrise et sa variété acoustiques et espérons que son mentor Kendrick Lamar l’incitera à se renouveler. Mais c’est assurément le plus compliqué. Relax, on s’appuiera avec plaisir sur cet opus pour patienter.