AllttA – The Upper Hand

Février 2017

AllttA

The Upper Hand

Note :

AllttA, 6 lettres énigmatiques qui auront peut-être attiser la curiosité des plus avisés d’entre vous. AllttA, comme le nouveau projet enfanté par le producteur 20syl et le rappeur américain Mr. J. Medeiros. Nul besoin d’en dire plus pour nous convaincre de jeter une oreille sur The Upper Hand, qui se révèle être un des meilleurs albums rap de ce premier trimestre.

Annoncé en mai 2016 par un premier single hyper réussi (« Connery », sorti sur la compile Spring in Jakarta), AllttA était alors présenté comme un duo electro / rap réunissant le nantais 20syl (Hocus Pocus, C2C, s’il est encore nécéssaire de le préciser) et le rappeur américain Mr. J. Medeiros, du groupe The Procussions. Fraichement sorti du succès international du premier album de C2C, 20syl nous avait alors confié dans une interview sa volonté de se consacrer à de nouveaux projets solo, sur de la production uniquement. Ainsi ont vu le jour les excellents EP Motifs (2014) et Motifs II (2015), puis cette collaboration avec son ami de longue date « Jay », alias Mr. J. Medeiros.

Si, comme nous, vous suivez la carrière de 20syl depuis un moment déjà, vous vous souvenez sans aucun doute que les deux hommes n’en sont pas à leur première collaboration. Dès 73 Touches, le troisième album du groupe Hocus Pocus, on retrouvait déjà la connexion 20syl x Medeiros via le tube « Hip-Hop » sur lequel les Nantais invitaient The Procussions. S’en suivront de nombreux échanges de bons procédés avec « Voquab » sur Place 54 mais également la présence de 20syl sur l’album éponyme de The Procussions (« Panthasm« ) ou encore lorsqu’il remixe le morceau « Pale Blue Dot » issu de l’EP du même nom de Mr. J. Medeiros.

Vous l’aurez compris, AllttA, au-delà du projet artistique, est également le nouveau chapitre d’une histoire d’amitié démarrée il y a plus de quinze ans. En découle évidemment une complicité quasi-palpable entre les deux artistes ; tant les productions de 20syl semblent calibrées au millimètre pour le emcee originaire du Colorado, qui, à son tour, déroule son flow protéiforme avec une habileté déconcertante.

AllttA, A Little Lower Than The Angels

Si le terme AllttA est longtemps resté énigmatique, le duo met les choses au clair dès le début de l’album avec un morceau éponyme qui fait figure de manifeste, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord parce Jay y pose, dans une sorte de plan séquence musical (couplet unique, sans refrain), la vocation de ce nouveau projet : un album mature, réfléchi et qui vient faire le bilan d’une carrière de prêt de vingt ans, pour les deux artistes. On y découvre également le double sens de l’acronyme AllttA grâce aux deux passages suivants :

I said language altar and auburn I’m saying pages are getting read as they all turn
But they on an altar I’m saying they all burn
Words are getting purged in the flames call our songs urns

Guess it’s all the same when they claim no one can tell
Maybe its just the way that our names spelled
AllttA = A Little Lower Than The Angels

Dans une double référence religieuse, Jay rappelle ainsi son appartenance au controversé courant « Christian Rap », convoquant à la fois autel (« altar ») et la référence angélique (« A Little Lower Than the Angels »). On retrouvera d’ailleurs de nombreuses références religieuses et spirituelles tout au long de l’album, dans les titres (« Holy Toast », « Paradise Lost »), comme dans les lyrics, à l’image de ce passage de l’excellent « Kinsmen ».

Guess I’m an alternative christian
Cus I ain’t tryna alter natives to be christian
Offering no ultimatum to be christened
I’m saying we’re all AllttA mate are you listening 

Loin du name dropping façon Kanye West, les allusions religieuses de Jay sont ici toujours utilisées à des fins narratives ou pour de véritables prises de position. On découvre ainsi sur le bien nommé The Upper Hand (qu’on pourrait traduire de l’anglais par : « une position dominante ») un artiste extra-lucide (lorsqu’il fait le bilan de sa carrière sur « Touch Down »), honnête et qui n’hésite pas à se livrer sur des sujets très personnels et rarement traités dans le rap, comme son aversion pour les drogues (« Drugs ») ou encore la paternité (« Baby »).

Future Beat Rap

Si la verve de Mr. J. Medeiros est à souligner sur cet album, notre frenchy 20syl est loin d’être en reste puisqu’il livre ici une production d’un nouveau genre, à mi-chemin entre Hip Hop et Future Beat, qui pourrait bien faire école dans les années à venir.

Impressionnant de maitrise, la production de 20syl fait de cet album un véritable chef d’oeuvre. Fort d’une vingtaine d’années de pratique de la production, 20syl semble ici parvenir à synthétiser l’ensemble de la palette musicale hip-hop et électro de ces dernières années dans un son d’une fraicheur et d’un dynamisme rarement atteint. Alors que le son trap actuel tend vers un certain minimaliste, 20syl fait lui le choix de la complexité avec un son multicouche et bourré d’effets qui relève presque davantage du sound design que de la production classique. La filiation avec le mouvement Future Beat (Soulection, HW&W et consorts) apparait comme une évidence lorsque le nantais use de nappes de synthé vintage sur « Paradise Lost » ou avec sur le très funky « Match », sur lequel on croirait entendre Masego, le nouveau chouchou de la scène Future Beat.

Signe d’une maitrise totale de la matière sonore, 20syl avec ses productions riches et texturées, ne semble néanmoins jamais en faire trop. La fusion de rythmiques hip-hop modernes et de textures et effets plus electro font de cet album un véritable OVNI musical qui, on l’espère, inspirera de nombreux producteurs de rap en Europe comme outre-atlantique.

« Trop en avance pour leur demander l’heure »

Mais alors me direz-vous, pourquoi cet album ne remporte, pour l’instant du moins, pas l’adhésion générale de la critique et un engouement plus notable du public ? Bien qu’il soit encore tôt pour évoquer ce constat – les festivals d’été arrivant de surcroit – trois facteurs pourraient expliquer la timide réception de ce chef d’oeuvre.

1 – Un grand écart stylistique qui peut parfois être difficile à digérer

Si la capacité de 20syl a fusionner ses influences rap et électro a, sur la papier, tout pour séduire, il n’en reste que cet album pourraient tomber dans une sorte de « vide stylistique ». En d’autres termes, être « trop electro pour les fans de rap » et « trop rap pour les fans de l’électro ». Bien que les frontières entre ces deux genres soient plus floues que jamais, on constate malheureusement que nombre d’acteurs de la presse rap passeront encore une fois à côté d’un tel album du fait de ses sonorités électroniques.

2 – Une communication hésitante et une certaine « dilution » de l’oeuvre artistique

Annoncé il y a prêt d’un an, la formation du groupe aura peut-être également souffert d’un léger défaut de communication. Parmi les chefs d’accusation : un nom difficile tant à retenir qu’à orthographier, une remise à zéro totale d’un point de vue médiatique pour un artiste de la notoriété de 20syl (disque d’or, victoire de la musique etc…) mais aussi la sortie de plusieurs maxi (Touch Down, AllttA), d’un EP qui n’en est pas un (The Woods, contenant seulement 2 morceaux et ses remixes), le tout étalé sur plus d’un an, ce qui aura peut-être essoufflé les attentes placées dans ce LP.

3 – Un certain ésotérisme visuel et des lyrics difficiles d’approche

Dernier frein potentiel à un engouement plus global : le penchant du duo pour un certain « élitisme », tant dans les visuels associés au projet (du logo aux expérimentations vidéo motion très géométrique et minimalistes, comme sur le clip de « That Good Ship », ci-dessous »), que dans les lyrics de Jay, particulièrement complexes et érudits, nécessitant d’un certain niveau d’analyse, y compris pour un public anglophone. Heureusement pour nous autres francophones, Genius est là pour nous éclairer.

Bien sûr, tous ces éléments ne sont que des hypothèses afin de comprendre pourquoi cet album ne semble, pour l’instant, pas être apprécié à sa juste valeur. On espère néanmoins que l’avenir inversera cette tendance… Vous pourrez obtenir une partie de la réponse en vous rendant au concert d’AllttA qui aura lieu le 21 mars prochain dans la prestigieuse salle de l’Elysée Montmartre, et pour lequel on vous propose de gagner quelques places ci-dessous.

Gagnez vos places pour le concert d’AllttA à Paris

Le concert d’AllttA aura lieu le 21 mars prochain et s’inscrit dans le cadre de l’excellent festival FUTURE! que nous vous avons présenté via nos articles sur Boi-1da ou encore notre Top 10 des Remixes Rap / Beat Music.

Pour participer, rien de plus simple :

  • Likez ou re-tweetez cet article (via les boutons en bas de page)
  • Envoyer un mail à concours@thebackpackerz.com avec l’objet « Concert AllttA »

Le tirage au sort aura lieu le jeudi 17 mars. Les gagnants seront prévenus par e-mail.

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