Après un an d’attente, le rappeur Aaron Cohen nous livre enfin son nouveau projet Off The Ground qui, une fois n’est pas coutume, nous emporte dans les méandres de son intellect pour notre plus grand plaisir. Une réussite de plus à mettre à l’actif de ce jeune rappeur aux perspectives des plus intéressantes.
Derrière une nonchalance non dissimulée, un regard blasé, souvent perdu dans des songes qu’on imagine très sombres, Aaron Cohen est un travailleur acharné. Pour preuve, ce rappeur à la barbe rousse a sorti 4 EPs en moins de deux ans et non des moindres. A chaque projet, Aaron nous invite dans son monde, son spleen et ses peurs, dressant un portrait au vitriole de nos relations humaines et de notre société qu’il juge à bout de souffle.
Ce constat amer, Aaron le dresse avant tout pour lui, clamant haut et fort qu’il n’a toujours pas trouvé sa raison d’être:
She look me in my face said « What do you believe in? »
I said « Nothing, I’m a motherfucking heathen »
She said « You must be breathing for some reason »
« Maybe so, but I never found no meaning »
« Anyways »
Un rappeur pétri de talent
Pour autant, nul doute que ce garçon né à Seattle a un avenir des plus prometteurs devant lui. En témoigne tout d’abord l’accueil que lui réservent ses fans à chaque sortie. Aaron bénéficie en effet d’une côte de popularité exponentielle, et ce non seulement aux US mais également en France où un deuxième public s’est naturellement constitué. Ses rares dates à ce jour en hexagone en témoignent, avec systématiquement des salles combles et un public reprenant chacun de ses titres.
Ensuite car l’univers de l’artiste est terriblement d’actualité. Les maux que notre société traverse sont dépeints avec tant d’exactitude, de réalisme, les relations humaines déchirées nous semblent tellement familières que son univers semble notre. Quitte à ne pas s’y sentir à l’aise.
Sa musique, produite par son ami de toujours, Kemal, transpire ces sentiments si particuliers et collent au mieux aux lyrics du jeune prodige.
Les clips de l’artiste quant à eux sont originaux, pas forcément sombres mais toujours réussis. Aaron y imbrique toujours son univers et ses potes dans des montages de qualités. Le clip « Anyways » ayant même été tourné à Paris rappelant à quel point le rappeur est proche de la capitale française et de son public.
Nouvel EP Off The Ground, nouvelle réussite
Dans ce dernier EP Off The Ground, l’atmosphère reste pesante, nonchalante et remplie de désillusions. on y retrouve les thèmes chers au rappeur avec des refrains pour la plupart chantés, toujours avec cette voix lasse et empreinte de désillusion. A l’image de la cover de l’EP, où l’on perçoit un Aaron brouillé, comme immergé dans les limbes funèbres, sans vie, le yeux remplacés par une lumière d’outre-tombe.
Le premier track « Burn » qui fait office d’intro permet de se replonger immédiatement dans l’univers de l’artiste avec une ambiance noire et une voix doublée un peu flippante.
Dans le titre éponyme « Off The Ground », illustré par le clip sorti le 20 juin, le rappeur vivant dorénavant à New York, évoque son combat intérieur pour devenir l’artiste qu’il désire être tout en restant l’homme qu’il est, sans sombrer dans la folie, l’égocentrisme débordant et la vanité exubérante. C’est donc une véritable psychanalyse que nous offre ici Aaron Cohen, le tout magnifiquement mis en lumière par la caméra de Tanner Jarman, vainqueur du grand prix 2015 du Revolt Film Festival.
« Say It Like You Mean It », plus chantant apporte un peu de couleur à l’ensemble avant de redurcir l’ambiance sur « A Cosmic Sense Of Humor » avec un flow plus vindicatif comme pour prouver que le MC est aussi excellent sur des beats plus pêchus, avant de replonger dans les abîmes avec « Grey Soul » et le très sombre « Soul N Bitches » en featuring avec Wati Heru.
Cependant, l’EP se ferme sur deux titres « Arrival » et « More Than That » plus lumineux, plus jazzy, avec des samples de cuivres, de piano et même de guitare électrique, la douce voix de Mecca Shabbazz pour le coeurs venant finir d’enrichir ses deux sons vraiment réussis. Peut-être les prémices d’un nouveau genre pour les projets futurs du jeune rouquin. A noter enfin que ces deux derniers titres sont aussi l’occasion d’entendre se poser ses acolytes de toujours AbGoHard et Yung Joey.
Le projet dans son ensemble est cohérent et d’une grande qualité, traduisant la créativité débordante du duo Aaron Cohen – Kemal, et prédisant de très belles choses pour leurs futures sorties. Le talentueux rappeur continue de nous épater en nous plongeant dans son univers et de nous proposer un travail différent, innovant sur bien des aspects, prouvant ainsi qu’il est bel et bien une figure de l’underground américain sur laquelle il faudra compter dans les prochaines années. A suivre de très (très) près.